Les trois avocats de Dominique Strauss-Kahn, menés par le respecté Henri Leclerc, se sont engouffrés mercredi dans la porte laissée grande ouverte par le réquisitoire du procureur qui a demandé la veille la relaxe pour l'ancien patron du FMI et ont commencé par s'attaquer aux "anathèmes" lancés contre lui.
"Ça suffit, les anathèmes !", a lancé en début de matinée Me Frédérique Baulieu, première à prendre la parole pour la défense de DSK, s'attaquant au dossier d'une manière générale. Elle prend dans un premier temps grand soin de souligner les incohérences dans les témoignages des principales accusatrices de son client. Me Baulieu s'en prend ensuite à la "médiatisation" du dossier et à la "construction folle" de l'instruction, revendiquant le droit à la "colère", qui n'est "pas que du côté des parties civiles". "Le droit a été tordu, détourné de sa finalité, tout autant que les faits", a-t-elle ainsi lancé au tribunal.
La défense a ainsi rompu le silence auquel elle s'astreignait depuis plusieurs semaines, y compris celles précédant le procès pour proxénétisme aggravé dit du Carlton, hors de la salle d'audience. Sa parole était donc d'autant plus attendue, même si depuis mardi la pression est un peu moins forte: le ministère public a réclamé la relaxe de leur client, faute de preuve.
"En mettant dans la balance tous les éléments à charge et à décharge, je considère que ni l'information judiciaire, ni l'audience n'ont permis d'établir la preuve de la culpabilité de M. Strauss-Kahn", a déclaré le procureur de Lille Frédéric Fèvre. A cela sont venues s'ajouter les déclarations d'avocats de la partie civile, qui ont reconnu lundi qu'ils n'avaient que des convictions à faire valoir, renonçant pour certains à plaider contre l'ancien patron du FMI.
Autant de points marqués par sa défense avant même qu'elle ne prenne la parole pour achever de convaincre le tribunal de l'innocence de DSK.
Au cours des deux premières semaines, c'est Me Frédérique Baulieu qui s'était chargée d'interroger les anciennes prostituées venues témoigner de leurs rencontres avec DSK, trop brutales, selon elles, pour que ce dernier puisse prétendre qu'il n'avait pas connaissance de leur statut de professionnelles du sexe. Posément, Me Baulieu se lançait alors dans la démonstration qu'il s'agissait uniquement de soirées libertines, dans la droite continuité d'une ligne de défense à laquelle l'ancien favori des sondages pour la présidentielle de 2012 s'est tenu tout au long des débats.
A Me Leclerc, fringant octogénaire, de bondir de son banc pour défendre son célèbre client face à un avocat des parties civiles qui évoquait des "agressions" de sa part. "Dominique Strauss-Kahn n'est pas poursuivi pour ça !". Un Dominique Strauss-Kahn qui avait élevé la voix lui-même contre la confusion
faite par les parties civile entre sa "rudesse" en matière de sexualité, qu'il admet volontiers, et un quelconque délit de proxénétisme.
Une matinée pour convaincre
Me Leclerc s'est aussi offusqué avec véhémence lors de l'audition en tout début de procès du témoin Joël Specque, ancien chef de la division criminelle de la PJ de Lille, venu évoquer la tenue d'écoutes administratives en amont de l'enquête préliminaire sur l'affaire dite du Carlton. Il s'étrangle au sujet du secret défense, dont se revendique Joël Specque pour ne pas rapporter le résultat de ces écoutes."Et voilà que malgré le secret défense, on ne nous dit que ce qu'il n'y avait pas", c'est-à-dire le nom de DSK, s'offusque alors l'avocat, connu pour son combat durant ses années passées à la tête de la Ligue des Droits de l'Homme.
"Nous attendons maintenant la décision du tribunal et nous sommes confiants."
"Le dossier s'est écroulé tout seul. Nos explications n'ont fait que rappeler cet écroulement. Nous attendons maintenant la décision du tribunal et nous sommes confiants", a déclaré l'avocat devant une nuée de journalistes, avec à ses côtés ses deux confrères, Me Frédérique Baulieu et Me Richard Malka.C'est la première fois que les conseils de Dominique Strauss-Kahn s'expriment devant la presse depuis le début du procès, le 2 février. Les trois avocats ont plaidé, plus de deux heures durant, la relaxe de l'ancien directeur général du FMI, critiquant au passage les nombreuses fuites dans la presse.
"Il y avait une bulle médiatique qui a éclaté à l'audience", a notamment déclaré Me Malka. "Nous avons constaté qu'après des années d'un dossier lancé dans la presse, alors qu'il était secret et dont sortaient des informations tronquées, fausses, à laquelle nous avions cessé de répondre, se tenait enfin un débat contradictoire, loyal et qui faisait du droit l'exigence principale", a déclaré Me Leclerc après l'audience.
"Si nous n'avons pas fait de déclarations jusqu'à présent, c'est parce que nous considérons qu'un procès se passe dans la salle d'audience (...) Ce que nous avons à dire, nous le disons au tribunal", avait-il déclaré en préambule.
Les plaidoiries de la défense, une vingtaine d'avocats pour 14 prévenus, ont commencé dès vendredi soir avec deux prévenus d'un volet mineur dans le dossier. Une plage de trois heures, soit toute la matinée de mercredi, a été prévue pour les avocats de DSK.
La défense de Jean-Luc Vergin, ancien directeur régional d'Eiffage et ancien supérieur hiérarchique de David Roquet, ainsi que celle de Dominique Alderweireld, alias Dodo la Saumure, et de sa compagne Béatrice Legrain sont attendues dans l'après-midi. Le Français, qui revendique son activité de souteneur en Belgique, a vu requérir à son encontre la seule peine de prison ferme, un an, pour l'envoi de prostituées vers la France et le recrutement d'une jeune femme à Lille.