Avant l'hiver, la "Jungle" de Calais au bord de la rupture

A l'approche de l'hiver, les associations présentes dans le bidonville situé près de la rocade portuaire, plus surpeuplé que jamais, s'inquiètent des conditions de vie de plus en plus précaires des migrants et doutent du dispositif humanitaire supplémentaire prévu par le gouvernement.

"Je n'ai rien pour l'isoler, donc j'enfilerai un pull supplémentaire distribué par les associations", confie Abdulilah, la cinquantaine: cet Afghan construit sa cabane dans la "Jungle" de Calais où les températures nocturnes avoisinent dorénavant les 5 degrés. "On patauge dans la boue. Il y a des endroits où l'eau stagne et c'est très difficile, y compris sur les points d'eau très mal aménagés. On est dans le vent, la pluie et le froid, c'est encore pire que dans les "jungles" précédentes", estime François Guennoc, de l'Auberge des migrants.

Dans les allées sinueuses de ce taudis aux airs de township sud-africain, retentissent partout les coups de marteaux pour solidifier les abris de bric et de broc censés protéger des aléas du temps nordiste.

4000 à 6000 migrants désormais à Calais

Depuis septembre, les passages illégaux vers la Grande-Bretagne depuis le port de Calais où l'immense site d'Eurotunnel, qui pouvaient atteindre les 150 par jour en août, se font au compte-goutte suite à la pose de hautes grilles et de caméras autour des deux enceintes. A l'inverse, les arrivées ne tarissent pas: 630 000 migrants sont entrés illégalement depuis le début de l'année en Europe et Calais constitue pour certains le dernier rempart avant d'atteindre l'Angleterre, la destination rêvée. Parallèlement, les demandes d'asile se multiplient, incitant à la sédentarisation, selon les associations: "l'Etat en reçoit entre 125 et 150 par semaine", principalement des Soudanais et Érythréens, indique la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio.

Les 2000 demandes ont ainsi été dépassées, contre 895 pour toute l'année 2014. Conséquence: le camp grandit chaque jour à vue d'oeil. Si les estimations début juin faisaient état de 2500 migrants, les chiffres oscillent dorénavant entre 4000 et 6000 selon les sources. "On est au bord de la rupture. Il y a des insuffisances sur la protection aux personnes et sur les délais pour traiter les demandes d'asile. C'est inacceptable qu'un Etat, sixième puissance mondiale, cautionne cela", dénonce Jean-François Corty, responsable des missions France chez Médecins du Monde. Une autre bénévole, de l'association Salam, sous couvert d'anonymat, parle même "de camp de concentration".

Situation sanitaire inquiétante

Le dernier rapport du Défenseur des droits Jacques Toubon, contesté par le ministère de l'Intérieur, appuie aussi les critiques sur la situation sanitaire, préconisant qu'au moins "dix points d'eau supplémentaires soient installés" dans le bidonville - contre 4 actuellement - et "qu'un dispositif régulier de ramassage des ordures soit mis en place". Quant au dispositif humanitaire annoncé par le gouvernement fin août censé offrir à 1500 personnes un logement en dur, il semble susciter plus de questions que de solutions, selon les associations. D'ici le 31 décembre, 125 containers pouvant loger 12 personnes chacun doivent être installés pour former un camp clos.

"Il y aura un périmètre matérialisé avec un dispositif d'identification des individus pour qu'on sache qu'ils habitent sur le site", explique Guillaume Alexandre, directeur de La Vie Active, l'opérateur retenu par l'État pour sa construction. Mais son fonctionnement est encore à l'étude, l'utilisation de badges étant exclue, "les migrants pouvant se le faire voler". "On est dans le flou total. Que fait-on des deux tiers restant? Il y aura plus de promiscuité et donc des tensions plus fortes. Cela va aggraver la situation des 2500 autres!", s'emporte Christian Salomé, président de l'Auberge des migrants, pour qui une telle situation ne pourra que "créer de la jalousie" entre "les heureux élus du site et les autres". Toutes les associations s'accordent à dire que le dispositif de 1500 personnes n'est pas suffisant. Et si l'exécutif ne s'avance pas sur une éventuelle deuxième phase, le directeur de la Vie Active estime cependant "être en capacité de faire évoluer le site pour passer à 3.000 places, en fonction de la demande de l'Etat".
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