Selon une récente étude, les algues vertes devraient encore enlaidir et polluer les plages bretonnes durant un bout de temps. Et malgré les efforts déjà accomplis. Même en supprimant totalement les apports en azote en surface, il faudrait une cinquantaine d'années pour s'en débarrasser.
L'objet de cette expertise scientifique collective c'est l’eutrophisation, autrement dit le phénomène à l'origine de la proliférations d’algues, parfois toxiques, dans les lacs et les cours d’eau et les proliférations de macroalgues vertes dans les zones côtières. Cette eutrophisation est provoquée par des apports importants d’azote et de phosphore dans l'eau, que ce soit en mer ou en eau douce. Des phénomènes aggravés notamment par une température élevée.
L'étude en question, expertise scientifique collective, a été menée par 45 chercheurs du CNRS, de l'Irstea, Ifremer, Inra et d'universitaires à la demande des ministères de l'Agriculture et de l'Environnement. Cette expertise consiste à rassembler la littérature scientifique internationale disponible sur un sujet donné.
Les concentrations en nitrates ont doublé au cours du 20è siècle
La croissance démographique, la concentration urbaine, l’industrialisation et la spécialisation de l’agriculture, son intensification, ont entraîné une augmentation des concentrations en nutriments dans l’environnement, et au final dans les milieux aquatiques. L'étude précise ainsi que ces flux auraient "quasiment doublé au cours du XXe siècle, aussi bien pour l’azote que pour le phosphore". En ajoutant encore que "La contribution de l’agriculture à ces flux est passée de 20 % à 50 % pour l’azote, et de 35 % à 55 % pour le phosphore."
40 à 50 ans pour se débarrasser des nitrates
Ce que révèlent les scientifiques au travers de cette étude, c'est le temps qu'il faudra pour se débarrasser des nitrates dans les nappes phréatiques. Ainsi même en supprimant totalement les apports en azote en surface, il faudrait quarante à cinquante ans pour nettoyer ces nappes, et non cinq à dix ans... Ce qui explique les taux de nitrates toujours élevés en Bretagne malgré les efforts. D'autant que les changements climatiques vont encore amplifier ces symptômes.
La solution : maîtriser les apports en azote et phosphore
Pour ces scientifiques il y a consensus aujourd'hui "pour limiter à la fois les apports d’azote et de phosphore aux écosystèmes aquatiques, qu’ils soient ponctuels, diffus, d’origine urbaine, industrielle ou agricole". Si les actions engagées vont dans le bon sens, pour avoir un résultat probant dans des milieux très sensibles, il faudrait selon les chercheurs, repenser les activités agricoles, la Bretagne a trop de cochons, trop de vaches, trop de volailles... "L’attention se concentre désormais sur les sources agricoles, importantes dans les pays développés : recyclage des effluents dans les régions à forte densité animale (car forte importation d’aliments pour les animaux) ; gestion de la fertilisation prenant en compte azote et phosphore, raisonnée par parcelle, par système de culture".
Des progrès possibles pour les pollutions domestiques et industrielles
Pour ce qui est des sources de pollutions domestiques et industrielles, explique l'étude, "des efforts importants ont été faits, mais des progrès sont encore possibles : réduction à la source, meilleure évaluation des volumes à traiter, en particulier dans les zones où la population fluctue, montée en gamme de nombreuses petites stations d’épuration, traitements spécifiques.
Des normes insuffisantes
À leur sens, les normes actuelles ne sont pas suffisantes: "La norme de potabilité fixée à 50 mg/L de nitrates, fréquemment référencée dans les textes réglementaires, n’est en tout état de cause pas adaptée à la protection des milieux vis-à-vis du processus d’eutrophisation".
Eutrophisation : Manifestations, causes, conséquences et prédictibilité
► Revoir les explications de Catherine Carlier :