Interrogé à son procès ce vendredi sur son parcours religieux et sa radicalisation, le frère de Mohamed Merah a réfuté être salafiste mais s'est qualifié de "musulman orthodoxe".
" - Êtes vous salafiste ?, lui demande le président de la Cour d'assises spéciale, Franck Zientara.- Je me revendique musulman orthodoxe" répond Abdelkader Merah.
Interrogé ce vendredi 20 octobre, au 15ème jour de son procès devant la Cour d'assises, sur sa radicalisation religieuse, le frère de Mohamed Merah, poursuivi pour complicité d'assassinats terroristes et suspecté d'avoir été à l'origine de la radicalisation religieuse de son frère, a réfuté être "salafiste" : "Monsieur le Président, je ne me reconnais pas comme radical, salafiste et terroriste".
"Je suis accroché aux préceptes religieux, a-t-il ajouté. L’islam n’est pas un costume que l’on met quand on est chez soi et que l’on enlève quand on sort, l’islam vous suit partout. Je suis soumis à mon Créateur. Je me lève musulman, je mange musulman, je vis musulman, je dors musulman".
Il a "cotoyé'" le groupe salafiste toulousain... "comme les autres courants"
Concernant son appartenance au groupe salafiste radical toulousain, notamment lié à la flière d'Artigat, Abdelkader Merah reconnaît avoir "cotoyé" les membres de ces groupe (Corel, Essid, Clain) mais affirme qu'il cotoyait également d'autres courants de l'Islam. "Je n'allais pas dans une mosquée particulière, explique-t-il. J'allais là où j'étais le plus près au moment de la prière. Je fréquentais plein de courants différents". "Dans ce procès, on veut sur le plan idéologique, me faire porter un costume trop grand pour moi".Plus tard, il a aussi précisé sa position vis à vis des lois humaines :
Des propos qui font écho à ce qu'a dit à son sujet son propre neveu, Théodore, en début de semaine : "Ce procès n’a pas de valeur à ses yeux car il ne reconnaît pas les valeurs de la République".L'Islam considère la démocratie comme une religion. Je ne reconnais aucunement les lois forgées par l'Homme, je considère uniquement les lois créées par le Créateur qui est Allah. J'instaure l'Etat musulman dans mon coeur.
"Le jihad est dans le Coran mais je ne suis pas pour la lutte armée"
Interrogé sur le recours à la violence, Abdelkader Merah s'est également expliqué sur la "haine du mécréant" : "Ce n'est pas la haine envers la personne, c’est de l’opposition totale avec son idéologie politique mais ça ne se traduit pas en violence".Est-il pour l'instauration de l'Etat islamique ? "Moi j'applique l'état musulman dans mon coeur. Aucun musulman ne souhaite pas vivre sous les lois musulmanes. C'est un souhait intime. Comme un Chrétien pourrait vouloir vivre sous les lois de l'Evangile ou un démocrate sous les lois de la démocratie".
Interrogé sur le jihad, Abdelkader Merah a répondu :
Al Qaida ? "Je ne partage pas cette idéologie, je n’ai jamais vu Al Qaida à toulouse, je n’ai jamais fait allégeance. Donner sa vie ? C'est pas avec des morts qu'on fait progresser l'Islam".Le jihad est dans le Coran comme le jeûn ou la prière mais après c’est l’interprétation qui mène à tuer des innocents. Mais c’est quelque chose de noble, c’est pas la barbarie. Je ne suis pas pour la lutte armée".
"Je ne suis pas le mentor de mon frère"
Il dit avoir parlé de jihad avec son frère Mohamed mais comme "on parlait de tous les sujets". Il était "très marqué, il pleurait, au sujet des enfants palestiniens et de la colonisation américaine en Irak".Moi, mon petit frère, j'aurai voulu l'emmener avec moi en Egypte. Il avait une grande mémoire, il aurait pu étudier l'arabe et l'Islam. On dit que j'ai été son mentor religieux mais s'il m'avait suivi je l'aurai conduit vers la connaissance".
"Pourquoi mon frère se serait-il tourné vers moi pour avoir l'approbation sur ce qu'il allait faire ? Moi j'ai le niveau CP en Islam. Il connaissait des savants qui pouvaient davantage lui répondre".
Il dit avoir eu "des doutes" sur les intentions de son frère, notamment à son retour du Pakistan fin 2011 : "Je pensais qu'il cherchait un groupe armé" à l'étranger. Mais il maintient ne pas avoir été au courant de ses projets terroristes sur le sol français.
Avant de qualifier Mohamed Merah de "musulman terroriste".
Un interrogatoire très important
Abdelkader Merah sait que cet interrogatoire est primordial. Les juges ont peu d'éléments probants concernant le volet matériel de sa complicité avec son frère. Reste donc le volet idéologique et religieux. Il refuse d'endosser le costume du mentor qui a fanatisé son frère. Face aux questions, l'accusé a réponse à tout et affiche un islam orthodoxe mais non-violent.
"Il dissimule sa radicalisation"
Mais pour les parties civiles, "il est dans le déni de sa propre radicalisation" comme l'a dit Maître Elie Korchia, avocat de Samuel Sandler. "Le fait de cacher sa radicalité à la cour c'est une forme de dissimulation" conclut un confrère.
"En voilà un bel exemple de taqîya que vous venez de nous faire, n'est-ce pas monsieur Merah ?", lui a même lancé Maître Laurence Cechman en référence aux techniques de dissimulation des islamistes jihadistes.
"Je souhaite que mon frère Mohamed soit au paradis"
"Bien-sûr que je souhaite que mon petit frère soit au paradis, a déclaré ce vendredi Abdelkader Merah lors de son long interrogatoire. En tant que musulman, je ne peux pas souhaiter qu'il soit en enfer".Une déclaration qui a soulevé un murmure de désapprobation dans la salle.
Un peu plus tôt, Abdelkader Merah a fait une mise au point sur son frère : "Mohamed Merah était mon petit frère, mon frère de sang, c'est normal que je pense à lui et si j'avais un enfant, oui je l'appelerai Mohamed".