A 17 ans, Emilie s'est donnée la mort en se défenestrant. C'était en janvier dernier. Pendant des années, elle a été victime de harcèlement dans son collège du Vieux-Lille. Elle le décrit dans son journal intime. Aujourd'hui, ses parents le rendent public pour dénoncer ce type de comportement.
Elève brillante, "première de classe", sur ses bulletins scolaires, Emilie est une collégienne modèle, mais, au quotidien, elle vit un calvaire, qu'elle décrit dans son journal intime.
La jeune fille aux boucles blondes se cache dans les toilettes pendant les récrés, "le seul endroit dans ce foutu collège où j'étais sûre d'être tranquille" explique-t-elle. Elle n'a pas d'amis, pas les mêmes centres d'intérêt que ses camarades "surmaquillés aux sacs de luxe et hauts talons", qui l'appellent "clocharde", "intellote la plus moche".
"Parcours du combattant"
Traverser les espaces publics est pour la jeune fille un "parcours du combattant". "Esquiver les coups, les croches pieds et les crachats. Fermer ses oreilles aux insultes et moqueries. Surveiller son sac et ses cheveux. Retenir ses larmes. Encore et encore". Le déjeuner est un moment d'angoisse. " Manger sans prendre plaisir, se dépêcher pour pouvoir sortir de cette salle horrible, pleine de groupes d'amis qui se marrent, tout en ne mangeant pas trop vite pour ne pas non plus attendre trop longtemps dehors" . Telle est la description qu'Emilie donne de son quotidien au collège.
Une "omerta" ?
Virginie et Ian, les parents d'Emilie, ont porté plainte contre l'établissement privé Notre-Dame de la Paix, estimant que les professeurs n'ont pas agi pour aider leur fille. Comme lors de cette scène qu'Emilie décrit, où la classe se moque d'elle et où quelqu'un lui lance une équerre à la tête. "J'étais tellement concentrée pour me retenir de pleurer que je ne me rendis pas compte que le prof me parlait.
⁃ Vous avez l'air bizarre, Emilie. Vous voulez aller aux toilettes ?
⁃ T'as besoin d'aller te soulager un peu ? cria un rigolo.
Nouveaux éclats.
⁃ Allez un peu de calme. Reprenons.
Le prof se retourna et recommença à écrire."
La jeune fille a longtemps caché la vérité à ses parents. Ils ont compris au bout de 2 ans et demi, après une crise d'angoisse. Ils l'ont alors retiré de son établissement. Ils avaient vu qu'elle n'avait pas d'ami et ne semblait "pas épanouie", s'était fait voler ses affaires mais ne pensaient pas que le mal était aussi profond. A chaque fois, ils ont rencontré les professeurs, mais "ils ne voyaient rien". Selon cette mère, il y a "une omerta" au sein de l'établissement. Finalement, Emilie a dû terminer son année par correspondance. Et alors que c'était une élève brillante, renoncer à devenir vétérinaire.
Malgré des soins psychologiques, la jeune fille semble ne s'être jamais sortie de la spirale dépressive dans laquelle ces événements l'ont plongé. " Elle a fini par intérioriser tout qu'on lui a renvoyé pendant tous ces mois, toutes ces années et elle se considérait comme une rien", exlique sa mère. C'est pourquoi, elle pense que ce harcèlement est à l'origine de la dépression de sa fille et de son suicide.
Le chef d'établissement de "NDP"Notre-Dame de la Paix, Vincent Fleters n'est en poste que, depuis cette rentrée, mais s'est dit "attristé" et prêt "à rencontrer les parents et organiser avec eux, des professeurs de l'époque et d'anciens élèves, une réunion pour en parler". Suite à la parution de ce journal, des élèves et des professeurs d'Emilie sont venus le voir dans son bureau pour dire leur "surprise". Ils n'avaient pas perçu "le moindre harcèlement". Son professeur principal a juste parlé "d'une élève discrète qui ne faisait pas parler d'elle". Dans l'établissement, il existe une commission d'élèves médiateurs "formés" qui sont sensés s'occuper de ce genre de situation.
Voici un extrait du journal intime d'Emilie qui nous a été confié par ses parents
Une soirée consacrée au harcèlement scolaire ce mardi soir sur France 3
Ce soir, vous retrouverez une programmation spéciale sur le harcèlement scolaire, un phénomène, longtemps nié en France et qui peut avoir des conséquences tragiques.En première partie de soirée, vous pourrez voir le téléfilm "Marion, 13 ans pour toujours", qui raconte l'histoire vraie d'une adolescente qui s'est suicidée à cause du harcèlement dont elle était victime. La soirée sera suivie d'un débat sur la question en présence de Nora Fraisse, la mère de la jeune Marion, de parents, d'élèves et de représentants de l'Education nationale.