Le parc de la Vanoise, ses glaciers, ses bouquetins... et ses habitants qui le rejettent massivement. Le premier parc national créé en France, en Savoie, va voir son territoire réduit à la portion congrue, après le refus des communes d'adhérer à sa charte.
"C'est une gifle, un échec colossal", reconnaît un responsable du parc. Sur les 29 communes de l'aire d'adhésion, seules deux d'entre elles ont accepté de ratifier la charte (la dernière commune doit voter lundi). Ce texte, créée par une loi de 2006, engage les collectivités pour un partenariat de quinze ans avec le parc.
En comptant la "zone coeur" (de 530 kilomètres carrés), hautement protégée et non concernée par le processus d'adhésion, le parc, créé en 1963, se trouve ainsi réduit au tiers de sa surface d'environ 2.000 km2.
Un cas unique en France: dans les dix autres parc nationaux, les communes ont adhéré en moyenne à 75%. Et jusqu'à 100% en Guadeloupe. Ce rejet n'est pas une surprise pour ce territoire qui rassemble quelques unes des plus grandes stations de ski du monde (Val Thorens, Courchevel, Tignes, La Plagne, etc...) qui ont longtemps reproché au parc d'entraver leur développement. Mais son ampleur est inattendue.
A Termignon, la maire Rémi Zanatta, favorable à la charte, a ainsi été mis en minorité par son conseil municipal. Une adhésion n'aurait pourtant pas changé grand chose pour cette commune qui compte déjà 85% de son territoire en coeur de parc. "Les enfants d'ici naissent en étant "anti-parc". Tout est prétexte à en dire du mal", se désole le maire.
Idem à Aussois, où le maire de la commune et ancien président du parc, Alain Marnézy, a été désavoué par son conseil.
75% de non
Le scénario est encore plus frappant à Champagny-en-Vanoise, où les élus, majoritairement favorables à la charte, ont organisé une consultation de la population. Résultat: 75% de non.
"On a dû se résoudre à voter contre", regrette René Ruffier-Lanche, le maire de la commune. "On est dans un parc atypique, avec des communes qui ont un gros potentiel financier. Ce ne sont pas les rares pécules que distribue le parc qui vont les influencer", dit-il.
La petite commune de Champagny récolte ainsi plus de 600.000 euros de recettes par an grâce à l'économie du ski. Le parc distribue lui un budget de subventions de 148.000 euros en 2015, à partager entre 29 communes.
Mais au-delà des questions financières, la charte est souvent perçue comme une nouvelle couche de réglementation qui vient s'ajouter aux autres (réserves naturelles, zones Natura 2000...).
"Ça conduit des communes à ne pouvoir plus rien faire sur leur territoire", souligne André Plaisance, maire de Saint-Martin-de-Belleville, dont la commune a pourtant ratifié la charte.
"Fondamentalisme"
Michel Giraudy, maire de Bourg-Saint-Maurice, se dit ainsi "saturé" de "cette constante pression de l'État", tandis que Jean-Christophe Vitale, maire de Tignes, pointe "un certain fondamentalisme" des agents qui freinent les projets touristiques en coeur de parc.
Beaucoup évoquent aussi un contentieux ancien avec les gardes accusés de distribuer des amendes comme des petits pains. "C'est faux!", s'énerve Yves Paccalet, élu écologiste à la région et administrateur du parc. "On a fait les statistiques: chaque agent ne dresse pas plus d'un PV par an". "Cette opposition, c'est totalement irrationnel", lance-t-il.
"Quand on y regarde de près, il n'y a pas grand chose de contraignant dans la charte", abonde Laurent Trésallet, maire de Peisey-Nancroix, l'autre commune à avoir adhéré. Après une première salve de critiques, le texte avait en effet été réécrit et expurgé de tout ce qui pouvait crisper les stations, sans convaincre pour autant.
"Il ne faut pas baisser les bras et continuer à se battre", veut croire Guy Chaumereuil, président du parc. Dans trois ans, les communes pourront à nouveau décider d'adhérer... ou pas.