En Bretagne, Carrefour va vendre des légumes issus du "marché interdit"

Deux groupements de producteurs bretons ont passé un contrat avec le groupe Carrefour. Le distributeur qui va proposer à partir de ce mercredi des légumes issus de semences paysannes sur les étals d'une quarantaine de magasins en Bretagne et en Ile-de-France.

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Les semences paysannes sont des semences que les agriculteurs sélectionnent eux mêmes et cultivent d'une année sur l'autre. Au contraire des hybrides fabriqués par les semenciers, les semences paysannes sont peu stables et peu homogènes, ce qui leur interdit l'entrée au catalogue officiel des espèces et variétés. "Ces semences ne peuvent pas être vendues. En revanche, les fruits et légumes qui en sont issus le peuvent", rappelle le groupe Carrefour.

Ces oignons roses d'Armorique, artichauts Camus du Léon, butternut Kouign Amann, ou rhubarbes acidulées de Bretagne, qui seront vendus en grande distribution pour la première fois, présentent un maximum de variabilité. Ils peuvent ainsi s'adapter à des conditions naturelles changeantes.

Engagement bipartite


Quand Carrefour a contacté les groupements de producteurs bretons Kaol Kozh et APFLBB pour distribuer ces légumes, les agriculteurs ont négocié des accords contractuels sur 5 ans, et un engagement sur les prix et les volumes.

En effet, le coût de revient de ces légumes issus de semences paysannes peut être supérieur de 30 % à des légumes issus du catalogue, notamment parce qu'ils ne mûrissent pas tous en même temps et qu'il faut plusieurs passages dans les champs pour les récolter, selon René Léa, maraîcher bio dans le Nord Finistère.

"Dans le cadre de ce partenariat, nous allons les aider à développer leurs variétés pour offrir un choix plus large aux clients", ajoute Philippe Bernard, directeur des relations monde agricole chez Carrefour.

Des légumes bio bretons vont être vendus dans une quarantaine de magasins de l'enseigne Carrefour. L’originalité du concept, c’est que les légumes sont issus de semences paysannes et non d'hybrides comme la quasi totalité du marché. Cet accord devrait permettre aux maraîchers bio de mieux faire connaître leur démarche paysanne. / Intervenants : Jacques Chapalain, maraîcher bio (groupement Kaol Kozh) - René Léa, maraîcher bio et président du groupement Kaol Kozh

Pétition


La Fondation Carrefour accompagnera ainsi les producteurs dans la mise en place d'une Maison des graines des paysans dédiée à la recherche sur les espèces potagères et à l'amélioration des techniques de production de semences.

Le géant de la distribution a également mis en ligne une pétition sur carrefour.fr et sur Change.org pour qu'un paysan qui produit ses propres semences puisse les vendre en vente directe, alors qu'aujourd'hui il a uniquement le droit des les échanger, mais également que ces semences soient distribuées par les semenciers.

 

Une initiative "bienvenue"


"Cette initiative de Carrefour est la bienvenue", a indiqué à l'AFP Guy Kastler, membre fondateur de la Confédération paysanne et coordinateur du Réseau Semences Paysannes jusqu'en 2016, en soulignant l'importance "qu'un opérateur économique autre que les syndicats et les associations se bouge" pour les semences paysannes.

Le Groupement National Interprofessionnel des Semences et plants (Gnis), qui représente les semenciers, a cependant déploré que cette campagne de Carrefour "vise à faire croire que le manque de diversité de nos assiettes viendrait des semences", alors que "les sélectionneurs publics et privés sont impliqués dans la préservation de la biodiversité".

"Chaque année, les 3 200 variétés de légumes déjà en vente, s'enrichissent de plus de 150 variétés nouvelles". De nouvelles variétés qui "résistent mieux aux maladies et aux parasites pour qu'on puisse limiter ou se passer de produits phytosanitaires", assure le Gnis.
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