Pour la dernière fois avant la fin du procès des viols de Mazan, Gisèle et Dominique Pelicot se sont exprimés devant la cour criminelle du Vaucluse ce mardi 19 novembre. Caroline Darian, leur fille, a vivement répondu aux excuses du principal accusé.
"Le procès de Gisèle Pelicot est le procès de la lâcheté". La dernière prise de parole de la victime des viols de Mazan n'a pas été longue, ce mardi 19 novembre. Après avoir entendu les 51 hommes accusés de l'avoir violée, Gisèle Pelicot a résumé leurs explications en un mot : "lâcheté". "Il est grand temps que, dans cette société machiste et patriarcale, on change de regard sur le viol."
Si la matinée était consacrée aux dernières déclarations de Gisèle Pelicot, c'était au tour de son ex-époux, Dominique, de s'avancer une dernière fois à la barre ce mardi après-midi. Une dernière intervention avant de passer à une nouvelle phase de ce procès historique.
Dominique Pelicot a la parole
Polaire grise, col de chemise blanc. Dominique a l'air fatigué. Cheveux blancs, clairsemés. Il s'exprime d'une voix étranglée. Renifle et laisse quelques pauses entre ses phrases.
"Je dois tout d’abord parler à mes enfants, c’est la première fois que je les revoyais depuis quatre ans. J'avais mesuré l'anéantissement, mais pas à ce point. Je le regrette amèrement."
"Je maintiens que je n’ai jamais touché mes enfants et mes petits enfants que j’aime énormément", complète-t-il.
Dominique Pelicot regarde la cour, ne fixe pas sa famille, à l'autre bout de la salle. Il est légèrement avachi sur sa chaise, le micro posé sur le haut de son ventre.
" C'est le dernier instant pour parler à Caroline"
L'avocat de Gisèle Pelicot Me Babonneau prend alors la parole à la suite de sa déclaration. "Ce sont les derniers instants pour parler à vos enfants, et notamment à Caroline. Vous n'imaginez pas à quel point ils sont détruits. Caroline est détruite."
Il fait référence aux photos où Caroline semble endormie, dénudée. Aux images retrouvées dans son ordinateur sous le nom "ma fille à poil". "Que répondez-vous à ça ?"
Dominique Pelicot semble alors ému. Sa voix tremble. "Je ne cherche pas à la convaincre. Je ne me souviens pas d’avoir fait ses photos. Elle sait mieux que moi s’il s’agit bien d’elle." Il étouffe des sanglots. "Je lui dis droit dans les yeux que je ne l’ai jamais touchée."
Caroline réagit alors vivement, et crie à travers la salle, le visage rouge.
"Tu mens, tu n’as pas de courage. Tu mourras dans le mensonge. Seul dans le mensonge, Dominique Pelicot. Tu n’as pas de face."
Caroline Darian, fille de Gisèle et Dominique PelicotFrance 3 Provence-Alpes
Dominique Pelicot ne répond pas aux cris de sa fille. Elle ne se lève pas et reste dans la salle.
Dans sa prise de parole, le septuagénaire revient en outre sur le viol qu'il dit avoir subi dans son enfance, à l'hôpital. "Quand j’ai été violé, je ne me suis pas rendu compte de ce que c’était, je ne savais pas ce que c’était".
"Les douleurs qui viennent derrière ça... On pense à tellement de choses, surtout quand on a les yeux bandés".
Il revient également sur un autre épisode. "C'était en 1966. Je n'avais pas encore 14 ans. J’en ai beaucoup parlé à mes psychiatres. Quand on vous force à assister à un viol... En me mettant la tête dans le vagin d’une femme. Ça m’a créé une fissure qu
Cette fissure m’a poussé à faire ça et à avoir des complices pour arriver à profiter de nos corps avant qu’ils vieillissent.
Dominique Pelicot
"Une fissure que j’ai gardée à vie.", lâche-t-il.
"Une sainte"
Concernant Gisèle Pelicot, le principal accusé justifie le terme de "sainte", qu'il utilise pour la qualifier. "Elle est toujours égale à elle-même, elle a été bienfaisante. (...) Soumettre une femme insoumise était mon fantasme par égoïsme, pur égoïsme".
"Je reconnais les faits vis-à-vis de mon épouse, mais pas pour mes enfants et petits enfants", assure-t-il.
J’ai eu deux dieux au cours de ma vie : ma mère pendant 18 ans, ma femme pendant 50 ans.
Dominique Pelicot
Comment Dominique Pelicot explique le "mensonge" des 50 accusés ? "Pour sauver leur peau, comme tout à chacun essaye de le faire dans ce cas-là". Il assure ne pas les avoir manipulés, "absolument pas". Sur les bancs des accusés, des chuchotements se font entendre.
"Sans eux, je ne serai pas là, sans moi, ils ne seraient pas là", lâche-t-il en évaluant dans cette affaire leur responsabilité de 40, et 60 pour lui. Un pourcentage pour plus de 90 viols.
Dominique Pelicot ne bouge pas sur sa chaise. Il continue de parler d'un ton monocorde et fait un parallèle entre le jeu d'argent, et ce que sa femme a subi. "Quand on joue et qu'on perd, ce n'est pas le casino qui est responsable !". En filigrane : toujours cette question de la responsabilité par rapport aux 50 accusés venus à leur domicile.
Au cours des questions des avocats, une intervention sort du lot, celle de Me Monzat qui demande à Dominique Pelicot la définition du consentement. Ce dernier rit. Laisse une pause. Hésite. "C'est l'accord de la personne avec laquelle on a un deal".
"Je devais honorer les rendez-vous"
Me El Bouroumi le questionne sur le Temesta qu'il a continué à acheter. "Je pensais que je devais honorer des rendez-vous qui avaient été pris". Dominique explique avoir eu peur de la réaction des hommes qui avaient rendez-vous s'il ne les honorait pas. Les accusés se mettent à râler dans sur les bancs de la salle d'audience.
Gisèle Pelicot était sous emprise. A choisir entre Caroline et vous, elle a choisi vous.
Me El Bouroumi
"Ce que j’ai fait est dégueulasse, comme beaucoup ici, déclare enfin Dominique Pelicot. Je ne m’en félicite jamais. Je travaille pour que jamais ça ne se reproduise."
L'audience est suspendue à 18h50. "Dominique Pelicot est fatigué."
L'instruction à la barre du dossier se termine ce donc mercredi 20 novembre avec les dernières questions des avocats. L'audience se poursuit avec les plaidoiries de la partie civile, dans la matinée. S'ensuivent quatre jours de suspension avant une reprise de l'audience le lundi 25 novembre, avec les réquisitions du ministère public.