Depuis début juin, la ville de Rennes propose de s’initier à l’histoire de la ville d’une manière originale : en se rendant au cimetière du Nord à la découverte des tombes de ceux qui ont écrit les plus belles pages de la capitale bretonne.
C’est l’une des tombes les plus prisées : une tombe en granit ornée de mosaïques rose et or. C’est celle de la famille Odorico, célèbres artistes italiens qui ont décoré nombre de façades et de bâtiments rennais avec leurs sublimes mosaïques. Isidore et Vincent, pères et fils, ont marqué de leur empreinte la capitale bretonne avant de venir reposer en paix au cimetière du Nord. Ils ne sont pas les seuls.
Un musée à ciel ouvert
Le cimetière abrite une vingtaine de tombes prestigieuses : il y a la chapelle néo gothique des imprimeurs Oberthur, celle de la famille Pinault, riches industriels, celle des Bessec, célèbres chausseurs. Reposent ici aussi ceux qui ont marqué la vie politique rennaise : les maires de Rennes : Jean Leperdit et Edgar Le Bastard ou Yvon Bourges, préfet d’Ille et Vilaine, maire de Dinard, président de la région Bretagne, ministre de la défense de 1975 à 1980, disparu en 2009. Des artistes, des intellectuels, des scientifiques.
Beaucoup de sépultures sont ornées de symboles : la couronne mortuaire, signe de consécration, l’ange, messager de Dieu qui accompagne l’âme des défunts, l’alpha et l’oméga qui symbolisent la vie de la naissance à la mort, l’étoile symbole d’espérance…
Des tombes aux étranges pouvoirs
Plus étonnant, il y’a ces sépultures qui restent aujourd’hui vénérées par les Rennais pour les pouvoirs qu’on leur prête. : celle de l’abbé Huet, aumônier des étudiants qui aujourd’hui encore, dit-on, aide ceux-ci à réussir leurs examens ou celle plus mystérieuse encore de Dame Philippe-Hélène de Coëtlogon plus connue sous le nom de la Sainte aux Pochons. L’épouse du gouverneur de Rennes qui était connue pour sa bonté est morte en 1677. 121 ans plus tard, pour raison de travaux, son corps est exhumé : il est intact. On pense alors qu’elle est devenue sainte à cause de son grand cœur. Les malades vont prendre pour habitude de prélever un peu de terre sur sa tombe qu’ils placent dans un pochon avant de le porter sur eux durant neuf jours. La Sainte est alors censée intercéder pour leur guérison. Une tradition encore bien vivante aujourd’hui lorsque l’on voit tous les petits sachets dissimulés sous les feuilles de lierre qui recouvrent entièrement la tombe.
Un cimetière à la longue histoire
Le cimetière du nord est le plus ancien de Rennes. Il a été crée en 1784 dans un champ appartenant aux moines de l’Abbaye Saint-Melaine. Agrandit en 1824, il est doté quatre ans plus tard, d’une chapelle en forme de dôme réalisée par Charles Millardet puis en 1867, la ville rachète 4 hectares de terrain et charge l’architecte Jean-Baptiste Martenot d’organiser les huit nouvelles sections. Il n’a pas changé depuis. Sur 8 hectares, il accueille 14 000 sépultures.
Une balade intemporelle en flânant sous les cyprès et les séquoias
Pour visiter le cimetière et découvrir les tombes, il suffit de se rendre à l’accueil afin d’obtenir une brochure. On se balade ensuite de panneaux en panneaux. Un site internet permet d’effectuer une visite virtuelle et d’en savoir plus sur son histoire. On peut également flasher un QR code pour partir avec son smartphone, à la découverte de ce musée à ciel ouvert.
Le cimetière de l’Est peut lui aussi se visiter virtuellement.
La ville de Rennes projette d’adhérer à l’Association des cimetières remarquables d’Europe pour intégrer la « Route des cimetières européens » qui compte une soixantaine de cimetières en Europe et seulement 3 en France : Paris, Lyon et Clamart.
Le reportage d'Isabelle Rettig et Vincent Bars
Interviews :
- Serge Bignon, graveur sur pierre
- Nathalie Bidan, chargée de mission patrimoine funéraire
- Patrice Quenot, responsable des services funéraires-ville de Rennes