Cinq ans après les tueries perpétrées par Mohamed Merah à Toulouse et Montauban, seules deux personnes sont poursuivies. Son frère aîné, Abdelkader, et un petit délinquant, Fettah Malki. tous deux comparaîtront en octobre prochain devant la cour d'assises spéciale de Paris.
Il y a cinq ans, Mohamed Merah assassine seul trois militaires, trois enfants et un enseignant juifs à Toulouse et Montauban, avant d'être abattu, le 22 mars 2012, par la police. En pleine campagne présidentielle, les services de renseignement sont sur la sellette, dupés par Merah, inscrit pourtant en 2011 sur une liste d'activistes potentiellement dangereux.Le patron du renseignement intérieur de l'époque Bernard Squarcini brandit alors la thèse du "loup solitaire", nouvelle tactique privilégiée selon lui par Al-Qaïda pour utiliser des individus isolés se fondant dans la masse. Une thèse rejetée en bloc par les proches des victimes et, après l'arrivée des
socialistes au pouvoir, par le ministre de l'Intérieur Manuel Valls. "On a invoqué ce concept pour prétendre qu'il y aurait des difficultés opérationnelles à appréhender ces comportements", estime Martin Pradel, avocat de personnes impliquées dans des dossiers de filières jihadistes. "La vérité, c'est que les services de renseignement étaient dépassés".
La piste du loup solitaire écartée
Les enquêteurs ont enterré cette piste. Pour le parquet antiterroriste, "loin d'être un loup solitaire sinon dans l'exécution directe des assassinats", "Merah a au contraire participé à une véritable entreprise collective". Même analyse des juges d'instruction: il "préparait de longue date ces actionsen cherchant notamment à l'étranger" des personnes pour "bénéficier d'un entraînement aux armes" et, "surtout", d'un "aval religieux".
Merah avait fait de premiers voyages en 2010 en terre de jihad. En 2011, dans les zones tribales pakistanaises, il avait pu entrer en contact avec le groupe Jund-al-khalifat, affilié à Al-Qaïda et dirigé par l'émir Moez Garsallaoui qui l'avait adoubé.
Seulement deux personnes poursuivies aujourd'hui
Toutefois, au terme de cinq ans d'enquête, seules deux personnes seront jugées en octobre pour les tueries perpétrées par Mohamed Merah. Son frère aîné, Abdelkader, qui n'a pas réussi à effacer son rôle de mentor, et un petit délinquant, Fettah Malki, qui devra répondre de son aide logistique. Tous deux comparaîtront du 2 octobre au 3 novembre 2017 devant la cour d'assises spéciale de Paris.L'ombre du frère aîné, Abdelkader Merah
Jugé pour complicité d'assassinats terroristes, Abdelkader Merah, 34 ans aujourd'hui, encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Aux yeux des juges antiterroristes, il est "le seul" avec qui son frère "avait partagé ses intentions" et qui "a été associé à certains des actes préparatoires" aux tueries. D'après les magistrats qui l'ont renvoyé en procès, "ses nombreux séjours linguistico-religieux au Caire", "sa volonté d'instauration d'un État islamique", les documents retrouvés chez lui "sur la manière opérationnelle de concevoir en Occident un attentat ou une action armée" semblent "difficilement compatibles avec ses assertions selon lesquelles il n'adhérait pas au passage à l'acte de son jeune frère".Ils le soupçonnent aussi d'avoir participé le 6 mars 2012 à Toulouse avec son frère au vol du scooter utilisé par Mohamed Merah pour se déplacer sur les scènes de ses crimes. Abdelkader Merah ne nie pas avoir été présent, mais assure que son frère a agi à son insu.
L'enquête a mis en avant les nombreuses rencontres entre les deux hommes "les jours ou veilles de jours où Mohamed Merah commettait ou préparait" ses attaques, listant au moins cinq rencontres entre le 11 mars, jour du premier assassinat, et le 18 mars, la veille de la tuerie à l'école juive de Toulouse. Mais son avocat, le ténor du barreau Eric Dupond-Moretti, a l'intention de démontrer au procès qu'aucun élément matériel ne relie Abdelkader Merah aux crimes de son frère.
Fettah Malki, un petit délinquant
Né en Algérie, connu pour des faits de délinquance de droit commun, Fettah Malki, 33 ans, est un copain de cité de Mohamed Merah. Il sera notamment jugé pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. S'il a reconnu avoir fourni le pistolet mitrailleur Uzi que portait Mohamed Merah à l'école juive et le gilet pare-balles qu'il a endossé lors du siège de son appartement, il a toujours affirmé n'avoir eu aucune connaissance de ses intententions criminelles.Compte-tenu de "sa proximité" avec Mohamed Merah, "il ne pouvait ignorer que ce dernier était dans une démarche et une optique de radicalisation", selon l'ordonnance de mise en accusation. Mais l'instruction n'a pas démontré qu'"il avait la connaissance de la volonté et de la décision de Mohamed Merah de se livrer" aux tueries, notent les magistrats qui n'ont pas retenu le chef de "complicité d'assassinats". Il encourt vingt ans de réclusion criminelle.
Voyez le point sur l'enquête, par Christophe Neidhardt et Frédéric Desse :
Le point sur l'enquête et les arrestations qui ont suivi la folie meurtrière de Mohammed Merah en 2012 à Toulouse et Montauban. Un procès est prévu à la fin de l'année 2017.