Procès en révision à Nîmes : le témoin clef ou l'homme aux versions contradictoires

Au procès d'Abdelkader Azzimani et Abderrahim El Jabri, à Nîmes, le principal témoin de l'accusation, Errol Fargier, était entendu au premier jour d'audience mais n'a guère éclairé la justice, jusqu'à exaspérer la présidente de la cour d'assises du Gard, Geneviève Perrin.


17 ans après le meurtre d'un jeune dealer, à Lunel, le procès en révision d'Abdelkader Azzimani et Abderrahim El Jabri, condamnés à 20 ans de prison, s'est ouvert lundi, dans une certaine confusion. Notamment, quand Errol Fargier a témoigné à la barre, vers 18h.

"Rien de ce que vous dites n'est crédible" tonne la présidente de la cour d'assises

Cheveux grisonnants, celui qui avait mis en cause Azzimani et El Jabri mais que la défense considère comme "mythomane" et "affabulateur", est en effet arrivé à l'audience avec une énième version.
Et de conter cette fois une bagarre "à 14 heures" en présence d'Azzimani alors que le meurtre a eu lieu dans la soirée. Ou de décrire une victime avec une djellaba alors que la victime n'en portait pas...

"Rien de ce que vous dites n'est crédible", s'est emportée la présidente. "Si je vous dis que la victime était vivante à 20h00 ?", a-t-elle interrogé. "Je vous dit ce que j'ai vu", a rétorqué Fargier. "Les deux accusés ici présents ont purgé une peine particulièrement longue. Je vous demande de vous ressaisir", a repris la magistrate.


"Pourquoi l'enquête dit autrement que ce que j'ai dit ! C'est moi le témoin !", s'est alors exclamé Fargier, excluant El Jabri mais pas Azzimani.

Longtemps impassible, ce dernier a finalement craqué : "Ordure !".

Un procès exceptionnel pour la réhabilitation de deux hommes

A l'ouverture de leur procès lundi matin, les deux accusés voulaient croire que ce serait "la fin du cauchemar". Mais seuls huit condamnés pour crime ont obtenu un acquittement depuis 1945 au terme d'une procédure de révision.

"J'aurais aimé que mon père - décédé - soit là pour voir que je suis un bon garçon", a dit à la barre M. El Jabri, 48 ans, chemise bleue et pantalon beige. Il n'a toutefois pas nié ses errements de jeunesse : condamnation à 15 mois de prison en 1992, puis 14 mois en 1994 dans des affaires de stupéfiants... Et de reconnaître : "J'avais choisi la facilité".

Les parties civiles, qui expriment des doutes sur l'innocence des deux hommes et relèvent des "zones d'ombres", ont demandé la lecture d'une écoute téléphonique d'une soeur d'El Jabri. Elle y fait état d'un "homme dangereux".
"Est-ce de vous dont on parle ?", a demandé Me Bruno Ferri. El Jabri a acquiescé, avant qu'un de ses avocats, Me Jean-Marc Darrigade, ne vole à son secours en rappelant qu'il ne s'agissait que d'un vol de couches-culottes.

L'ADN a relancé l'enquête et tout le dossier en 2011

Chemise claire sur pantalon beige, M. Azzimani, 49 ans, qui a des peines de 2 mois avec sursis et 3 mois pour recel à son casier, a également reconnu le trafic de drogue pour lequel, comme El Jabri, il avait écopé de six ans de prison.

Les deux hommes, reconnus coupables du meurtre d'Abdelaziz Jhilal, dit Azzouz, un dealer de 22 ans tué en 1997 de 112 coups de couteau à Lunel, ont été condamnés à 20 ans de réclusion pour "homicide volontaire" en mai 2003, puis pour "complicité d'homicide" en appel en juin 2004. Ils ont ainsi passé 12 et 13 ans derrière les barreaux, avant de bénéficier d'une libération conditionnelle en 2009 et 2011.

Ce procès en révision intervient après l'annulation du verdict le 15 mai 2013. Auparavant, une demande de révision avait été déposée en 2008, qui avait entraîné de nouvelles investigations ouvertes janvier 2009.

A l'origine de ce rebondissement, le revirement de M. Fargier. Mais aussi la mise en cause d'un nouveau suspect grâce à une expertise ADN.
Quant à une dette comme mobile du meurtre selon l'accusation, pour Régis Van Del Dobbestein, un des complices d'Azzimani et El Jabri dans le trafic, il ne tient pas : "On ne va pas aller exécuter quelqu'un juste après lui avoir avancé de l'argent. Ce n'est pas logique".
"Heureusement qu'il y a eu l'ADN, car on s'est battu pendant seize ans contre la justice", a dit Lahouaria, la soeur d'Azzimani, accusant l'institution judiciaire "de surdité".

"La justice m'a arraché mon père quand j'avais 5 mois et me l'a rendu quand j'étais collégienne et plein de maladies", a renchéri sa fille, Soukaïna.


Le meurtre d'Azzouz, sur fond d'un trafic de 5 kilos de résine de cannabis, a fait l'objet d'un nouveau procès. La cour d'assises à Montpellier a condamné en novembre dernier Michel Boulma et Bouziane Heilali à 20 ans de réclusion pour "assassinat". Ils n'ont pas fait appel et témoignent mardi.

Le verdict est attendu jeudi.
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