La santé ne fait pas partie de leurs prérogatives mais c'est pourtant une préoccupation majeure des élus locaux. Dans l'Ain, la lutte contre la désertification médicale est enclenchée. Plusieurs expérimentations y sont actuellement menées.
Depuis cinq ans, les habitants de Saint-Julien-sur-Reyssouze rêvent d'un médecin. La maison médicale de ce village bressan a même été configurée pour en accueillir deux. Mais les candidats ne se bousculant pas. Une cabine de téléconsultation prend désormais le relais.
Une cabine de téléconsultation
Cette machine a coûté 100 000€ au Département de l'Ain, qui en a installé 4 sur son territoire, bientôt 5. Quant au salaire de la responsable d'accueil, il est pris en charge par l'Agglomération de Bourg-en-Bresse (CA3B). Sa présence a son importance, elle guide les patients. "Détendez-vous, laissez-vous faire, si le médecin vous demande de prendre un instrument, fiez vous aux numéros, explique cette assistante. Le docteur va vous dire : prenez le numéro 8, prenez le numéro 7. Pour plus de confidentialité, je ferme la porte."
La consultation peut commencer. Le patient a face à lui un petit écran où un médecin apparaît.
"Bonjour, Docteur Guillouet, je suis médecin télé-consultant et généraliste à Caen." À 600 kilomètres de là, le généraliste déclenche la prise de température, invite à glisser le bras dans le tensiomètre et examine même un grain de beauté. Formé à cela, il dit pouvoir pratiquer 95% d'une consultation classique. "Quand on a besoin de toucher un ventre ou d'examiner avec nos mains, là c'est plus compliqué, admet le docteur Célestin Guillouet. Effectivement, c'est un élément limitant."
En un mois, 30 patients ont franchi la porte de la cabine de Saint-Julien-sur-Reyssouze. Dans ce secteur de la Bresse, les médecins traitants ne prennent plus aucun nouveau patient.
Une maison médicale de pointe pour pallier l'absence d'hôpital
Dans l'Ain, il y a un peu moins de 7 généralistes pour 10.000 habitants, et le nombre chute à l'approche de la frontière suisse. Le Pays de Gex est un désert médical à plus d'un titre : peu de médecins (5,7 pour 10.000 habitants) et pas d'hôpital. Ce qui inquiète sérieusement la population de cette enclave coincée entre le massif jurassien et la Suisse. Les habitants s'en sont d'ailleurs émus lors du premier confinement.
"Moi, j'ai eu dernièrement une urgence, j'ai dû partir à Annecy, c'est mon mari qui m'a emmenée. C'est un peu plus de 3/4 d'heures de route, heureusement que c'était hors des heures de pointe, là on aurait mis plus d'1h30 !", témoigne Stéphanie Emery, habitante de Saint-Genis-Pouilly.
Des hôpitaux, il y en a pourtant tout autour de cette zone, dans la métropole de Genève. Mais la CPAM tend à ne plus rembourser, même les patients atteints de maladies chroniques et suivis de longue date côté suisse. Elle ne lâche plus aussi facilement le fameux formulaire S2, qui permettait à ces frontaliers de rentrer dans leurs frais.
"Devoir faire beaucoup de kilomètres alors qu'on a l'hôpital à côté, là où j'ai toujours été suivie. J'ai envie de rester là-bas. Ils me connaissent, ils connaissent tous mon diabète. Si vraiment on ne peut plus y aller, et bien après ça sera sur Lyon. Mais il y a de la route à faire. Ça coûtera aussi de l'argent", regrette Laureen Lamy, patiente suivie en Suisse. "Ils ne se rendent pas compte de ce qu'on vit ici. C'est sûr qu'en cas d'urgence, même toute simple, on ne sait pas où aller", ajoute sa mère Florence.
La détresse médicale a poussé l'Agglomération du Pays de Gex (Pays de Gex Agglo) à créer le CESIM. "Ce CEntre de Soins IMmédiats est assez innovant puisqu'il est à cheval entre le cabinet médical et le service d'urgence d'un hôpital", annonce fièrement le docteur Cyrille Boutherre. Une "super" maison médicale en quelque sorte, où le 15 envoie "les urgences relatives". L'équipement est dernier cri. "On a des capacités de radiologie qui nous permettent de débrouiller des situations traumatologiques bénignes. Mais on a également un laboratoire de biologie avec obtention des résultats dans les 15 à 30 minutes après la prise de sang. On peut l'utiliser notamment dans des situations d'urgence et notamment dans les situations d'urgence cardio-respiratoire", assure le docteur Boutherre.
Le centre coûte un million d'euros par an à la collectivité. C'est ainsi que les élus locaux sortent peu à peu de leur compétence pour soigner la pénurie.