Des paquets de cigarettes neutres dans un an, c'est la volonté de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, et la mesure phare du projet de loi qui sera examiné dans quelques jours à l'Assemblée Nationale. Ce projet très mal vécu par les buralistes, notamment dans les régions frontalières.
Le reportage de G. Fraize - O. Barthélémy - S. Sturtzer. Interview : Marie-Christine Adam, buraliste
Tabac : feu vert des députés français au paquet neutre mi-2016, les opposants ne désarment pas
Les députés français ont donné mercredi leur feu vert en commission à des mesures anti-tabac, dont le paquet neutre et l'interdiction de fumer en voiture en présence d'enfants, en enrichissant le plan gouvernemental intégré dans le vaste projet de loi Santé. Dans une ambiance parfois houleuse, les parlementaires ont voté une série d'amendements du gouvernement traduisant le plan annoncé par la ministre de la Santé Marisol Touraine en septembre dernier.
En Europe, "la France est le mauvais élève en matière de lutte contre le tabac", qui fait 73.000 morts par an, a rappelé la ministre devant la commission des Affaires sociales. Pour "changer de braquet", les députés ont validé le principe à partir de mai 2016 de paquets de cigarettes neutres, ayant tous la même forme, la même taille, la même couleur et la même typographie, sans aucun logo. Le nom de la marque continuera toutefois d'apparaître en petit sur les paquets.
Ces paquets neutres ont été introduits pour la première fois en Australie fin 2012, où les résultats sont "significatifs" selon Mme Touraine. L'Irlande a voté en février une loi pour l'imposer, suivie ce lundi par le Royaume-Uni. La mesure a suscité dans l'Hexagone une levée de boucliers chez les cigarettiers qui menacent d'actions en justice, et chez les buralistes qui mènent une campagne de sensibilisation, à grand renfort d'affiches proclamant "oui à la prévention, non à la punition".
"En France, ce sont déjà une industrie et des buralistes qui souffrent, avec la fermeture d'un quart des bureaux de tabac depuis 2005", a encore fait valoir lundi un haut responsable du cigarettier britannique Imperial Tobacco, voyant dans le paquet neutre une "mesure gadget et désastreuse".
"Arguments de l'industrie"
Dans ce milieu des industries du tabac, on a tenu à souligner que le vote de mercredi sur cette disposition avait été "extrêmement serré". Les députés UMP ont réclamé de ne pas aller au-delà de la directive européenne "tabac", qui impose des avertissements sanitaires sur 65% de la surface des deux côtés des paquets à compter du 20 mai 2016. Dans leurs rangs, Dominique Tian a dénoncé un "marketing sanitaire" avec le paquet neutre, qui ne résoudra en rien selon lui "l'échec français" dans la lutte contre le tabagisme et fera "porter le chapeau" aux buralistes.
Le rapporteur Olivier Véran (PS) s'est étonné de la "vigueur avec laquelle l'opposition lutte de toutes ses forces contre le plan tabac" du gouvernement, tandis que son collègue Jean-Louis Touraine disait "entendre les arguments de l'industrie du tabac". Comme en écho à ces accusations de pression, la commission a voté un principe de transparence sur les actions de lobbying des industriels du tabac, sur le modèle de ce qui a été créé pour l'industrie pharmaceutique après le scandale du Mediator.
Les autres mesures gouvernementales anti-tabac sont passées plus facilement: vapotage proscrit dans certains lieux publics, publicité pour les produits du tabac prohibée dans les points de vente ou encore interdiction à partir de mai 2016 de la publicité pour les cigarettes électroniques et les flacons de recharge associés. Les policiers municipaux pourront contrôler les infractions à la législation.
L'interdiction de fumer dans les voitures transportant des mineurs de moins de 12 ans afin de limiter l'exposition des enfants au tabagisme passif, une "mesure de bon sens" selon la ministre, a été contestée, mais en vain, par l'UMP qui voit une atteinte aux libertés individuelles. De leur côté, les élus de la majorité ont fait assaut de propositions pour compléter le plan du gouvernement.
Ont été notamment retenus un amendement du rapporteur interdisant le mécénat des industries du tabac dans le domaine de la santé, et un amendement porté par la cancérologue Michèle Delaunay (PS), prévoyant que les débits de tabac ne pourront ouvrir aux abords des établissements scolaires. Reste à voir si certaines de ces mesures ne seront pas supprimées par l'ensemble des députés en séance, dans l'hémicycle, où le projet de loi ainsi amendé sera examiné à partir du 31 mars.