Procès des viols de Mazan. "C’est aux générations futures qu’elle s’adresse", selon les avocats de Gisèle Pelicot

Avant le début de l'audience de ce jeudi 24 octobre, les avocats Stéphane Babonneau et Antoine Camus se sont exprimés pour apporter des précisions sur la position et la pensée de Gisèle Pelicot. Cette allocution arrive après la prise de parole à la barre de leur cliente qui a eu des mots forts envers son ex-mari notamment.

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La veille, le mercredi 23 octobre, c'était la deuxième fois que Gisèle Pelicot venait à la barre dans ce procès des viols de Mazan, débuté, il y a maintenant huit semaines. Elle s'est adressée à son ancien mari et aux mères et aux compagnes des 50 autres coaccusés. Elle n'a pas tenu à s'exprimer devant l'impressionnant parterre de journalistes qui suit les débats. Ce sont ses avocats qui sont revenus ce jeudi matin sur le sens des paroles de Gisèle Pelicot.

"Elle est très déterminée parce qu'il y a vraiment un problème de société. C’est une épreuve exceptionnelle que personne n’a eue à vivre dans de telles proportions. Chaque jour qui passe dans cette salle d’audience démontre cette détermination, et l'important soutien lui donne de la responsabilité. Et elle n'oublie pas les victimes qui traversent la même chose qui n’ont pas ce niveau de soutien. Elle y pense en permanence et c’est ce qu’elle entend lorsqu’elle dit qu’elle le fait pour toutes les victimes", a déclaré Stéphane Babonneau, l'un de ses avocats.

"Sa vie est détruite"

Depuis huit semaines, jour après jour, Gisèle Pelicot écoute les débats, fait face aux hommes accusés de l'avoir violée. Au quotidien, elle affronte la dureté des descriptions, les arguments des mis en cause dans un procès qu'elle a voulu rendre public. "C’est l’indignation immédiate au moment du visionnage des vidéos qu’elle s’est dit qu'il fallait que les gens voient. Il n’y en a pas qu’une, il y en a une centaine, d'une violence inouïe. C'est de là qu'a surgi la volonté de lever le huis clos", selon son autre avocat, Maître Antoine Camus. Une décision, qui a du sens pour elle. "À titre personnel, elle n’en attend rien et elle n’a rien à espérer. Sa vie est en effet “détruite”, elle l’a rappelée. Ces cinquante ans de bonheur qui, du jour au lendemain, sont perdus. À 71 ans, c’est aux générations futures qu’elle s’adresse", insiste Maître Antoine Camus.

"Montrer que les arguments de défense sont toujours les mêmes"

"Gisèle souhaitait également donner à voir quels étaient les arguments, les moyens de défense qui parfois sont utilisés et qui sont toujours les mêmes. Cette idée selon laquelle le viol serait une chose spécifique, qu'il y a une norme qui régit ce qu’est le viol et que dès qu’on s’écarterait de cette norme, ce ne serait plus un viol. Ces arguments reviennent toujours. Donc, aujourd’hui, il est temps que ces arguments s'effondrent et cessent d'être utilisés comme prétextes. Tout comme le prétexte du violeur qui ne peut l'être parce que précisément, il s'agit d'un "bon père de famille" ou un "bon ami", a détaillé Maître Stéphane Babonneau.

Antoine Camus, poursuit : "Ce sont les mêmes arguments que ceux évoqués il y a 50 ans déjà. On a criminalisé le viol et on cesse d’augmenter les peines, puis on voit la résonance que ce procès a dans la société, et pourtant rien ne change. Donc Gisèle Pélicot a décidé de changer les lignes."

"Je vais l'appeler Dominique aujourd'hui"

"J'aimerais m'adresser à Monsieur Pelicot. Je ne peux pas le regarder, car la charge émotionnelle est encore là. Je vais l'appeler Dominique aujourd'hui", a déclaré celle qui a refusé le huis clos "pour que la honte change de camp", a expliqué Gisèle Pelicot la veille, au prétoire.

Avant sa prise de parole à l'audience, Gisèle Pelicot a indiqué qu'elle allait s'adresser à son ex-mari ce qui n'est pas courant, ce que reconnaît Maître Babonneau. "C'est un procès dans lequel vous avez une configuration inédite. Gisèle Pélicot a face à elle plus de 50 inconnus et son ex-époux, qui sont tous accusés du même crime. Évidemment, elle n’a pas la même relation avec ces 50 hommes et celle avec qui elle a passé 50 ans de sa vie. Elle a ressenti le besoin de lui parler, parce qu'elle ne sait pas si elle va pouvoir lui reparler dans sa vie. En tout cas, elle l’a dit hier, elle n’arrive même pas à le regarder dans les yeux. En même temps, il était important qu’elle fasse face à cet homme, c’était le sens de sa prise de parole hier", exprime Stéphane Babonneau.

"C’est aussi le procès de la lâcheté"

Depuis huit longues semaines, Gisèle Pelicot doit supporter d'écouter la défense des mis en cause, leurs excuses, leur famille. Elle reste digne, ne laisse rien transparaître. "Elle l’a dit hier, elle n’attend rien de ces individus. En revanche, lorsqu’elle a expliqué qu’elle ne pouvait pas accepter leurs excuses, c'est parce qu’elle a le sentiment qu’ils s’excusent eux-mêmes du fait qu’ils ne reconnaissent pas les faits de viol. D'ailleurs, la plupart ne peuvent même pas prononcer ce mot de viol. Aujourd’hui, il reste encore un certain nombre de semaines de procès, chaque accusé aura encore la possibilité de s’exprimer. Et donc il y a encore beaucoup de temps pour que les lignes des uns et des autres bougent. Peut-être qu’on peut encore avoir une lueur d’espoir, mais seule la suite nous le dira", résume Stéphane Babonneau.

"Mais pour l’instant, elle regrette la lâcheté. La lâcheté de ceux qui n’assument pas, de ceux qui ne reconnaissent pas, de ceux qui prétendent n’avoir pas eu d’intention, et quelque part la lâcheté de ceux qui présentent des excuses, mais qui sont bien tardives, et qui n’ont rien fait pour faire cesser son calvaire qui aurait pu prévenir les autorités par un signalement qui aurait pu être anonyme. C’est aussi le procès de la lâcheté", conclut Antoine Camus.

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