Nombre de manifestants ont été choqués samedi par une large banderole qui condamnait l'état d'urgence. Elus favorables et même préfet se sont retrouvés embarqués derrière cette banderole. Récit d'une marche "de la société civile" très politisée.
10 à 12.000 personnes c'est le nombre de manifestants samedi après-midi pour cette marche, moindre que ce que les organisateurs et la police avaient prévu. Si ceux qui étaient là partageaient ensemble le rejet de la barbarie et du terrorisme et montraient leur soutien aux victimes des attentats de Paris, leurs conceptions de la réponse à donner au fanatisme aveugle différaient largement. Au point que certains manifestants ont dénoncé la récupération politique de cette manifestation.
Une marche "de la société civile"
Au départ initiée par des associations, des syndicats et la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), "la marche contre la barbarie, contre les amalgames, pour les libertés et la paix" était, en écho au rassemblement du mardi 17 novembre Place du Capitole voulu par les partis politiques, une marche "de la société civile" selon les propos de Jean-François Mignard de la LDH.A l'arrivée, cependant, les rangs de la manifestation étaient grossis par bon nombre de militants de partis politiques.
Le préfet et les élus derrière une banderole... "contre l'état d'urgence"
De nombreux élus de tous bords, socialistes, communistes, républicains, centristes, avaient pris place dans la manifestation : le maire LR de Toulouse Jean-Luc Moudenc et son prédécesseur PS Pierre Cohen, des députés, les présidents du conseil départemental de la Haute-Garonne Georges Méric et du Conseil Régional Martin Malvy, ainsi que plusieurs têtes de listes aux élections régionales comme Carole Delga (PS), Dominique Reynié (LR) et Gérard Onesta (EELV).Même le préfet Pascal Mailhos, peu habitué à participer aux manifestations, avait pris place au sein de cette "concorde" politique.
On passera sur le fait que certains de ces élus n'auront parcouru que quelques centaines de mètres, le temps de se faire filmer par les télés ou de prendre des photos pour les réseaux sociaux avant de s'exfiltrer discrètement de la manifestation.
L'important est ailleurs : tout ce petit monde, préfet compris, s'est retrouvé derrière une immense banderole... qui dénonçait l'état d'urgence.
Non loin des élus PS ou LR une banderole contre l'état d'urgence. #marche #toulouse #LT pic.twitter.com/Zs62Ezv9id
— Fabrice VALERY (@FabValery) November 21, 2015
La gauche de la gauche en tête du cortège
En tête de la manifestation, la CGT, le PCF et le Parti de Gauche : service d'ordre conséquent, organisation rodée. Une première banderole, portée par des jeunes et reprenant le nom de la manifestation "Pour la liberté et la paix, contre la barbarie et les amalgames".Mais quelques mètres plus loin, tenue haut par des militants d'extrême-gauche, une gigantesque deuxième banderole portait un slogan beaucoup moins universel :
Leurs guerres, nos mort(e)s, contre l'état d'urgence, intensifions nos luttes"
De nombreux manifestants ont donc marché derrière ce slogan, parfois sans s'en rendre compte.
La colère de certains manifestants
Mais beaucoup ont tout de même réagi. "Quand j'ai vu cela, je suis parti de la manif", raconte un Toulousain. La présidente du Crif de Midi-Pyrénées, le conseil représentatif des institutions juives de France, Nicole Yardeni, nous a elle confié être "en colère contre cette récupération politique". Elle a choisi de continuer à marcher, mais plus loin, aux côtés des représentants de la communauté musulmane.L'état d'urgence divise une partie de la gauche
Le vote à l'Assemblée nationale de la prolongation pour 3 mois de l'état d'urgence a pourtant fait quasi l'unanimité : seuls 6 députés (3 socialistes et 3 écologistes) ont voté contre.A la gauche du PS, ce sujet divise : les députés du Front de Gauche ont approuvé la prolongation de l'Etat d'urgence mais Jean-Luc Mélenchon, le leader du Parti de Gauche, n'y est pas favorable.
Seul à prendre la parole samedi à Toulouse, le secrétaire général de la Ligue des Droits de l'Homme, Jean-François Mignard, a bien affirmé dans son allocution que les organisations resteraient vigilantes "pour que l'état d'urgence ne dure pas et ne nous fasse pas sortir de l'Etat de droit et de la démocratie".