Il y a dix ans, le syndicat des eaux de Sinceny-Autreville, près de Chauny dans l'Aisne, a choisi la nanofiltration pour adoucir son eau. Un pari qui se révèle gagnant aujourd'hui, puisqu'il permet aussi d'éliminer les pesticides qui rendent l'eau impropre à la consommation dans certaines communes alentours.
C'est un problème de longue date dans le département de l'Aisne : l'eau est dure, très dure. C'est ce qui a poussé le syndicat des eaux de Sinceny-Autreville, il y a plus de dix ans, à investir dans un système d'adoucissement collectif par nanofiltration.
Un procédé un peu plus cher, mais sans produits chimiques
Le principe est simple : l'eau brute passe à travers une membrane qui fait office de filtre, et empêche toutes les molécules plus grosses que l'H2O. "On peut comparer ça de façon assez grossière à un filtre à café, dans lequel le café serait les molécules que l'on veut retenir, et qui laisserait passer l'eau", résume Stéphane Dassonneville de la direction technique et innovation de Veolia Hauts-de-France.
À la sortie du site de traitement, l'eau est tellement pure qu'elle ne pourrait être consommée telle quelle. C'est pourquoi elle est mélangée à de l'eau non traitée, afin que l'eau qui arrive dans le robinet des habitants contienne tout de même les minéraux nécessaires.
La nanofiltration se répercute toutefois sur la facture : procédé de nanofiltration représente un surcoût d'une vingtaine d'euros par an pour les usagers. Mais pour le président du syndicat des eaux, cette augmentation est compensée par une baisse des coûts sur l'entretien de l'électro-ménager "comme les cafetières, les bouilloires, les chauffe-eau, puisque vous n'avez plus ce problème de calcaire et de surconsommation électrique. En fin d'année, c'est un gain malgré tout." Il souligne par ailleurs que le coût est largement réduit par rapport à un dispositif d'adoucissement individuel.
Une arme contre les polluants dans l'eau
La nanofiltration n'est pas le seul procédé permettant d'adoucir l'eau, et ce choix n'était pas forcément le plus évident à l'époque. "On avait choisi la nanofiltration pour sa simplicité et le fait qu'il n'y ait aucun traitement chimique, uniquement un traitement mécanique", précise Jean-Luc Xavier, le président du syndicat des eaux de Sinceny-Autreville. Mais un autre avantage les avait poussés dans cette direction : en cas de pollution de l'eau, la nanofiltration permet aussi de se débarrasser des molécules toxiques comme les métabolites de pesticides.
À l'époque, on était parmi les premiers en France. C'était un choix peut-être un peu difficile, mais on ne regrette pas du tout.
Jean-Luc Xavier, président du syndicat des eaux de Sinceny-Autreville
L'avenir leur a donné raison : plusieurs communes du département font l'objet de restriction d'eau à cause d'une quantité trop élevée de métabolites de chloridazone, issus d'un pesticide aujourd'hui interdit mais qui a été longtemps utilisé dans la culture betteravière. "On a fait le bon choix, puisque dans l'Aisne, on n'est que deux à avoir ce principe, et on s'aperçoit qu'on peut, nous, filtrer toutes les nano-particules. À l'époque, on était parmi les premiers en France. C'était un choix peut-être un peu difficile, mais on ne regrette pas du tout", assure le président du syndicat des eaux.
D'autres communes intéressées
Le syndicat alimentait jusqu'ici 16 communes adhérentes, mais trois autres, confrontées à ce problème de pollution de l'eau, ont demandé récemment à être intégrées au dispositif. "Ce sont des communes qui font partie de la communauté d'agglomération de Chauny, et on dessert déjà pas loin de chez eux. L'agglomération nous a demandé si on pouvait fournir de l'eau, j'ai donné tout de suite mon accord, on a fait des travaux et ça s'est fait en six mois, raconte Jean-Luc Xavier. Au syndicat, tout le monde était d'accord : c'est logique, c'est de l'entraide. Entre syndicats, entre communes. On ne va pas laisser une commune avec des bouteilles d'eau pendant des années, alors qu'on peut leur fournir une eau de qualité et consommable !"
La seconde usine de traitement de l'eau par nanofiltration de l'Aisne est située à Urcel, à une trentaine de kilomètres de Sinceny. Les sites de ce type pourraient bien se généraliser sur le territoire. D'autres collectivités demandent régulièrement à visiter le site de traitement de Sinceny, "pour visualiser ce qu'est la nanofiltration et bénéficier de notre retour d'expérience, puisque cette installation fonctionne depuis 12 ans sans souci", explique Yves Bourgeois, directeur de Véolia Eau dans l'Aisne.
Avec Léna Thobie-Gorce / FTV