"Crois-tu en Allah, Dieu, Yahvé?" une enquête dans les écoles suscite l'émoi

"Est-ce-que tu crois en Dieu, Allah, Yahvé?" Sur le plan religieux, les questionnaires diffusés par l'assemblée de Corse aux écoles, collèges et lycées de l'île font polémique.
Intervenants : Jean-Guy Talamoni, présdent de l’Assemblée de Corse. ©France 3 Corse ViaStella

Une enquête commandée par l'Assemblée de Corse et destinée aux élèves provoque de multiples réactions. Certaines questions laissent entrevoir une volonté de rassembler des statistiques ethniques et confessionnelles. La diffusion est suspendue.

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Depuis le 18 mars, plusieurs syndicats, élus et professeurs corses s'insurgent contre deux questionnaires destinés aux élèves de l'île, l'un pour l'enseignement primaire, l'autre pour le secondaire. Ces QCM auraient, selon ces observateurs, un caractère "intrusif" et incompatible avec les valeurs de laïcité de la République et de son Éducation nationale.

Certaines questions, peuvent en effet être interpretées comme une volonté cachée de rassembler des statistiques communautaires. Les questionnaires s'attardent d'abord sur la composition de la famille et la nationalité de l'enfant, et si ses parents travaillent ou cherchent un emploi.

Viennent ensuite celles traitant plus particulièrement des langues parlées, lues et comprises par l'enfant : "À la maison, quelle langue entends-tu?", "À la maison, quelle langue ton père/ta mère comprend-il/elle?"



Enfin, l'enquête se termine par des questions d'ordre confessionnel, telles que "est-ce que tu crois en Allah, Dieu, Yahvé?", "Pendant le Shabbat, regardes-tu la télévision?" ou encore "Dans la vie de tous les jours, est-ce que tu portes une croix, une kippa,(...) un voile (...)?"

Une levée de boucliers

Plusieurs syndicats et enseignants ont estimé que, même si l'intention d'évaluer la diversité culturelle de la population corse est louable, "les méthodes sont tout à fait contestables", comme l'indique Fabien Mineo, délégué départemental du syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles. Il est d'ailleurs interdit, en France, de produire des statistiques à caractère ethnique. Suite à ces réactions, le questionnaire a depuis été suspendu par le rectorat.

Intervenants : Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse ; Xavier Lacombe, conseiller territoriel « le Rassemblement » ; Michel Stefanini, conseiller territoriel « élus communistes et citoyens du Front de gauche ». ©France 3 Corse ViaStella


La ministre de l'Éducation nationale a salué la décision de l'académie de Corse. "Je pense [que ce questionnaire] n'a pas été conçu dans les bons termes, dans les bonnes formes. Donc, en effet, il n'a pas lieu de le voir circuler dans les écoles aujourd'hui. (...) Il ne circulera pas dans les écoles."

La Ligue des droits de l'Homme a elle aussi réagi à l'affaire : "Mesurer la diversité et les discriminations nécessite de s’interroger sur des données sensibles puis d’opérer un traitement de ces données qui n’aboutisse pas à assigner chacun à une identité définitive et réductrice uniquement liée à l’existence de communautés arbitrairement définies, explique l'association dans un communiqué daté du 19 mars. Le processus de construction de l’identité est un processus évolutif," ajoute-t-elle.



Cette liste d'interrogations a été commandée début février par la présidence de l'Assemblée de Corse, et mise au point par l'école supérieur de professorat et d'éducation (ESPE) et des chercheurs de l'Université Pascal-Paoli de Corte.

Les origines d'un tel questionnaire

Le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni justifie sa démarche dans son courrier adressé au président de l'université de Corse, le 10 février. Afin d' "élaborer un modèle de gestion" de la diversité de la population corse, il a souhaité faire "un état des lieux quantitatif  (...) indispensable pour évaluer l'importance de chacun des groupes culturels au sein de la population".

Sa démarche s'inscrit dans "une réflexion de fond sur la problématique de la diversité culturelle". Elle est, selon lui, une priorité à cause des "récents événements, affaires des Jardins de l'Empereur, de Prunelli, de Bonifaziu et de Siscu" et des "informations extrêmement inquiétantes" qu'il aurait reçu du monde enseignant corse. Des événements qui "placent les élus dans l'ardente obligation d'agir pour éviter la survenance de situations de ruptures susceptibles de s'avérer irréversibles". 

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