Depuis le 18 avril, le camp de transit de la Roya a fermé ses portes aux nouveaux arrivants. Selon Médecins du Monde, 200 migrants errent à ce jour dans les rues de Vintimille sans solution d'hébergement.
Ils sont sous les ponts, sur la plage ou devant la gare. Depuis quelques semaines, près de 200 migrants - selon les estimations de Médecins du Monde, errent dans les rues de Vintimille sans solution d'hébergement ni possibilité de passer la frontière franco-italienne.
Le 18 avril dernier, le Campo Roya, qui accueille des migrants en transit ou des demandeurs d'asile, a été placé en quarantaine après la découverte d'un cas de Covid-19 en ses murs.
Le camp d'accueil est en périphérie de la ville italienne :Depuis, la structure, gérée par la Croix-Rouge italienne, n'accueille plus de nouveaux arrivants.
Bien que le déconfinement soit amorcé en Italie depuis mi-mai, la préfecture de Ligurie ne souhaite pas rouvrir le camp avant fin juillet, date officielle de la fin de l'urgence sanitaire dans le pays.
Une décision que Carla Melki, coordinatrice pour Médecins du Monde, ne comprend pas.
Celle qui travaille depuis un an sur un programme dédié à la migration transalpine a co-signé une tribune le 24 juin dernier avec la chercheuse Morgane Dujmovic sur le site de Mediapart : elle y dénonce "une mise en danger sanitaire et institutionnelle des personnes en migration".Pour nous, la fermeture prolongée du Campo aux nouveaux arrivants n'a aucun sens. La préfecture dit vouloir limiter l'hébergement collectif pour ne pas créer de nouveau cluster. Mais en laissant ces personnes à la rue, on accroit le risque sanintaire car elles n'ont pas accès aux soins comme au camp.
"On veut les rendre invisibles"
L'accès aux soins n'est pas le seul problème pour ces migrants. Carla Melki déplore le manque de prise en charge institutionnel sur le plan humanitaire : pas d'accès à des sanitaires, pas de distribution de nourriture ni de bouteilles d'eau. Seules quelques associations, à l'image du collectif Kesha Niya, assurent des maraudes "discrètes" pour subvenir aux besoins de ces populations "laissées à l'abandon".La coordinatrice assure également que le présence et les opérations policières ont été renforcées depuis ces dernières semaines.Le maire pousse les migrants en dehors du centre-ville : avec la reprise du tourisme, ce n'est pas bon pour son image. Rien n'est mis en place pour eux, car on veut les rendre invisibles.
Médecins du Monde dénonce un "non respect du droit aux frontières"
Vintimille n'est souvent qu'une porte d'entrée sur le territoire européen pour les personnes en transit. Certaines souhaitent poursuivre leur route pour obtenir le droit d'asile ailleurs, et notamment en France. Mais difficile ces temps-ci.Entre le 15 mars et le 15 avril, 107 non-Européens (principalement originaires de Turquie, d'Afghanistan et d'Irak) se sont vus opposer un refus d'admission en France par la Police aux Frontières.
"Les démarches pour le droit d'asile sont en suspens depuis le confinement. Il est quasiment impossible d'entrer sur le territoire français à ce jour", précise Carla Melki.
L'ONG questionne aussi les conditions d'accueil des demandeurs d'asile à l'entrée du territoire français.
Face à ces difficultés, certains migrants préfèrent contourner la loi et pénétrer le territoire français autrement. "Ils passent parfois par des routes de montagne et se mettent directement en danger", regrette la spécialiste de la zone transalpine.A la frontière, ils sont placés dans des Algeco le temps que leur demande soit évaluée par les autorités, ce qui peut parfois prendre plusieurs jours. Il ne s'agit ni d'une zone d'attente, ni d'un centre de rétention. Pourtant, les demandeurs doivent passer la nuit dans ces lieux sommaires, qui ne représentent rien aux yeux du droit, et où il n'y a pas toujours masques et solution hydroalcoolique à disposition.
Des inquiétudes du côté des personnes en exil
La situation semble donc bloquée des deux côtés de la frontière, n'offrant guère le choix aux nouveaux arrivants. En contact avec le terrain, Carla Melki confirme que certaines d'entre eux s'inquiètent et demandent à être protégés."Ces personnes ont bien souvent un parcours avant d'arriver à Vintimille ; certains ont fui leur pays il y a 5 ans et ils sont à bout de souffle. Même s'ils tiennent debout, ils n'ont plus toujours les ressources pour continuer."
Médecins du Monde espère désormais une réaction rapide du côté des autorités, "surtout qu'il est difficile d'anticiper les flux de migration à venir".
Selon les estimations de l'ONG, une centaine de personnes sont actuellement logées au camp de transit de Vintimille. Il pourrait accueillir jusqu'à 200 personnes supplémentaires.