A Saint-Denis, "Exhibit B" déchaîne les passions

"Respectez nos ancêtres!", réclamaient les uns. "Venez-voir le spectacle", rétorquaient les autres.

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Le climat était tendu, dimanche après-midi, aux abords du théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis qui accueillait l'exposition "Exhibit B" du Sud-Africain Brett Bailey, accusé de "racisme".

Né dans les années 60, sous l'apartheid, l'artiste dit avoir conçu "Exhibit B" comme une déambulation-spectacle qui plonge le spectateur dans l'histoire
coloniale, en présentant des tableaux vivants de Noirs tels qu'ils étaient exposés dans les foires par le passé.

Chaque visiteur, un par un, est invité à suivre en silence un parcours fléché, pour découvrir la dizaine d'installations, où des acteurs témoignent des souffrances des Noirs sur fond de chants d'esclaves.

La dramaturgie de l'exposition est censée inciter à la remémoration et à la réflexion, mais des cris "Annulez, annulez"  retentissent tous les soirs depuis sa programmation.

Jeudi soir, les débordements avaient contraint le directeur à annuler les représentations à peine démarrées, des manifestants étaient rassemblés à l'extérieur de ce théâtre d'une ville populaire de Seine-Saint-Denis. Un important dispositif policier avait été déployé.

Derrière une pancarte "Exhibit B ou les privilèges de l'homme blanc", une cinquantaine de personnes, certaines arborant des T-shirt où l'on pouvait
lire "Brigade anti-négrophobie", ont à nouveau demandé son annulation. "Spectacle de merde!", "Honte à la France", "Respectez nos ancêtres", hurlait
dans un mégaphone l'un d'eux, sous les applaudissements de la foule.

Bousculade, insultes, huées mais pas d'intrusion dans le théâtre. Trois d'entre eux ont néanmoins été interpellés pour des violences sur les forces de l'ordre.

Cette exposition, présentée en France sans incidents l'an passé, fait maintenant l'objet d'une pétition de ses détracteurs qui la jugent "humiliante" et "raciste".

"Il salit la mémoire de nos ancêtres. Ca ne m'intéresse pas de voir des Noirs, enchaînés ou à poil, revivre le passé. Et ça me choque", a expliqué une
manifestante d'une quarantaine d'années.

A l'extérieur comme à l'intérieur, le malaise est palpable. Pourtant, tous défendent une même cause: dénoncer le racisme. "C'est une oeuvre qui touche l'humain, qu'on soit noir ou blanc, presque un acte militant", plaide Anne, une habitante Saint-Denis, à la sortie du spectacle.
"J'ai été bouleversée par le propos et par les acteurs. C'est la réalité qui est montrée, même si c'est parfois gênant pour le public, on comprend mieux notre histoire", décrit-elle.

"En tant que black, j'ai pas été choquée. J'ai été touchée", rétorque son amie Nadine. "C'est notre histoire qu'il montre. Je comprends certains arguments mais à tous les manifestants dehors, j'ai envie de dire qu'il faut la voir et prendre du recul".

Un peu dépassé par la polémique, le directeur du théâtre, Jean Bellorini, a déploré un "viol de la liberté d'expression" et assuré que la programmation d'"Exhibit B" se poursuivrait comme prévu jusqu'à dimanche.

Le débat prévu entre les anti et les pro "Exhibit B" a lui été annulé à cause des violences de la veille.

A la fin de l'exposition, le spectateur est invité à lire les témoignages de certains acteurs. Sur l'un d'eux, on peut y lire: "Comprendre le passé me permet de ne pas accuser le présent. Exhibit B dénonce ce que les manuels d'histoire ne dénoncent pas".

Après le TGP, "Exhibit B" est programmé au Centquatre à Paris du 7 au 14 décembre.

Reportage de Frédérique Hovasse et Olivier Badin

 

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