Un jeune Guinéen arrivé en France alors qu'il était mineur a été formé à la fabrication du pain par un boulanger de Bourg-en-Bresse. Aujourd'hui majeur, Mory Mara doit quitter le territoire français. Son patron se démène pour qu'il puisse rester en France.
Mory Mara est Guinéen. Contraint de quitter son pays dès le plus jeune âge, il est vendu comme esclave en Libye, et arrive en France à 16 ans. Reconnu mineur isolé, il intègre très vite cette boulangerie. Son rêve d’enfant : c’était de faire du pain au pays de la baguette.
Il se souvient très bien de ses débuts dans la boulangerie. "Ca fait maintenant 4 ans. Le premier jour où j’ai commencé mon stage, je ne parlais pas français, je savais même pas c’était quoi le type de farine, je ne savais même pas comment on fabrique le pain. Du coup, pour moi, la boulangerie c’est le meilleur métier".
Un membre de la famille
Mais son emploi et sa présence même en France sont aujourd’hui incertains. Désormais majeur, Mory a reçu une OQTF, une obligation de quitter le territoire français. Une perspective qui le déboussole. "Je me sens pas du tout bien. J’ai envie de continuer mon boulot. J’aime mon boulot. J’ai envie de rester et continuer mon boulot. Mon patron a besoin de moi et moi j’ai besoin de lui" conclut Mory.
Fred Peuillon le boulanger a d’abord formé Mory en apprentissage, avant de l’embaucher en CDI. Il se dit dévasté par la nouvelle, lui qui le considère un peu comme un membre de sa famille. "Ce serait une vraie catastrophe que Mory ne soit plus là… D’un point de vue moral déjà, parce que je pense que ça nous toucherait beaucoup ma femme et moi. Et puis au niveau professionnel, ça va nous désorganiser totalement".
Le patron a 15 jours pour mettre un terme au contrat de son salarié ; il a décidé de faire appel. Car face aux difficultés de recrutement, impossible pour l’entreprise de se passer de Mory. "C’est compliqué de trouver un jeune qui va avoir cette passion, ce sens professionnel" souligne Fred.
Un avenir suspendu à la décision de la justice
Dans son combat, le boulanger de Bourg-en-Bresse a sollicité l’aide de Patrons solidaires. L'an dernier, cette association a réussi à régulariser 20 personnes dans le même cas que le jeune Guinéen. "Aujourd’hui Mory va perdre son travail et sa famille. Il va perdre aussi son logement. Il a rempli toutes les cases que l’Etat lui a demandé de remplir quand il était jeune. Et aujourd’hui on le met à la porte comme un bon à rien, alors qu’il a tout fait… c’est injuste" se désole Patricia Hyvernat, la présidente de Patrons Solidaires.
Son cas n'est pas isolé
L'histoire de ce jeune boulanger rappelle quasiment au détail près celle d'un autre réfugié guinéen, Mamadou Yaya Bah grâce à l'acharnement de son employeuse, elle aussi boulangère.
Elle avait déjà prévenu en avril 2022 au micro de France 3 "il y en a plein d'autres comme Yaya, méritants, qui attendent et il y a plein de patrons en détresse qui sont dans l'incapacité de faire tous les papiers administratifs tellement c'est long".
C'est injuste, il a rempli toutes les cases et maintenant on le traite comme si c'était un bon à rien.
Patricia Hyvernat, présidente de patrons solidaires
L'histoire de Mory Mara lui a donc donné raison. C'est pourquoi Patricia Hyvernat a fondé Patrons solidaires et est venue rencontrer Fred Peuillon. Tous deux attendent de l'administration une simplification des démarches pour que les "petits patrons" à la recherche d'apprentis puissent embaucher de jeunes réfugiés en toute légalité. "On a besoin d'eux" précisent-ils.
L’avenir de Mory Mara est maintenant suspendu à la décision de la Cour d'Appel de Lyon.