La semaine du lundi 30 mai au dimanche 5 juin 2016 s'annonce agitée. Dans ce face-à-face entre un gouvernement de gauche et les opposants à la réforme du code du travail, quelle est la marge de manœuvre de l'exécutif? Quel impact sur l'économie française? Qui tire profit du conflit?
Quelle est la suite du mouvement?
Il y a déjà eu huit journées de mobilisation nationales en l’espace de deux mois. Le prochain rendez-vous dans la rue est fixé au mardi 14 juin 2016 avec cette fois une unique manifestation à Paris.Sur le front des grèves, la semaine du lundi 30 mai au dimanche 5 juin 2016 s'annonce mouvementée dans les transports, sans compter les raffineries, dépôts de carburants, ports et docks qui pourraient continuer d'être touchés.
A la SNCF
Des négociations sociales décisives sont en cours. L'ensemble des syndicats menacent d'une grève dure reconductible à partir du mardi 31 mai au soir. Le gouvernement et la SNCF, transporteur officiel de l'Euro de football, sont soucieux d'arriver à un accord pour éviter un tel scénario.A la RATP
- la CGT appelle à la "grève illimitée" à partir du jeudi 2 juin, pour la réouverture des négociations salariales annuelles, mais aussi pour le retrait du projet de loi travail
- le syndicat SUD appelle à la grève à partir du vendredi 10 juin, le jour du lancement de l'Euro.
Dans les aéroports
Le trafic aérien risque aussi d'être affecté entre le vendredi 3 et le dimanche 5 juin, en raison d'un appel à la grève de l'ensemble des syndicats de l'Aviation civile (DGAC), pour des revendications purement internes.Selon des analystes, si la CGT n'obtient pas gain de cause sur le retrait de la loi travail, elle pourra faire valoir les concessions éventuellement obtenues dans ces secteurs. Comme, par exemple, l'exception à la loi travail accordée par le gouvernement aux routiers sur les heures supplémentaires.
Quelles sont les conséquences économiques?
Les conséquences sont "limitées", mais elles pourraient s'aggraver si le mouvement se durcit.Les transporteurs routiers ont été les premiers touchés par les difficultés à s'approvisionner en carburant. Du coup, ils peinent à livrer commerces, usines et entreprises. Plusieurs fédérations professionnelles ont tiré la sonnette d'alarme : les secteurs les plus touchés sont la chimie ou le bâtiment.
Les économistes relativisent toutefois les répercussions des blocages. Le mouvement "aura sans doute un effet sur la croissance" française mais "a priori, il sera limité", car "compensé" par toute une série de données positives, explique Ludovic Subran, chef économiste de l'assureur-crédit Euler Hermes.
De son côté, Alexandre Mirlicourtois, du cabinet Xerfi, s'inquiète d'un durcissement du mouvement : "Cela peut amener les ménages à se constituer une espèce d'épargne de précaution en attendant de voir comment cela se dénoue."
Le front syndical va-t-il rester uni ?
Depuis le début de la mobilisation en mars, sept syndicats de salariés et de jeunes, dont la CGT, FO et Solidaires, ont organisé huit journées d'action autour d'un seul mot d'ordre : le retrait du projet de loi.Lors de son congrès organisé au mois d'avril, la CGT avait haussé le ton contre le gouvernement. Depuis une semaine, elle a accentué la pression avec des mouvements plus durs dans ses bastions. Le conflit se transforme en un bras de fer entre le Premier ministre Manuel Valls et le numéro un de la CGT Philippe Martinez qui se retrouve en première ligne.
La CGT, premier syndicat français, n'est pas isolé : l'intersyndicale a appelé à amplifier le mouvement d'ici le 14 juin.
Le leader de FO Jean-Claude Mailly est sur la même ligne et reste inflexible sur son refus de "l'inversion de la hiérarchie des normes" avec la primauté de l'accord d'entreprise.
Mais, selon des responsables socialistes, Jean-Claude Mailly est en contact avec des députés PS. "Mailly ne veut pas être étouffé par la CGT (...) Il cherche à se dégager de là", assure un parlementaire. Vendredi, il a fait une proposition : suspendre les débats parlementaires, pour "sortir" du conflit.
Un compromis est-il possible sur l'article 2?
Il s’agit de l'article au coeur de la contestation : la CGT et FO, notamment, pointent le risque qu'un accord d'entreprise soit moins favorable que l'accord de branche ("l'inversion de la hiérarchie des normes"). Les opposants au texte estiment que cela risque de créer une course au moins-disant social.Des Hollandais ont ouvert la porte à des évolutions possibles de cet article, sans toutefois en toucher le "principe". Le ministre Michel Sapin a prôné "dialogue" et "négociation avec les organisations syndicales, patronales", citant en premier lieu FO.
Avec l'espoir d'éviter un nouveau 49-3 en nouvelle lecture à l'Assemblée dans un mois, le chef de file des députés socialistes Bruno Le Roux a remis sur la table la proposition du rapporteur Christophe Sirugue -qui n'avait pas été retenue faute d'accord des "frondeurs". Le député de Saône-et-Loire et rapporteur a proposé que "la branche donne un avis a priori" et non a posteriori sur l'accord d'entreprise.
Cette piste est "la vraie porte de sortie", affirme un député légitimiste, pour qui il ne peut y avoir de vraie réécriture de l'article sinon "on perd la CFDT". Manuel Valls, soutenu par François Hollande, a d'ailleurs assuré qu'il "peut toujours y avoir tel ou tel élément de précision" mais sans toucher au "coeur" de l'article. Le texte n'a "pas d'intérêt" sinon, selon son entourage.
Qui tire les marrons du feu politiquement?
L'exécutif atteint des records d'impopularité. Selon un sondage récent, six Français sur dix jugent le mouvement contre la loi travail "justifié". Parmi ceux qui défendent la mobilisation, les proportions sont particulièrement importantes aux extrêmes : 88% des sympathisants du Front de gauche soutiennent le mouvement, 78% de ceux du Front national.Avec des argumentaires différents, deux candidats à la présidentielle demandent le retrait du projet de loi.
Marine Le Pen, très discrète dans les médias ces dernières semaines, a vivement critiqué sur son blog un texte de loi "qui ne ravit que l'UMP". Elle a accusé le gouvernement de "brutaliser les rapports sociaux et agresser les Français".
De son côté, Jean-Luc Mélenchon a défendu les grévistes et notamment la CGT, leur apportant son "affection", son "amitié" et appelant aux dons car "les gens perdent des journées de salaire" en maintenant le mouvement.