En dix ans, les aires marines protégées se sont fortement développées en France, permettant au pays de dépasser les objectifs internationaux, mais se pose la question de la gestion de ces espaces. Un thème abordé à Brest cette semaine lors du 3ème colloque national des Aires marines protégées.
Censées protéger l'environnement marin et contribuer au développement durable des activités maritimes, ces aires marines protégées représentent aujourd'hui 16,5% des eaux sous juridiction française - deuxième espace maritime au monde avec près de 11 millions de km2-, contre moins de 0,01% en 2005.
Accroître les politiques en faveur de la biodiversité
La Convention sur la diversité biologique de l'ONU a fixé un objectif de 10% d'aires marines protégées d'ici à 2020 à l'échelle de la planète, la France affichant une ambition encore plus contraignante avec 20% d'ici à 2020. "On assiste en ce moment à une montée en puissance de toutes nos politiques en faveur de la biodiversité", assure François Mitteault, directeur de l'eau et de la biodiversité au ministère de l'Ecologie.
La question du financement
"Ces dernières années malgré les difficultés, les budgets se sont maintenus, voire ont augmenté", se félicite Paul Giacobbi, président de l'Agence des aires marines protégées, à propos du budget de l'établissement public, subventionné par l'Etat à hauteur de 22 millions d'euros. "Mais le fait que l'on crée de nouvelles aires pose le problème de leur gestion future", poursuit-il, interrogé en marge du troisième colloque national des Aires marines protégées qui s'est tenu cette semaine à Brest.
"De nouveaux parcs sont en train de se créer aujourd'hui, sans que l'on sache très bien comment on va pouvoir les financer", poursuit-il.
Développer de nouvelles aires, qu'il faut gérer
En 2014 est né le Parc naturel de la mer de Corail, en Nouvelle-Calédonie, plus grande aire marine protégée du monde avec 1,3 million de km2, soit la totalité de la zone économique exclusive (ZEE) de l'archipel sous souveraineté française. "On se trouve devant un dilemme: ne plus créer de parcs, ce qui serait dommage, ou bien les créer mais sans qu'ils soient vraiment gérés, ce qui est contre-productif", analyse Paul Giacobbi.
"Créer des synergies"
Avec le développement de ces zones se posent "de vraies questions de redéploiements de moyens", acquiesce François Mitteault, mentionnant la création attendue pour début 2017 de l'Agence nationale de la biodiversité, qui regroupera quatre organismes: l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), l'Atelier technique des espaces naturels, les Parcs nationaux et l'Agence des aires marines protégées. "Il faut absolument qu'on arrive à créer des synergies au niveau de cette mise en commun de moyens", plaide-t-il.
En attendant, des initiatives voient le jour pour s'assurer d'une gestion efficace de ces zones, comme celle lancée en 2014 par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), visant à attribuer un label aux aires particulièrement bien gérées. "On s'est aperçu qu'on créait de plus en plus d'espaces protégés, mais que derrière le risque était de ne pas mettre de moyens de gestion et de gouvernance suffisants", explique Thierry Lefebvre, chargé de programme Aires protégées à l'UICN.
Trois aires marines labellisées en France
Au niveau mondial, 23 aires marines protégées ont été jusqu'à présent labellisées, dont trois en France, sur les 435 que compte le pays. D'autres initiatives sont prises localement afin de trouver de nouveaux financements, comme en témoigne Nicolas Maslach, directeur et conservateur de la réserve naturelle antillaise de Saint-Martin, une aire marine protégée d'une trentaine de km2 créée en 1998.
Consciente que les moyens de l'Etat sont "limités", la réserve - chargée notamment d'améliorer la connaissance des écosystèmes pour mieux les protéger et de mener des opérations de police pour faire respecter la réglementation - a "créé des outils financiers" pour étoffer son budget, comme une redevance sur les activités commerciales pratiquées dans la réserve. "Il s'agit aujourd'hui d'évoluer dans notre manière de gérer la nature", estime Nicolas Maslach, prônant le principe de l'utilisateur payeur. Quelque 40% des océans du globe sont "durablement touchés" par les activités humaines, via la surpêche, la pollution et l'acidification liée au réchauffement climatique, selon le ministère de l'Ecologie.