10 ans après Fukushima, les nouvelles normes de sécurité des centrales nucléaires ne sont pas toutes appliquées

Après l'accident nucléaire majeur de Fukushima en mars 2011, les normes de sécurité pour le parc nucléaire français ont été largement modifiées. Les autorités annonçaient à l'époque un chantier de 10 ans, mais aujourd'hui tous les travaux ne sont pas terminés en Auvergne-Rhône-Alpes.

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Il y a dix ans, le 11 mars 2011, l'un des séismes les plus puissants jamais enregistrés, d'une magnitude 09, a entraîné un tsunami dévastateur sur les côtes nord-est du Japon, provoquant ainsi le plus grave accident nucléaire depuis le drame de Tchernobyl en 1986.

Dans notre région, dans l'Ain, l'Ardèche et la Drôme, 12 réacteurs sont toujours en service, sur les 38 que compte le pays.

"Il faudrait attendre 2039"

Plusieurs associations comme l'ONG Greenpeace s'inquiétent de la lenteur de la mise en oeuvre des mesures d'amélioration de la sûreté des centrales nucléaires françaises, décidées après la catastrophe de Fukushima. "Dix ans après la catastrophe, sur 23 mesures structurantes identifiées, seules 12 ont été mises en place sur l'ensemble du parc", conclut l'ONG hostile au nucléaire dans un rapport détaillé consultable en ligne. "Au rythme actuellement prévu, il faudrait attendre 2039 pour que les normes post Fukushima soient enfin respectées sur l'ensemble des réacteurs français", selon Greenpeace.

Après la catastrophe au Japon en 2011, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) reconnaisait pour la première fois qu'un accident semblable était possible en France, et avait demandé à EDF de nouvelles mesures et de nouvelles normes visant à accroître la résistance des centrales.

Où en sont ces nouvelles normes dans notre région? 10 ans après cette catastrophe, nos centrales sont-elles plus sûres?

Les Forces d'Action Rapides du Nucléaire

En France, quatre sites hébergent les FARN, dont une au Bugey (Ain). Mobilisables 24h/24 et 7j/7, ces 300 agents spécialement formés et très équipés (avec hélicoptère, camions, groupes électrogènes, barges, 4x4 etc), composés d'opérateurs de centrales nucléaires et de techniciens, doivent être capables de réparer et refroidir en urgence n'importe quelle centrale nucléaire française en difficulté. L'objectif principal est bien-sûr de pouvoir rétablir le courant électrique, ou réparer les apports en eau froide pour refroidir le coeur d'un réacteur ou la piscine de combustibles.

Ces équipes sont maintenant opérationnelles et s'entraînent très régulièrement notamment en Drôme-Ardèche. Greenpeace souligne toutefois que certaines améliorations ne seront réalisées que dans les années 2030.

Les groupes électrogènes de secours

Selon l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), "En cas de perte totale des moyens de secours électriques existants, le groupe électrogène d'ultime secours à moteur diesel peut rétablir l'alimentation électrique des équipements nécessaires à la sûreté du réacteur et de la piscine d'entreposage du combustible. Il alimente également les pompes des sources d'eau ultime. Aujourd'hui un groupe électrogène d'ultime secours équipe chaque réacteur d'EDF en fonctionnement." Les deux derniers à avoir été installés équipent la centrale du Bugey à Saint-Vulbas (Ain) depuis début 2020.

Mais selon Alain Volle, du réseau Sortir du Nucléaire, "Ces diesels sont installés, mais ils ont connu plusieurs incidents. C'est flippant. Il ont eu des problèmes avec l'ancrage. Sur les 4 réacteurs du Tricastin, il a été démontré qu'ils risquaient de ne pas fonctionner en cas de séisme fort."

La digue du Tricastin : toujours en travaux

Pour Alain Volle, le niveau de l'eau du canal de Donzère se situe à plusieurs mètres au-dessus de la centrale du Tricastin. La digue qui protège le site a déjà été en travaux jusqu'en 2017, pour une première mise aux normes. Aujourd'hui d'autres travaux continuent, cette fois-ci pour la mise aux normes post-Fukushima. "Il s'agit de renforcer la digue avec d'énormes plots en béton ajoutés à l'intérieur, pour que l'installation résiste aux séismes" nous explique Richard Escoffier, directeur adjoint de l'ASN Auvergne-Rhône-Alpes.

Ces travaux doivent être achevés à la fin 2022. Selon l'ASN, pour l'instant le calendrier semble être tenu.

Mais ce chantier ne rassure toujours pas les associations anti-nucléaire. Pour l'association Sortir du Nucléaire, "Tricastin est en zone sismique. Le séisme du Teil était d'une magnitude 5,4 en novembre 2019. La digue a tenu bon, mais on ne sait toujours pas si ce tremblement de terre a eu un impact sur cette installation. Si demain une force 7 nous frappe, avec un épicentre à Pierrelatte, que se passera-t-il? On risque d'avoir 2.000 m3 d'eau par seconde qui se déversent, et les 4 réacteurs noyés. Le problème de cette digue est majeur. Ça faisait 7 ans que l'ASN demandait des travaux à EDF! Pour nous c'est très inquiétant pour la population."

Les bunkers de gestion de crise : toujours en cours

Il s'agit d'installer et de protéger des locaux spécifiques, des bunkers sur-équipés, pour gérer une centrale qui aurait perdu son alimentation en eau ou en électricité. 

Pour l'instant aucune centrale de la région n'en est encore équipée. Ce ne sera sans doute pas avant 2026.

L'arrêt automatique du réacteur en cas de séisme

Pour l'instant, sur les centrales non équipées, il faut qu'une alarme se déclenche en cas de séisme pour qu'un opérateur enclenche manuellement l'arrêt des installations. 

La fonction d'arrêt automatique est en place sur le réacteur numéro 1 de Tricastin, et sur les réacteurs 2 et 4 du Bugey. EDF réalise ces chantiers à l'occasion des quatrièmes visites décennales, et ils vont donc s'échelonner jusqu'en 2024 au Tricastin, jusqu'en 2028 à Cruas. Pour les autres sites, l'échéance a été repoussée à 2035. 

Une nouvelle source d'alimentation en eau

Il s'agit de réaliser des sondages pour pouvoir pomper de l'eau dans les nappes phréatiques souterraines, en cas de perte totale d'alimentation habituelle.

Deux sites sont équipés: le réacteur 2 du Bugey, et le réacteur 1 du Tricastin. EDF compte avoir terminé ce chantier pour les autres réacteurs d'ici 2023. 

Une mise aux normes, achevée en 2035 ?

Richard Escoffier, directeur adjoint de l'ASN, nous assure que ces délais sont raisonnables et surtout explicables: "C'est long, ça prend du temps, parce que l'Autorité de Sûreté a mis la barre assez haut en termes d'exigence de sûreté. On ne parle pas de petit matériel. On parle de gros matériel, de bunkers de crise. Ces choses-là prennent du temps au point de vue industriel. Il faut que ces travaux soient bien faits, avec soin. Et il faut que l'on soit aux niveaux d'exigence attendus. L'ASN a fixé des calendriers et elle s'assure que ces calendriers soient respectés.

Ma vie au bord de la centrale

Selon EDF, "la centrale de Cruas-Meysse figure parmi les premiers employeurs du département de l'Ardèche. Plus de 1.700 personnes, agents EDF et prestataires, œuvrent au cœur des installations chaque jour." Malgré les risques, malgré les catastrophes comme celle de Fukushima, la vie quotidienne continue tranquillement dans les deux villages ardéchois de Cruas et Meysse, situés à côté du site nucléaire de 148 hectares. Dans la commune de Cruas et ses 3.000 habitants, la présence des 4 réacteurs est quasi-banale depuis 38 ans. 

Découvrez en vidéo la vie quotidienne et la tranquilité de certains habitants, au micro de Frédéric Llop et Vincent Diguat:

 



 

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