De décembre à mars, les naturalistes du Groupe ornithologique et naturaliste du Nord ramassent les dépouilles d'oiseaux échoués sur le littoral. Les cadavres sont disséqués et analysés pour obtenir une vision globale de la quantité de plastique et d'hydrocarbures présents dans la mer.
À moitié enterré dans le sable, le corps d'un oiseau marin dépasse sur la plage de Boulogne. Immédiatement, trois personnes se rassemblent autour de la dépouille et la passent au crible.
Une scène d'apparence morbide, qui n'a finalement rien de glauque : ces promeneurs de bord de mer œuvrent pour le GON du Nord, le Groupe ornithologique et naturaliste, qui recense les espèces d'oiseau marin échouées sur notre littoral.
Quantifier la pollution du littoral
Du 15 décembre au 15 mars, les chargés d'études littorales du GON effectuent une ronde sur les plages du département tous les quinze jours. Ce lundi 15 janvier, le naturaliste Gauthier Poiriez, accompagné de deux bénévoles, ratisse les plages de Boulogne et du Portel.
Mais pas question de ramasser le cadavre de n'importe quel oiseau. Seules deux espèces intéressent officiellement les chercheurs : les fulmars boréaux et les guillemots. Ces deux oiseaux font partie d'un protocole de recherches permettant de créer des indicateurs européens de pollution marine.
S'il y a moins de 10% des guillemots qui sont mazoutés on considère qu'on est plutôt dans un bon état, si on est au-dessus ça signifie que la mer est polluée.
Gauthier Poiriez, naturaliste du GON
"Le fulmar boréal permet de quantifier la quantité de plastique avec celle qui se trouve dans son ventre. Les guillemots servent quant à eux à évaluer la quantité d'hydrocarbures", précise Gauthier Poiriez. "S'il y a moins de 10% des guillemots qui sont mazoutés on considère qu'on est plutôt dans un bon état, si on est au-dessus ça signifie que la mer est polluée."
Malgré tout, les chargés d'études recensent tout de même chaque dépouille rencontrée, pour avoir une vision globale de la mortalité des oiseaux marins dans les Hauts-de-France.
Un protocole bien précis
Pour ce faire, les équipes mobilisées sur les plages traquent les dépouilles d'oiseau sur le sable et évaluent leur espèce. Si l'oiseau rencontré n'est ni un fulmar boréal ni un guillemot, les membres du groupe attachent une ficelle autour d'une des pattes de l'animal, afin que les équipes qui passeront prochainement ne le recensent pas une seconde fois.
S'ils se trouvent face à un oiseau qui rentre dans les protocoles de recherches, le chargé d'études littorales procède alors au prélèvement du corps. "En limitant les temps de manipulation parce qu'avec la grippe aviaire ce n'est pas recommandé, surtout qu'il y a un pic en ce moment", souligne le naturaliste. "C'est d'ailleurs pour ça que je porte un masque FFP2 et que le matériel sera désinfecté en rentrant au local."
Le groupe indique également la localisation de l'oiseau sur un GPS, ainsi que l'espèce et l'état de la dépouille.
Une fois le ratissage des plages terminé, les cadavres sont stockés au local du GON de Boulogne, en attendant de les acheminer au laboratoire départemental du Pas-de-Calais, situé à Arras, pour qu'un chercheur réalise des nécropsies.
Une baisse de la mortalité pas si positive
En plus des fulmars et des guillemots, le GON s'attarde aussi sur le ramassage des mouettes tridactyles et les fous de bassan, afin de développer des indicateurs "de capture accidentelle" et "des suivis de pathogènes". Une façon pour les scientifiques de préciser leurs indicateurs et donc de mieux connaître les causes de mortalité des oiseaux marins échoués sur les plages du nord. Des corps qui se font d'ailleurs de moins en moins nombreux.
Une fausse bonne nouvelle, puisque comme le décrit Gauthier Poirier : "En retrouvant moins de corps sur les rives, le risque est tout simplement qu'il y ait moins d'oiseaux vivants en mer, ramenés du large vers la terre par le courant."
En retrouvant moins de corps sur les rives, le risque est tout simplement qu'il y ait moins d'oiseaux vivants en mer, ramenés du large vers la terre par le courant.
Gauthier Poiriez
Car sur le littoral du Pas-de-Calais, les oiseaux sont confrontés à une multitude de risques, dont une grande partie est liée à l'être humain. "En plus de la capture accidentelle par la pêche, il existe un risque de contamination chronique par polluant organique et par métaux lourds."
Gauthier Poiriez relève également que le détroit du Pas-de-Calais figure parmi les plus passants au monde, avec une forte exploitation de ressources halieutiques et des projets industriels qui augmentent la pression de l'être humain sur le milieu marin.