Quatre arrivées groupées, un naufrage et un virus. Jusqu'au bout, ce 9e Vendée Globe aura emmené ceux qui le suivent de surprise en surprise, s'achevant sur une nuit blanche, façon montagnes russes.
Personne ne l'attendait. Il est 1h20 du matin lorsque l'Imoca jaune de Louis Burton entame sa remontée dans le chenal des Sables-d'Olonne. Autour de lui, la flotille des bateaux de la presse et son équipe.
Sur les quais, seuls quelques policiers assistent au spectacle des lumières et des cornes de brume qui déchirent la nuit. Dans les immeubles autour, une unique fenêtre s'est ouverte pour accueillir le deuxième arrivé.
Pour faire la haie d'honneur, les bénévoles avaient été conviés pour quatre heures du matin. Tout le monde imaginait une remontée groupée des quatre premiers voiliers, vers quatre heures du matin. Mais Louis Burton a pris tout le monde à revers.
Une remontée de chenal inattendue
En plus d'un problème mécanique qui l'empêchait d'attendre, le Malouin avait hâte. De retrouver ses deux enfants et sa compagne, Servane Escoffier, de prendre une douche, manger un repas chaud, et surtout, sa.vou.rer cette deuxième place sur la ligne d'arrivée.
Il a les yeux qui brillent et le sourire radieux de ceux qui ont tout surmonté. Un plomb moteur cassé, des avaries sur la grand voile et même... deux incendies à bord !
La collision de Boris Herrmann
Quelques heures plus tôt, coup de théâtre lors du sprint final : Boris Herrmann, qui vise encore la première place grâce aux compensations, heurte un bateau de pêche au large du Golfe de Gascogne.
Terriblement déçu, le skipper allemand a raconté dans une vidéo les circonstances de cette collision : il s'était endormi, et le système d'alarme n'a pas fonctionné. Pour lui, la course s'achèvera à toute petite allure, loin des rêves de podium.
A la même heure, Charlie Dalin remontait le chenal, dans une vedette. C'est lui, le premier à franchir la ligne d'arrivée. Pour cause de marée basse, l'Imoca reste au large, encore pour quelques heures. Quant au skipper, il attendra aussi l'arrivée de Yannick Bestaven, qui peut encore chambouler le classement.
Pour s'être dérouté au moment du naufrage de Kevin Escoffier, ce dernier bénéficie d'une compensation de 10h15, et la victoire se calculera à la minute. Avant la conférence de presse, Charlie Dalin lance un bref regard sur le trophée du Vendée Globe.
Les policiers aux premières loges
Jamais les arrivées d'un tour du monde n'auront été si rapprochées. Sur le quai de la Chaume, les policiers discutent en attendant les concurrents. Ils n'étaient pas sur le départ, mais lorsqu'ils ont appris qu'ils seraient là pour le final, ils se sont passionnés pour cette course.
"Bestaven, il est à 100 bornes, à 80 km heures.... tout dépend du vent qu’il va prendre.
- A moins qu’il ne se prenne un bateau de pêche.
- Toi qui a suivi, combien il gagne le premier ?
- 200 000 euros.
- C’est une sacrée prime de match.
- Ouais mais j’ai entendu une interview émouvante hier de la femme à Jean le Cam. Pour pouvoir faire cette course, ils mangent des patates toute leur vie.
- Et les autres, ils y en a qui sont loin derrière.
- Quitte à être confinés, autant l'être en pleine mer"?
Pas de foule, mais une fête malgré tout
Sur les petites croix blanches, espacées de 4 mètres tout au long du chenal, les bénévoles sont arrivés. Il est trois heures du matin. Après avoir d'abord interdit tout public, la préfecture a finalement autorisé une maigre haie d'honneur. 302 personnes, là où se massent d'habitude plusieurs centaines de milliers de passionnés.
Venus suivre Thomas Ruyant, le Dunkerquois, des journalistes lillois imaginent la scène, s'il n'y avait pas le Covid. "Des milliers de personnes, qui seraient venues en car, avec leurs parapluies multicolores et leurs tenues. Là haut, d'habitude, le carnaval bat son plein."
Yannick Bestaven sera la dernière arrivée de cette longue nuit, à 5h42, juste à temps pour une parade inédite sur un final de Vendée Globe. Charlie Dalin a regagné son Imoca, qui suit celui du skipper chti. Avec un passage de ligne à 4h20 du matin, et par le jeu des bonifications, ce dernier vient de remporter la première place, à un peu moins de deux heures près.
Après plus de deux heures et demie d'attente, les bénévoles peuvent enfin allumer les torches remises par l'organisation. Encadré par des feux d'artifice, le bateau du vainqueur entre dans le chenal, tandis que les fenêtres s'ouvrent et s'illuminent. Les banderoles sont sorties, on chante, on fait du bruit, de la musique. Et tandis que le jour se lève, les quais gardent l'écho de cette fête, tout au bout de la nuit.