Dans la "Jungle" de Calais, des ilôts de lieux de vie dans un océan mortifère

En ordonnant le démantèlement de la partie sud de la "Jungle" de Calais, le tribunal avait demandé à ce que deux lieux de vie soient sauvegardés : le restaurant et l'école. Ceux qui les gèrent craignent que la fréquentation baisse et que malgré tout, ces lieux finissent par être détruits.

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"Que faire face aux lacrymo et aux bulldozers? C'est un combat perdu d'avance", lance, fataliste, Zimako Jones, demandeur d'asile nigérian à l'origine de l'école laïque du chemin des Dunes, l'un des deux lieux de vie préservés du démantèlement de la partie sud de la "Jungle" de Calais.

Contrairement aux autres abris de la moitié sud du plus grand bidonville de France, l'école, comme le restaurant voisin Ashram Kitchen, considérés comme des "lieux de vie", n'ont pas été démolis cette semaine par les autorités. Un jugement du tribunal administratif de Lille du 25 février avait demandé qu'ils soient préservés. Mais les associations craignent que, à présent bien isolés du reste des habitations, ils ne soient désertés de leur public, justifiant alors leur prochaine destruction.

"En étant si isolés, ils vont avoir du mal à survivre. Si les lieux collectifs sont moins remplis, cela sera un prétexte pour les détruire", craint François Guennoc, de l'Auberge des migrants. De loin, les panneaux "School" et "Restaurant" de ces deux lieux emblématiques font peine à voir dans ce paysage désolé, jonché de déchets et de traces de tracto-pelles encore fraîches.

"S'il faut reconstruire au Nord, on le fera"

Pour l'Ashram Kitchen, auparavant situé au milieu de dizaines de baraques qui en faisait un endroit incontournable pour son ambiance conviviale, les premières habitations sont désormais à 100 mètres. Mais dès lundi, ce sera leur tour de disparaître. "Je viens ici tous les jours depuis cinq mois, où vais-je trouver un lieu aussi sympa à présent?", se demande l'Indien Asran entre deux bouchées de chili con carne. Dans ce lieu très coloré où toutes les nationalités du camp se mélangent, la philosophie "carpe diem" l'emporte.

"On pense que l'établissement va devoir fermer dans 2-3 semaines mais on n'y pense pas. On vit au jour le jour. S'il faut reconstruire au nord, on le fera", explique tout sourire, bonnet vissé sur la tête et piercing au nez Nills, une Britannique de 23 ans qui sert à manger.

Une dizaine de mètres plus loin, des bénévoles donnent des cours de français, en ce dimanche d'hiver, à la trentaine d'adultes présents dans la petite salle informatisée et équipée du wifi de l'école laïque. L'état d'esprit y est plus combatif. "C'est devenu une décharge publique autour mais tant qu'il y aura des gens encore là, on se battra pour pour que l'école reste ouverte", assure Maria, étudiante qui se rend occasionnellement à l'école. A ses côtés, Dominique Logez, qui travaille dans les ressources humaines la semaine, acquiesce. Accoutrée d'un déguisement de "Minnie Mouse", elle entend chercher les enfants un par un dans la "Jungle" pour leur faire classe.

"L'école viendra à eux"

Une bande de joyeux lurons part alors arpenter les allées boueuses du camp en suivant un accordéoniste qui joue "Frère Jacques" ou encore "Le lion est mort ce soir". Direction le nord du camp et ses caravanes, fraichement déplacées de la partie sud, pour distribuer jouets, chocolats et cahiers à dessin.

"On a pris un sacré coup cette semaine, mais quand on voit la situation dans laquelle vivent les réfugiés, on ne peut pas baisser les bras", explique Mme Logez. "A présent, les familles sont loin de l'école, elles ne veulent pas envoyer les enfants car
elles ont peur de la police. Mais il faut qu'on garde le lien qu'on a réussi à créer depuis quelques semaines avec elles. Si les enfants ne viennent plus à l'école, l'école viendra à eux
"
, promet, pleine de joie, la quinquagénaire. Et si la situation de l'école venait à se compliquer, les bénévoles s'adapteront : des caravanes éducatives itinérantes pourraient circuler.
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