Chaque année, le saumon atlantique quitte le Groenland pour venir se reproduire dans l’Allier. Une migration hors du commun dans le monde animal, racontée dans le film de Stéphane Granzotto "Des saumons et des hommes". Une migration millénaire menacée par l’extinction de l’espèce.
C’est dans les eaux froides de l’Atlantique Nord que grandissent et vivent plusieurs années durant ces saumons. Jusqu’au jour où leur instinct va les ramener là où ils sont nés, dans l’Allier. Ils vont alors entamer une des migrations les plus longues du règne animal : près de 12 000 km. Et pour passer de l’eau salée à l’eau douce, ils changeront de métabolisme.
"Cette migration, ce cycle de vie, sont hors du commun. C’est un poisson qui force le respect."
Le réalisateur, Stéphane Granzotto, a passé 5 ans à traquer le saumon atlantique "souche Loire-Allier". Le naturaliste, cinéaste et photographe sous-marin, qui enfant passait plus de temps à soulever les pierres dans les rivières qu’à jouer au foot, s’est pris de passion pour le plus grand des salmonidés : "C’est un poisson mythique. Il était déjà là à la préhistoire. On en a trouvé une représentation sculptée dans la roche d’une grotte en Dordogne. Elle a environ 28 000 ans ! Ce qui me fascine, c’est cette migration immuable et millénaire, ce cycle de vie et cette obstination du saumon hors du commun. C’est un poisson qui force le respect."
Si les saumons atlantiques viennent se reproduire dans l’Allier, c’est parce que l’eau y est pure, la rivière sauvage et surtout parce qu’ils y sont nés. "L’odeur de la rivière est inscrite dans leur code génétique. Ce n’est pas un truc de farfelu, précise le réalisateur. C’est hyper complexe. Beaucoup de chercheurs s’intéressent à ce saumon. Et tant mieux parce que l’espèce est en péril depuis la fin des années 80."
Au début des années 1970, la population des saumons en Atlantique Nord était de plus de 10 millions. Et de fait, quasi aussi nombreuse dans l’Allier. Entre pêche sportive et pêche commerciale, le salmonidé a même fait les beaux jours de Brioude. Aujourd’hui, plus de pêche miraculeuse car plus de saumons : 400 seulement décomptés en 2019 sur l’Allier par le Centre National du Saumon sauvage.
"Aujourd’hui, les hommes aident les saumons. Avant c’était l’inverse"
Surpêche en mer, pêche en estuaire, pollution de l’air et de l’eau, pesticides, plastiques, réchauffement climatique et aménagement des rivières, barrages obstacles à la migration, sont quelques-unes des causes de la diminution du saumon atlantique. "Ce poisson ne tolère pas les modifications de son habitat, explique Stéphane Granzotto. Il cristallise tout ce qu’on fait dans les milieux aquatiques comme les barrages ou les métaux lourds. Il faut désormais l’intervention de l’homme pour perpétuer l’espèce. Avant, c’était les saumons qui faisaient vivre les hommes. Aujourd’hui, c’est l’inverse."
Pour limiter l’extinction, le centre national du saumon sauvage prélève des mâles géniteurs. Sperme et œufs sont récupérés, analysés et mélangés. Les œufs fécondés sont placés en incubateurs avec de l’eau de l’Allier. Devenus alevins, ils seront confiés à la rivière. Les plus débrouillards, nés en incubateur de souche sauvage, repartiront vivre leur adolescence dans les eaux froides de l’Atlantique Nord qu’ils quitteront après quelques années pour venir se reproduire dans l’Allier…