Les pasteurs de la principale Eglise protestante de France pourront désormais bénir, s'ils le souhaitent, les couples homosexuels mariés civilement, selon une décision adoptée ce dimanche 17 mai, à une large majorité par le synode réunit à Sète, une quasi-première dans l'Hexagone.
Sur la centaine de délégués de l'Eglise protestante unie de France (EPUdF) réunis à Sète (Hérault) et ayant pris part au vote, 94 ont voté pour la possibilité d'une bénédiction et trois contre, a indiqué le porte-parole de cette Eglise, qui incarne le courant historique du protestantisme français. "Ce qui m'a surpris, c'est l'excellente ambiance" lors de la session du vote, marquée par "la confiance et la fraternité", a déclaré à nos confrères de l'AFP le pasteur Laurent Schlumberger, président du conseil national de l'EPUdF. "Ce n'est pas une majorité qui a gagné contre une minorité. La décision intègre toutes les positions".
Dans un communiqué, l'EPUdF précise qu'il s'agit d'"un pas de plus" pour "accompagner les personnes et les couples", après 18 mois de réflexion et de débat.
Deux ans après l'adoption de la loi Taubira ouvrant le mariage civil à deux personnes de même sexe, cette annonce est une quasi-première en France. D'importantes communions protestantes d'Europe (Espagne, Italie...) et d'Amérique du Nord, ont ouvert cette bénédiction aux couples gays et lesbiens. En France, seule la Mission populaire évangélique (MPEF), une Eglise beaucoup plus petite
que l'EPUdF, autorise actuellement ses pasteurs à participer à un "geste liturgique d'accueil et de prière" pour les homosexuels, une pratique qui reste marginale.
Le mariage n'est pas un sacrement pour les protestants, mais les couples hétérosexuels unis en mairie peuvent être bénis au temple.
"Le Synode est soucieux à la fois de permettre que les couples de même sexe se sentent accueillis tels qu'ils sont et de respecter les
points de vue divers qui traversent l'Eglise protestante unie", est-il précisé dans le communiqué de l'EPUdF.
Il est précisé "Une telle bénédiction est bien une possibilité ouverte, elle n'est ni un droit ni une obligation. En particulier, elle ne s'impose à aucune paroisse... les débats qui concernent les couples de même sexe sont souvent passionnés et exclusifs".
Loin de faire consensus
Au sein même de l'Eglise protestante unie, née en 2012 de la fusion des Eglises luthériennes et réformées, le sujet est loin de faire consensus, même si le mariage gay n'y fait pas l'objet du rejet constaté parmi les responsables catholiques et dans les mouvements évangéliques.
En juin 2014, l'Union des Eglises protestantes d'Alsace et de Lorraine (UEPAL), présente sur le territoire alsacien-mosellan, avait sursis à statuer et s'était donné "un délai de trois ans avant d'envisager de reprendre cette question en assemblée".
Avant le synode, le pasteur Gilles Boucomont, vif opposant au projet, s'était inquiété de ce que "pour la première fois en France depuis 1517" (date de la Réforme initiée par Martin Luther), "une décision synodale majeure puisse être prise contre tous les textes bibliques".
Avec une cinquantaine d'autres pasteurs et une centaine de conseillers presbytéraux (locaux), il avait d'ailleurs signé un "appel" invitant les délégués du synode à ne pas statuer "dans la hâte de répondre à la pression de la société et l'évolution de ses moeurs" et disait craindre "de profondes déchirures".
Les délégués de la principale Eglise protestante française étaient réunis depuis jeudi 14 mai autour du thème "Bénir, témoins de l'Evangile dans l'accompagnement des personnes et des couples".
L'EPUdF revendique 110.000 membres actifs parmi 400.000 personnes faisant appel à ses services.
Tout en se défendant d'être en concurrence avec une mouvance évangélique en forte croissance, elle parie désormais sur une démarche missionnaire pour "passer d'une Eglise de membres à une Eglise de témoins".
L'EPUdF accueille un nouveau pasteur chaque mois ce qui, compte tenu des départs à la retraite, lui permet de stabiliser leur nombre. Un tiers d'entre eux, et même 45% des nouveaux pasteurs, sont des femmes.