Les migrants iraniens de Calais à la bouche cousue promettent de remettre ça

Devant un baraquement en bois dont l'entrée est interdite, Mokhtar, l'un des Iraniens qui se sont fait coudre la bouche, avertit que lui et ses amis seront bientôt "plus nombreux" à protester ainsi contre le sort réservé aux migrants. Les autorités, elles, évoquent une "instrumentalisation".

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L'image, saisissante, vise à émouvoir le monde entier sur l'évacuation de la moitié de ce camp de 18 hectares, ordonnée par la préfecture du Pas-de-Calais. De mercredi à vendredi, à chaque fois vers 13H00, des Iraniens, qui se déclarent désormais en grève de la faim, sont sortis du petit "centre d'information" de la "Jungle", situé en face du dispensaire de Médecins sans frontières, avec du fil sur les lèvres. Jeudi, ils se sont même mutilé la bouche devant une nuée de journalistes éberlués.

A la "Jungle", les Iraniens ne forment qu'une toute petite communauté. Syriens, Afghans, Soudanais, entre autres, sont bien plus nombreux. Samedi et dimanche, aucune manifestation de "bouches cousues" n'était prévue, les travaux de démolition de la partie sud du bidonville faisant relâche le week-end. Mais un porte-parole du groupe a toutefois averti l'AFP qu'une action était prévue lundi dès 08H00.



Difficile de connaître tous les tenants et aboutissants de cette action spectaculaire, le baraquement qui les abrite étant précautionneusement fermé. Une affichette, avec l'inscription "Nous sommes en grève de la faim. Nous avons besoin de repos. Merci de le respecter. Merci", dissuade les regards curieux de la presse.

"Plus de personnes vont le faire"

Un journaliste de l'AFP a pu cependant s'entretenir samedi avec un de ces Iraniens. La trentaine athlétique, Mokhtar s'exprime dans un anglais courant, la bouche dissimulée sous un masque chirurgical, au pied de la maisonnette. Il dit faire partie de ceux qui se sont fait coudre la bouche. Selon lui, ces hommes - on n'a pas vu de femme avec eux - viennent de différents endroits de leur pays et ne se connaissaient pas avant de se retrouver dans la
"Jungle". "Ils (les Français, ndlr) ont détruit nos maisons. Nous avons nous-mêmes décidé de faire ce geste", déclare-t-il. Une façon de récuser toute manipulation, notamment des "No border", dont un familier du camp devine la main dans cette opération. "Il va y avoir plus de personnes qui vont le faire", prévient-il.

Selon lui, ce sont bien neuf Iraniens qui ont la bouche cousue. Parmi les douze qui ont manifesté dans le camp vendredi, trois avaient le bas du visage recouvert de tissu. "Je suis assez fatigué. Certains ont la bouche un peu infectée, des médecins nous mettent de la crème", murmure Mokhtar derrière son masque, regrettant de "ne pas avoir de réponse" des autorités françaises.


Manipulation ?

Si ces images ont suscité chez les autorités une "profonde émotion", la préfecture du Pas-de-Calais a jugé que "rien" ne justifiait "de telles extrémités", alors que l'État mettait "tout en oeuvre pour sortir les migrants des conditions indignes dans lesquelles ils survivent dans la zone sud" de la "Jungle".
Le ministre de l'Intérieur a évoqué une possible manipulation de ces migrants, d'autant que des membres du groupe tenaient des pancartes en français interpellant le Défenseur des droits, une institution spécifiquement française. Selon Bernard Cazeneuve, cette action n'aurait pu avoir lieu sans des acteurs "qui sont présents en permanence, manipulent, instrumentalisent". Le ministre n'imagine pas que ces acteurs n'aient pas été "au moins informés de l'éventualité de cet acte" et qu'ils auraient donc "pu l'éviter".

A présent, l'interrogation plane sur la destinée de ce baraquement où les Iraniens effectuent leur grève de la faim - un rectangle bardé de bois de quelque 20 m2. Il n'est en effet situé qu'à une centaine de mètres de la zone qui a été totalement évacuée cette semaine. "Il va falloir bien surveiller ce que va devenir cet endroit. Vu la vitesse à laquelle les autorités vont, il pourrait être menacé dès mardi", s'inquiète Maya Konforti, de l'association L'Auberge des migrants, très souvent en contact avec les Iraniens. Selon elle, ces hommes sont venus chercher bonne fortune en Europe, car "en Iran, ils étouffent, c'est la mort à petit feu". L'un d'eux serait mineur, né en 1999, et tous seraient là depuis trois à six mois.
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