Le maire de Gennevilliers où l'un des frères Kouachi est enterré, ne veut pas que sa ville se résume dans les journaux au seul Chérif Kouachi, l'un des instigateurs de l'attentat contre le journal Charlie. Il s'est donc offert une page de pub dans Le Parisien et l'Humanité pour alerter les médias.
"Vous avez été nombreux à venir faire votre travail à Gennevilliers au moment des odieux et tragiques attentats. Je vous propose de revenir montrer la richesse humaine de notre ville", affirme-t-il dans cette lettre, sous une photographie d'enfants pendant une fête de la ville.
Avec un certain succès puisque les journalistes se pressent pour répondre à cette invitation. L'idée, explique le maire communiste, est d'éviter que sa ville de 43.000 habitants ne se résume dans les médias au seul Chérif Kouachi, l'un des auteurs de l'attentat de Charlie Hebdo, "parce qu'ainsi on stigmatise des personnes qui n'ont rien à voir avec ce hasard de la vie qui fait qu'un terroriste a vécu à Gennevilliers".
Au dernier étage de la médiathèque flambant neuve, au coeur de la Cité du Luth, Patrice Leclerc détaille la politique menée depuis quinze ans: restructuration des barres d'immeubles, lancement d'un écoquartier, mise en place d'activités périscolaires gratuites et d'un festival jeune public...
"Nous avons un théâtre national, une école d'art, un centre équestre. Cela, il faut le montrer, sinon nous cumulons les humiliations et nous obtenons un ressentiment qui peut aller jusqu'au terrorisme, ou plus couramment faire baisser les bras dans les études, la recherche d'emploi, la construction d'une société commune", ajoute-t-il.
Et les retours sont positifs, assure-t-il. "Les gens disent: vous nous défendez, continuez à montrer ce qu'est la vraie vie dans une ville comme Gennevilliers." Cette démarche "qui travaille la fierté des habitants", est "moderne et très intéressante", estime Vincent Gollain, directeur du département économie et développement local à l'institut d'aménagement et d'urbanisme (IAU), et spécialiste du "marketing territorial". Importé des Etats-Unis, ce concept a peiné à s'imposer en France. "L'idée n'est pas de transformer les villes en marques de lessive", mais de renforcer l'attractivité d'un territoire auprès des entreprises, des salariés ou des touristes.
Les journalistes sont ici visés en tant que "relais d'opinion" et "cela peut marcher parce qu'il dit: venez, on va vous montrer qu'on a changé, vous accueillir, vous rassurer sur l'aspect risques et en même temps vous offrir la réalité du terrain". En cas de crise, rien n'est pire selon lui que de faire comme si de rien n'était "parce qu'alors tout vous échappe". "Les crises vont s'imprimer dans les perceptions, que ce soit des habitants à quelques kilomètres ou des investisseurs, et vous ne parviendrez jamais à revenir en arrière, sauf à dépenser des centaines de milliers d'euros que vous n'avez pas toujours." Les villes à l'image négative doivent "engager une démarche de long terme". Et "contrairement à ce qu'on fait en France, il ne faut pas avoir uniquement une politique de la ville mais aussi une démarche marketing dès le début", estime-t-il.
Discours publicitaire ou tendance de fond? Les villes françaises travaillent de plus en plus leur image: "Montpellier la surdouée" il y a trente ans, "OnlyLyon"à la fin des années 2000...
"Gagner en notoriété est un combat de tous les jours, mais nécessaire pour que la ville continue à attirer", estime M. Gollain. Et aussi "pour que ceux qui y habitent en soient fiers".