Vous ne connaissez peut-être pas son visage, mais sa voix vous dit forcément quelque chose. Alain Dorval, comédien et chef d'entreprise à Chambly dans l'Oise, est la voix française officielle de Sylvester Stallone. Portrait.
La voix d'Alain Dorval est particulière. Chaude et grave à la fois. Une voix qui est devenue une référence de la pop culture : Alain Dorval est la voix française officielle de Silvester Stallone. De Rocky à Expendables en passant par Rambo, le comédien a doublé son homologue américain dans plus de 40 films en 50 ans.
Du théâtre au doublage
Tout commence dans les années 70. Formé au Cours Simon et au conservatoire d'Art dramatique de Paris, le comédien joue à l'époque dans des pièces de théâtre. Mais un jour, alors qu'il joue dans un téléfilm de l'ORTF, un ingénieur du son de l'équipe lui propose de s'essayer au doublage de film. Il passe alors des essais pour doubler Sylvester Stallone dans Rocky, un jeune acteur alors inconnu du grand public.
Alain Dorval décroche le "rôle" et prête sa voix au personnage devenu mythique par la suite. "C’est vraiment un très joli film. Et Sylvester Stallone apporte quelque chose de très étonnant au personnage. Il ne faut pas oublier que c’est lui qui écrit ! L’idée d’aller s’entrainer en tapant sur des carcasses dans un abattoir, ce sont vraiment des choses incroyables, et c’est de lui !"
Le public partage cet avis : le film remporte trois Oscars, propulsant Stallone au rang de star internationale. Deux ans plus tard, Alain repasse des essais pour doubler l'acteur américain dans Fist. Il deviendra ensuite sa voix française officielle, le suivant dans tous ses films... Ou presque. "Je m’étais fâché avec un studio de doublage, et comme je jouais le soir au théâtre, ils ont imaginé que je ne serai pas libre pour enregistrer sa voix dans la journée, ce qui était totalement faux".
On l'entendra tout de même dans tous les films des sagas Rocky et Rambo. Très vite, fasciné par son talent, Alain suit avec attention la carrière de Stallone, qui est également scénariste, réalisateur et producteur, et qui fait preuve d'un grand dévouement dans chacun de ses projets. "Je ne peux qu’admirer le bonhomme, qui a une sacrée imagination et qui va jusqu’au bout ! Qu’on aime ou qu’on n’aime pas son travail, peu de gens vont jusqu’au bout comme lui !". Ils se rencontreront à deux reprises, dont la première fois en 2006, lors d'un long entretien dont Alain conserve un souvenir très ému.
Doubler un acteur ; le rôle est déjà joué ! C’est un exercice de style ! Alors que jouer un personnage de dessin animé, on a plus de libertés !
Piqué par le virus du doublage, Alain a par la suite prêté sa voix à de nombreux acteurs américains, dont Nick Nolte dans 14 films ou encore Jeff Bridges dans le film Tron.
Mais il y a un exercice qu'Alain adore : doubler des personnages d'animation. On lui doit par exemple la voix menaçante de Pat Hibulaire, le chat anthropomorphe ennemi de Mickey, celle plus rassurante de Weaver, le meilleur ami de Z dans Fourmiz, ou encore le ton très pédagogue des personnages de la série Il était une fois... diffusée sur France 3 dans les années 80. "Doubler un acteur ; le rôle est déjà joué ! C’est un exercice de style ! Alors que jouer un personnage de dessin animé, on a plus de libertés ! D’autant que souvent, la voix est enregistrée avant que l’image n’existe !"
Un chef d'entreprise passionné
Mais la passion d'Alain Dorval pour l'audiovisuel ne s'arrête pas à la comédie. Depuis 13 ans, il dirige également une entreprise camblysienne spécialisée dans la création de flycases, ces boites renforcées qui permettent de transporter en toute sécurité du matériel audiovisuel fragile, comme des enceintes ou des caméras.
J’ai certainement le défaut de m’être dispersé, de vouloir vivre plusieurs passions à la fois, dont celle de chef d’entreprise.
Et avant cela, il gérait une entreprise qui fabriquait des enceintes pour les studios. "J’ai fatalement enregistré certains doublages de films sur des enceintes que j’avais faites ! Je dois être un cas assez unique !", plaisante-t-il. "J’ai certainement le défaut de m’être dispersé, de vouloir vivre plusieurs passions à la fois, dont celle de chef d’entreprise. C’est un virus et comme chacun sait, il n’y a pas d’antibiotiques pour ça !"
Aujourd'hui, les principaux clients d’Alain travaillent dans l’événementiel ou les salons professionnels... Des activités actuellement à l’arrêt à cause de la crise sanitaire. Mais Alain est aussi le prestataire de bon nombre de studios d’enregistrement situés en Île-de-France ainsi que des chaînes de télévision. Il a notamment équipé une partie du studio de France 3 Picardie.
L'envie de suivre une autre voie
Malgré cette période très incertaine culturellement à cause de la crise sanitaire, Alain Dorval cultive le rêve de remonter sur la scène d’un théâtre, là où il a commencé à la fin des années 60. "J’ai envie de revenir à l’essentiel. Je voulais faire du théâtre. En ce sens, j’ai raté ma vie professionnelle en faisant autre chose, que j’adore ! Je n’ai jamais fait quoi que ce soit contre mon envie et contre mon désir".
Son objectif, produire et mettre en scène L’école des femmes de Molière, pour pouvoir "jouer quelqu’un que je n’ai jamais eu l’occasion de jouer" mais aussi et surtout pour "les problèmes très actuels liés à la liberté d’expression que rencontre actuellement notre société".
Il ne faut pas oublier ce que des gens comme Molière ont osé écrire et faire il y a trois siècles et demi ! À l’époque, l’assassinat pour la liberté d’expression était institutionnel. C’était une torture d’État, avec la caution de l’Église !
En attendant la réouverture des salles de théâtre, Alain Dorval a déjà réuni une petite troupe de comédiens, des amis. Objectif : produire lui-même le spectacle "sans avoir la prétention de réactualiser ! Il y a une raison si la pièce fonctionne toujours aussi bien de nos jours !".
Affaire à suivre, en espérant que les Picards puissent entendre mais aussi voir le comédien sur scène en interprète d’Arnolphe à l’occasion d’une tournée dans la région.