"Nos fournisseurs ne sont pas en mesure de nous livrer la marchandise commandée" : ces affichettes apposées dans les rayons sans beurre agacent de plus en plus les éleveurs laitiers. Ils souhaitent rétablir la vérité sur cette situation de "pénurie".
"Si on voulait fournir la France en beurre, on pourrait fournir"
"Ils jouent sur les mots. Si on voulait fournir la France en beurre, on pourrait fournir" mais les distributeurs ne veulent pas payer plus cher, explique Benoît Koning, responsable lait des JA de l'Orne.
Pour les laitiers, il y a bien une diminution des stocks mais pas de réelle pénurie. "En France, on produit beaucoup, si on priorisait on aurait du beurre. On est est largement excédentaire" rappelle Benoît Koning. "Les industriels n'arrivent pas à répercuter la hausse des prix sur les distributeurs. Pour le mois de novembre, il n'y a pas de hausse des prix prévue à l'achat par l'industrie". Les grandes surfaces ne veulent pas acheter la plaquette de beurre plus cher.
Alors les affichettes expliquant que les fournisseurs ne peuvent livrer agacent les professionnels du lait pour qui les distributeurs sont en partie responsables de cette situation.
Ce sont surtout les marques distributeurs qui manquent de beurre. "Les grandes marques signent des accords commerciaux une fois par an pour établir le prix d'achat à l'année" explique Eric Hatteville, responsable de la section lait de la FDSEA de l'Orne. En ce moment, la situation est plutôt favorable pour eux. Ce sont les marques distributeurs, qui achètent au cours du jour, qui subissent la hausse des prix et qui d'ailleurs la refusent.
Mardi 24 octobre, la FDSEA de la Manche organise une réunion pour décider d'éventuelles actions contre cette communication des supermarchés. De son côté la FDSEA de l'Orne envisage de revendre des plaquettes de beurre à prix coûtant dans les prochaines semaines, pour se rapprocher des consommateurs.
En novembre, les négociations vont commencer entre les marques et les industriels pour fixer le nouveau prix des matières premières, qui cette fois-ci prendra en compte la hausse des cours. Un tarif qui entrera alors en vigueur en mars 2018, pour un an...
Dans l'Orne, le beurre commence à se faire rare même dans les supermarchés
" Je ne me souviens pas avoir eu autant de rupture dans le beurre. On l'a vu souvent sur des rayons comme la bière quand il y a des problèmes de négociation avec les fournisseurs mais là....ça fait long....". En 27 ans de carrière, Bertrand Capoen, directeur d'un supermarché à la Ferté-Macé, n'avait jamais été confronté à une telle situation.
Pourquoi cette hausse des prix ?
Le prix de la matière grasse a triplé.
Payé 2 500 euros la tonne en avril 2016, les cours du beurre ont atteint 7 000 euros la tonne l'été dernier.
"Avec la réhabilitation des matières grasses animales, la demande pour le beurre a explosé un peu partout dans le monde", indique Gérard Calbrix, directeur des affaires économiques à l'Association de transformation laitière française (Atla).
Or en face de cette explosion de la demande, on a une production laitière en baisse en Nouvelle-Zélande, plus gros exportateur mondial de lait, ainsi qu'en Europe, où la fin des quotas laitiers il y a deux ans avait provoqué une surproduction et donc une chute des cours poussant les éleveurs à réduire leurs tonnages. En conséquence, les prix ont explosé.