Migrants et bénévoles s'activaient vendredi à remettre en ordre la "Jungle" de Calais, théâtre "de véritables scènes de guerre" la veille lors d'une impressionnante rixe entre réfugiés afghans et soudanais qui a fait 40 blessés.
Sous un ciel bas et gris, des migrants font la queue pour un café, d'autres jouent au jeu de dames, une bénévole gratte même un air du groupe de rock U2 à la guitare. Il est midi et à l'entrée du camp de migrants, aucune preuve du chaos de la veille. Mais, quelques mètres plus loin, sur plusieurs dizaines de mètres carrés il ne reste plus rien. Des abris de fortune ont été réduits en cendres, d'autres, carbonisés, tiennent encore difficilement debout. Une centaine de bénévoles, la plupart anglais, et de migrants s'activent avec pelles et brouettes à remettre en état le terrain "pour pouvoir rapidement reconstruire des abris", explique un Soudanais de 26 ans, Iamba, en ratissant le sol. Selon Christian Salomé, de l'Auberge des Migrants, "entre 50 et 100 cabanes ont été détruites" par les feux allumés la veille lors de la rixe et environ "300 personnes" ont dû dormir au centre Jules-Ferry la nuit dernière.
Jeudi, à partir de 16h un déchaînement de violences a opposé pendant plusieurs heures quelque 200 réfugiés afghans et soudanais d'abord au centre Jules-Ferry, puis au Centre d'accueil provisoire (CAP) et au sein même de la "Jungle" où vivent entre 3900 et 5000 migrants, selon les sources, dans l'espoir de rejoindre la Grande-Bretagne. "On a des rixes assez régulièrement, mais celle-ci était d'une violence particulière, dans un contexte de tension sous-jacente. C'étaient des scènes de guerre, les gens se sont frappés à coups de barres de fer, de coups de pierre sans aucune réserve", affirme Stéphane Duval, le directeur du CAP et du centre d'accueil de jour Jules-Ferry, présent jeudi au moment des affrontements. Mi-mars, 19 migrants avaient été blessés dans une bagarre opposant déjà réfugiés soudanais et afghans.
"Conséquence de l'entassement"
Les raisons de la rixe sont encore indéterminées, mais pour M. Duval, les affrontements sont partis "d'un incident mineur". Selon Rajesh, un migrant soudanais de 20 ans qui affirme qu'il était présent au début de la rixe au centre Jules Ferry, la confrontation "est partie à cause d'un chargeur de téléphone". "Depuis quelques semaines, beaucoup de migrants arrivent et beaucoup partent, cela fragilise l'équilibre qu'il peut y avoir entre les différentes communautés qui ne vivent pas en parfaite harmonie", analyse M. Duval. Ces incidents sont "la conséquence du fait de l'entassement du maximum de monde dans un minimum d'espace (...) c'est comme si la pression de la cocotte-minute était arrivée à son terme et qu'elle avait besoin de l'évacuer", ajoute M. Salomé, pour qui la solution est "d'éviter une telle concentration"."C'est la plus importante rixe que nous avons connue dans la "Jungle" de Calais, c'était très impressionnant, je voyais, alors que je n'étais même pas à proximité directe des affrontements, des boules de feu provoquées par l'explosion des bouteilles de gaz", raconte de son côté Barbara Jurkiewicz, de La Vie Active, l'association agréée par l'État pour gérer le centre Jules-Ferry et le CAP. Au total, 40 personnes ont été blessées au cours de cette rixe, dont 33 migrants, deux CRS, et aussi cinq membres du personnel de La Vie active, dont une jeune femme blessée plus sérieusement après avoir reçu un projectile au visage. Celle-ci est toujours en observation à l'hôpital, selon la préfecture. Une enquête a été ouverte pour violences volontaires avec armes par le parquet de Boulogne-sur-Mer et a été confiée au commissariat de Calais.