Selon le journal L'Equipe, Gervais Martel a été reçu mercredi par le magistrat instructeur de la DNCG, le "gendarme financier" du football français. La première étape d'un long marathon qui attend le président du RC Lens.
Mercredi, Gervais Martel a été auditionné par le magistrat instructeur de la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), qui cherche à vérifier l'authenticité de certains documents que le président lensois a fourni à l'instance de régulation financière du football français. L'enquête concerne "des documents qui étayaient un certain nombre d'informations (qui) n'étaient pas vraies", dixit Richard Olivier, le président de la DNCG. Il s'agirait notamment de de la fameuse garantie à première demande de la Bank of Azerbaijan qui n'a finalement jamais pu être levée.
Gervais Martel, lui, s'est défendu de toute falsification et de toute manipulation, dénonçant même un acharnement. Si sa responsabilité venait à être démontrée, le patron des Sang et Or risque très gros. "Nous prendrons les décisions qui s'imposent, qu'il s'agisse d'une amende ou de l'interdiction de gérer un club pour les dirigeants", a expliqué Richard Olivier, le 5 mai, dans une interview à L'Equipe. "L'idée est de prendre des sanctions contre les dirigeants plutôt que contre les clubs, qui ont déjà souffert".
L'échéance cruciale du 26 mai
L'audition de mercredi n'est qu'une première étape. Le 26 mai prochain, Gervais Martel a de nouveau rendez-vous avec la DNCG pour présenter cette fois les comptes de l'exercice en cours et le budget du RC Lens pour la saison prochaine en Ligue 2. Là aussi, le club artésien est attendu au tournant. "Il y a un vrai risque que Lens soit rétrogradé en National", a prévenu le président de la DNCG, cette semaine, dans France Football. "Le club ne s'en sortira pas sans justifier d'un apport financier". Critiqué par Gervais Martel mais aussi Jean-Pierre Louvel (président du Havre) pour ses prises de parole dans les médias, Richard Olivier vient toutefois d'annoncer ce mercredi à L'Equipe qu'il se retirait provisoirement la présidence de l'instance jusqu'en septembre, "pour ne pas risquer d'affaiblir la procédure".Dans un entretien accordé à France Football, Gervais Martel, lui, s'est dit confiant, comme à l'accoutumée. Il a même annoncé avoir trouvé 15 millions d'euros qui permettraient au club artésien d'éviter le dépôt de bilan. "Si j'en parle, c'est que je l'ai trouvé cet argent", a-t-il confié à France Football. "J'ai trouvé des gens à l'extérieur qui me connaissent, qui apprécient le RC Lens et ont conscience que c'est un club extraordinaire. Peut-être entreront-ils un jour dans le capital, ou pas. On verra ça plus tard..."
Martel a-t-il trouvé une astuce pour contourner Mammadov ?
Depuis près d'un an, Gervais Martel doit composer avec un actionnaire majoritaire aux abonnés absents, Hafiz Mammadov, englué dans des difficultés financières personnelles. "Il continue à dire qu'il va pouvoir payer. Moi, je n'y crois pas", a expliqué le président lensois dans cette même interview. "On va avancer tranquillement avec nos juristes. Je suis déjà passé à une seconde étape. Si Mammadov ne peut pas faire face à ses engagements, je dois le sortir pour faire perdurer le RC Lens." Le challenge est de taille car le Baghlan Group d'Hafiz Mammadov détient 99.99% du capital de RCL Holding, la société parisienne qui possède le RC Lens, contre 0.01% pour GIM2, une entreprise de Gervais Martel. Et dans les statuts de la holding, aucune "clause d'exclusion" n'a été prévue pour le contraindre à "sortir" en cas de défaillance et de non-respect de ses engagements.Mais Gervais Martel et ses juristes ont peut-être trouvé une astuce pour le contourner. Celle-ci pourrait se trouver dans les statuts de RCL Holding qui accordent 40% des votes à GIM2, la société du président du RCL. "C'est extrêmement important", a souligné Gervais Martel dans son entretien à France Football. "Via ma société GIM2, je vais pouvoir monter dans le capital et mettre et mettre l'argent en compte courant bloqué." Pour la montée dans le capital, ça reste compliqué car cela nécessite l'aval d'Hafiz Mammadov qui ne semble toujours pas des mieux disposés à l'égard de son associé. En revanche, pour le versement en compte courant, c'est peut-être faisable. Juridiquement, dans une Société par Actions Simplifiée (SAS) comme RCL Holding, seuls les actionnaires détenant plus de 5% du capital sont autorisés à verser de l'argent en compte courant d'associé. GIM2, on l'a dit, n'en détient que 0.01%. Mais l'article 17.2 des statuts prévoit que le commissaire aux comptes ou "le président de la Société" (en l'occurence Gervais Martel) puisse présenter aux associés des "conventions (...) entre la Société et son président, l'un de ses dirigeants ou l'un des associés disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10%". Ce qui est le cas, cette fois, de GIM2. En clair, Gervais Martel peut établir une convention avec sa propre société pour permettre à cette dernière de verser de l'argent dans les caisses de RCL Holding. Une somme qui pourra ensuite être injectée dans celles de la SASP Racing Club de Lens.
Un bémol toutefois. Ce même article 17.2 des statuts de RCL Holding stipule que ces conventions doivent être validées in fine par les associés (GIM2 + Baghlan Group). Hafiz Mammadov - qui posséde 60% des votes - peut donc très bien opposer son véto. Mais si Gervais Martel met véritablement 15 millions d'euros sur la table, difficile pour lui de le justifier, surtout si l'avenir du RC Lens est en jeu. Si l'homme d'affaires azerbaïdjanais venait quand même à contester la manoeuvre devant des tribunaux, la procédure prendra sans doute du temps. Ce qui peut être à l'avantage du club, si tant est que l'argent promis par Gervais Martel arrive bel et bien dans les caisses.
D'où viennent ces quinze millions ?
Pour l'instant, Gervais Martel reste extrêmement flou sur la provenance de ces 15 millions d'euros qu'il se dit prêt à verser. Le fait qu'il s'agisse d'un apport en "compte courant bloqué" vise sans doute à rassurer la DNCG sur le fait que cette somme ne sera pas à rembourser à court terme et qu'elle permettra au RC Lens de faire face à ses besoins sur l'ensemble de la saison prochaine. Un "compte courant d'associé" est en effet une créance dont un actionnaire peut demander le remboursement quand il le souhaite, sauf s'il est bloqué sur une période définie. A l'évidence, ces 15 millions ne viennent pas de la poche de Gervais Martel, dont la situation personnelle n'était pas au mieux ces dernières années (d'où son recours à Mammadov pour reprendre le club à l'été 2013). S'agit-il d'un prêt ? On voit mal quelle garantie de solvabilité peut offrir aujourd'hui le président lensois et sa société GIM2, surtout sur une somme aussi importante. Un nouvel actionnaire a-t-il fait son entrée dans GIM2 ? A ce jour, le dernier acte enregistré au tribunal de commerce d'Arras concernant cette entreprise, domiciliée à Lens, remonte à mars 2013. Le mystère reste donc entier... ou presque.Dans son interview à France Football, Gervais Martel a évoqué un "partenaire issu d'un pays européen beaucoup plus proche de la France", qui aurait "pignon sur rue et les reins solides", mais dont il ne souhaite pas encore dévoiler l'identité. Selon le journal L'Equipe, le patron du RC Lens aurait déniché cette manne en Belgique. Du coup, un personnage vient immédiatement à l'esprit : Roland Duchâtelet. Son nom circule autour du club et dans les médias depuis l'hiver dernier. Cet entrepreneur et homme politique belge de 69 ans a fait fortune dans le secteur des circuits intégrés. Il est aujourd'hui le propriétaire du Standard de Liège et de trois autres clubs : Charlton Athletic (2e division anglaise), AD Alcorcon (2e division espagnole) et Carl-Zeiss Iena (4e division allemande). Son réseau s'étend aussi à Saint-Trond (champion de 2e division belge cette saison, propriété en partie de son épouse) et au club hongrois d'Ujpest (propriété de son fils).
Selon nos informations, Roland Duchâtelet et Gervais Martel se sont bien rencontrés en janvier mais pour discuter seulement des transferts éventuels au Standard de Liège de trois jeunes joueurs lensois : Wylan Cyprien, Jean-Philippe Gbamin et Baptiste Guillaume. Les discussions ont-elles évolué depuis vers un possible investissement de Duchâtelet au RCL ? Nous n'avons pas pu en avoir la confirmation à ce jour. L'homme d'affaires belge semble en tout cas vouloir acquérir un club en France. Il a déjà tenté, l'été dernier, de racheter le Tours FC. Mais son approche a quelque peu décontenancé Jean-Marc Ettori, le président du club tourangeau. "Il a appelé mon avocat en lui disant qu’il était intéressé par le Tours FC en précisant qu’il était prêt à payer 1 euro", a-t-il raconté dans une interview à But!. "Surtout, il a ajouté qu’il ne fallait surtout pas qu’on vende Andy Delort (attaquant du Tours FC NDR), il voulait qu’on le lui laisse ! Il a bien insisté sur ce point. Je me suis alors dit que c’était un malade. J’ai trouvé sa proposition tellement ridicule que je ne l’ai même pas rappelé. J’ai juste répondu que si Tours valait un euro, selon sa logique, le Standard de Liège devait coûter 20 centimes ! (...) Deux semaines passèrent et Duchâtelet est revenu à la charge en me proposant 2 millions d’euros pour acheter le club de Tours, cette fois-ci, en me précisant encore une fois de ne surtout pas me séparer d’Andy Delort. Il a alors rappelé mon avocat en lui disant qu’il nous donnait une semaine pour nous décider, et qu’après ce délai, son offre ne tiendrait plus. Je ne l’ai pas calculé." Roland Duchâtelet traîne l'image d'un businessman aussi secret qu'imprévisible, peu apprécié des supporters des clubs qu'il possède. Régulièrement vilipendé par les ultras du Standard, auteurs de plusieurs banderoles hostiles à son égard, il aurait décidé de vendre le club liégeois qu'il a acquis en 2011 pour 34 millions d'euros. Selon Sudpresse, Duchâtelet viendrait d'entamer des discussions, en ce sens, avec un fonds d'investissement néerlandais, Value8. Il faut dire que l'ambiance cette saison à Liège a été particulièrement tendue comme le montre le reportage ci-dessous, tournée en octobre dernier.