Quatre députés et cinq sénateurs du Nord et du Pas-de-Calais ont déclaré au moins un membre de leur famille - fils, fille ou conjoint - comme collaborateur parlementaire. Une pratique légale et encadrée qui fait aujourd'hui débat en raison de l'affaire qui éclabousse l'épouse de François Fillon. 

Au vu des déclarations d'intérêts consultables sur le site internet de  la Haute Autorité Publique pour la Transparence de la Vie Publique, ils sont neuf parlementaires du Nord et du Pas-de-Calais à rémunérer au moins un membre de leur famille comme collaborateur parlementaire. Quatre députés et cinq sénateurs. Quatre socialistes, deux UDI, trois élus Les Républicains et un divers-droite.

A l'Assemblée Nationale, Marc-Philippe Daubresse (député-maire LR de Lambersart) travaille avec son épouse Brigitte Astruc, Jean-Jacques Cottel (député-maire PS de Bapaume) avec son épouse Edith Cottel, François-Xavier Villain (député-maire UDI de Cambrai) avec son épouse Lysiane Cacheux et son fils François-Charles Villain,  Francis Vercamer  (député-maire UDI de Hem) avec sa fille Valentine Vercamer.

Au Sénat, Delphine Bataille (sénatrice PS du Nord) a embauché son concubin Bruno BocquetDaniel Percheron (sénateur PS du Pas-de-Calais) sa compagne Régine Splingard, Dominique Bailly (sénateur-maire PS d'Orchies) sa fille Anne-Charlotte BrandtJacques Legendre (sénateur LR du Nord) son fils Philippe Legendre et Alex Türk (sénateur DVD du Nord) sa fille Axelle Musart.

Reportage d'Hélène Tonneillier et Sergio Rosenstrauch.

Rémunération encadrée

La pratique est tout à fait légale et répandue : au regard des déclarations en 2014, 10 à 15% des 900 parlementaires français avaient un collaborateur qui portait le même nom. "Le recrutement est totalement libre, il n'y a pas de diplôme minimal si ce n'est le bac", explique Gilles Toutlemonde, maître de conférence en droit public, qui assure des formations pour les attachés parlementaires. Mais la rémunération de ces très proches collaborateurs est encadrée depuis 1997 : elle ne doit pas dépasser à l'Assemblée la moitié de l'enveloppe collaborateur, soit 4 750 euros. Au Sénat, elle ne doit pas dépasser un tiers. "Les rémunérations ne sont pas immenses, on commence à 2000-2500 euros par mois et la moyenne est à peu près à 3000-3500 euros mensuels", précise M.Toutlemonde.

Brigitte Astruc a pourtant déclaré en mai 2015 une rémunération mensuelle de 5720,18 euros net en tant qu'attachée parlementaire de Marc-Philippe Daubresse, qu'elle a épousé en août de la même année. En fait, il s'agit de son salaire de 4200.55 euros (tqui rentre donc dans les limites de la loi) plus son 13ème mois et des primes.
Un salaire qu'elle cumule avec ses indemnités de vice-présidente du Conseil départemental du Nord (2 527,75 euros selon sa déclaration), de 2e adjointe à la maire de Lambersart (704 euros) et de vice-présidente du SIVOM Alliance Nord Ouest (420,14 euros). 

Rapport de confiance

Valentine Vercamer, elle, dit toucher environ 2500 euros net mensuels. Cette jeune femme de 28 ans met en avant ses compétences pour épauler son père, Francis Vercamer, député-maire UDI de Hem. "J'ai commencé par faire un master de droit public général à la fac", nous explique-t-elle. "Et ensuite, quand je suis sortie de la fac, il m'a proposé de travailler avec lui parce que c'était ma spécialité et c'est ce que j'avais envie de faire". La compétence, c'est aussi l'argument de Jacques Legendre (LR) pour son fils, Philippe, 43 ans, qui l'accompagne au Sénat depuis 12 ans. "Mon fils a fait deux ans de droit, il a une licence en histoire et un master de Sciences Po, ça lui permet donc de travailler pour moi", argue l'ancien maire de Cambrai. 

L'autre argument mis en avant par les élus pour expliquer l'embauche d'un membre du cercle familiale est celui de la "confiance". "Dans la mesure où c'est un poste de confiance, j'aime autant avoir affaire à une personne de confiance", nous a répondu la sénatrice PS Delphine Bataille, qui a recruté son concubin, Bruno Bocquet, comme assistant parlement. "Je ne dis pas que les autres ne le sont pas, mais dans le passé, j'ai eu des expériences un peu plus malheureuse". "Je peux vous confier aussi que ce ne sont pas ceux qui travaillent le moins", ajoute-t-elle. "Je n'irais pas jusqu'à dire qu'ils sont corvéables à merci, mais finalement, on a tendance à en profiter en dehors du cadre horaire légal du travail". 

Une pratique remise en cause ?

Avec l'affaire qui éclabousse Penelope Fillon, épouse et attachée parlementaire de François Fillon aujourd'hui soupçonnée d'emploi fictif, des voix se font entendre pour mettre fin à cette pratique. Lors de leur débat télévisé mercredi soir, Manuel Valls et Benoît Hamon, les deux candidats en lice pour le 2e tour de la primaire de la gauche, sont tombés d'accord pour réclamer l'interdiction l'embauche de proches par des parlementaires

"D'autres collègues qui s'arragent déjà autrement pour échapper aux règles existantes : il y en a un qui embauche la femme de l'autre, et l'autre le fils de l'un, ce qui leur permet de passer entre les mailles du filet ", retorque la sénatrice PS Delphine Bataille. "J'ai bien entendu les candidats de la primaire citoyenne qui disaient aucun lien de parenté et qui allaient même jusqu'au cousin. Mais j'ai envie de dire : où ça s'arrête ? A quel dégré et jusqu'où remonte-t-on dans l'arbre généalogique ?".

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