La double cuisson de la frite, tradition chez nous et en Belgique, serait nocive pour la santé. A tel point que l'Europe s'en mêle. Pour notre santé ?
En Belgique et dans la région (dans le Nord et Pas-de-Calais), tous les vrais amateurs de frites savent qu'une pomme de terre frite se cuit en deux fois, en deux bains. L'un à température moyenne, l'autre à température plus élevé. Objectif : obtenir des frites bien croustillantes.
Selon Het Nieuwsblad, c'est cette façon de faire des frites qui serait menacé. “L’Europe menace notre culture de la frite”, a lancé le ministre flamand du Tourisme, Ben Weyts. Il fait allusion à un projet de l'Union européenne visant à lutter contre la présence d’une substance cancérigène dans les aliments, l’acrylamide.
“Nous ne pouvons pas la tester sur des humains, mais plusieurs études établissent un lien entre cette substance et les cancers de l’utérus, des ovaires et du rein”, explique au journal flamand le Dr Janneke Hogervorst. “C’est une bonne chose que l’Union européenne se préoccupe de notre santé”, explique un autre professeur. La culture populaire ne peut quand même pas primer sur la santé publique ? Je trouve ça bizarre et populiste. Les cigarettes Belga étaient également une tradition nationale. A-t-on eu tort pour autant de lutter contre leur consommation ?” Si le projet de l'UE se concrétise, cela pourrait avoir des conséquences sur le mode de cuisson. Il serait alors obligatoire ou fortement conseillé de cuire les frites en une seule fois.
Demi-vérités ?
L'acrylamide qui apparaitrait donc après la double cuisson des frites va-t-elle vraiment remettre en cause la frite à la belge (et à la nordiste ?). Y renoncer parait inenvisageable : "Je crains que les frites n’y laissent leur saveur”, dit le ministre Ben Weyts qui a écrit une lettre au Commissaire européen chargé de la sécurité alimentaire. Je suis contre la simplification à outrance. Sinon, il ne nous restera qu’à fermer nos fritkots [baraque à frites] et à manger des frites surgelées. (...) Nos frites doivent leur goût au savoir-faire des patrons de friture qui cuisent d'abord la frite crue avant de la cuire une seconde fois".
La menace est-elle réelle ? Non, a réagi Bart Staes, un député européen flamand et écolo : "C'est "du bashing anti-Union européenne dans la plus pure tradition rabique eurosceptique. C'est ce genre de "mensonges et demi-vérités" et de polémiques "développées constamment dans les journaux du dimanche et les tabloïds" qui ont conduit certains à se méfier de l'Europe et "à voter un Brexit".
Mise à jour 20/06 : Voyant la polémique enfler, la Commission européenne a assuré qu'elle n'avait "aucune intention de bannir les frites belges, ou tout autre type de frites" de l'alimentation. Le président de la Commission et le commissaire à la Santé "sont très attachés aux aspects culinaires d'héritage culturel riche des Etats membres de l'Europe", a précisé le porte-parole, avant de conclure sur un ton goguenard : "Les frites, c'est chic".
L'acrylamide, c'est quoi ?
L'acrylamide est un composé chimique qui se forme dans des aliments riches en amidon lors des processus de cuisson à haute température, comme la friture ou le rôtissage. Biscuits, chips, frites, café, céréales ou encore pain de mie sont donc susceptibles d'en contenir.Des études réalisées sur des animaux ont en effet prouvé que l'acrylamide était génotoxique et cancérigène, et que ce composé pouvait donc détériorer l'ADN et engendrer des cancers selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Depuis 2011, la Commission européenne recommande aux États membres d'ouvrir des enquêtes lorsque les niveaux d'acrylamide dans les produits alimentaires dépassent certaines valeurs indicatives.