"La danse ne ment jamais", selon Bernard Coclet, organisateur du "Grand bal de l'Europe", à Gennetines, dans l'Allier

La prochaine édition se déroulera du 22 juillet au 5 août 2022. Depuis plus de trente ans, dans une ferme près de Moulins, dans l’Allier, le « Grand bal de l’Europe » réunit, chaque été, plusieurs milliers d’amoureux des danses traditionnelles. Invité de "Vous êtes formidables" sur France 3, Bernard Coclet en est l’organisateur. Cette manifestation accueillera cette année 65 groupes originaires de plusieurs pays européens.

A Gennetines, dans l’Allier, la famille de Bernard est implantée depuis 1700, selon ses propres recherches. « Les informations proviennent des Archives du Conseil départemental de l’Allier », explique-t-il. « Tous mes ancêtres étaient paysans-vignerons. Je suis le premier non-paysan de la famille. »


Il a tout de même vécu ses vingt premières années au rythme des moissons estivales. Il est d’ailleurs très touché en décrivant une photographie, en noir et blanc, où il apparait enfant, entouré de l’ensemble de sa famille, tous installés sur un tracteur, en 1961. « C’est là que j’habite encore, et c’est dans cette ferme que se déroule le Bal », précise-t-il. « C’est très émouvant de revoir cette photo aujourd’hui, et de penser au chemin parcouru. Toute ma vie, j’ai dû comprendre et découvrir des codes… à l’école, d’abord. Puis dans mon métier… »

La danse, c’est plus que du mouvement. C’est une façon d’être généreux, de tendre la main


Une image rare. « A l’époque, on ne photographiait pas la vie quotidienne », confirme Bernard. « C’était très rare, à la campagne, on n’avait pas d’appareil photo. En 60, on n’avait ni la télévision, ni l’eau courante. On avait seulement la radio. » Une époque où il était joueur et passionné de football. Il jouait à Aurillac. « Quand j’étais jeune, les garçons jouaient. Et les filles… les regardaient jouer. Cela m’a permis, déjà, de commencer à faire des rencontres intéressantes. Notamment des entraîneurs formidables qui s’interrogeaient, et qui considérait le foot au-delà de faire des passes… Mais plutôt comme une espèce d’art de vivre »

Cela aurait influencé sa propre vision… de la danse. « La danse, c’est plus que du mouvement. C’est une façon d’être généreux, de tendre la main, un partage. Cette idée que la danse est plus qu’un mouvement. »


La danse, que Bernard a découverte dans les années 70, et qu’il enseigne. « Enseigner, c’est un bien grand mot. Moi, je montre des bourrées. J’ai fait 300 ou 400 stage à Berlin, Londres, Venise… Paris… C’est très étrange. Derrière ce terme de bourrée, il y a plein de choses différentes. Certains pratiquent dans un groupe folklorique. Certains ont découvert ça au cours d’un spectacle… Et cette danse a plein de ressorts. »

Derrière la danse, il y a toute une culture, un passé, un présent et un avenir


Il précise sa pensée : « On peut à la fois y avoir une dimension collective. 200 personnes qui avancent et reculent ensemble, c’est très émouvant et chaud. Mais cela peut aussi avoir un côté individuel. On peut être seul, en couple. C’est une danse agréable, aussi, pour séduire. On se frôle, on avance, on se croise, on se sourit…», décrit notre passionné.


La danse a donc une vraie fonction sociale « Si on prend l’exemple des danses basques ou de Catalogne… danser une Sardane, cela peut être quelque chose de très grisant. Et puis, pour les copains catalans qui la montrent, et qui vont évidemment parler en catalan et non en espagnol, cela prend une autre dimension. Derrière la danse, il y a toute une culture, un passé, un présent et un avenir. C’est une ouverture fantastique !», ajoute Bernard Coclet.

En deux heures, on fait en sorte que les gens aient envie d’aller plus loin, d’approfondir. Et c’est déjà bien


La tradition a-t-elle toujours un sens ? « Bien sûr que oui. Même si tout le monde ne lui donne pas la même définition. La tradition évolue. C’est comme si on parlait de l’évolution de la moisson. On est passé de la faux à la moissonneuse-batteuse. A un moment donné, il y a tout de même des cassures. Pour les traditions aussi…», relativise-t-il.


Au-delà d’avoir réalisé des films sur des paysans, exercé le métier de conseiller en marketing, milité chez Que Choisir, Bernard Coclet a surtout été professeur de technologie au collège. Avec un goût prononcé pour la transmission. « A la fin de ma carrière, tous mes cours débutaient par : « Je vous souhaite le bonjour et la bienvenue. Je suis content de vous retrouver » et se terminaient tous par « Je vous remercie pour votre attention, et à la semaine prochaine ». Je pense que c’est parce que j’ai été sincère que cela a marché. »

il faut un peu de culture pour déceler ce qui est plus subtil


Il mise énormément sur la sincérité. « Quand on prépare une intervention, que ce soit en danse avec 400 personnes à Berlin, ou un cours de technologie à 25, et que l’on a un peu de bouteille… On suit les grandes lignes. Ce que je voulais, c’est que les élèves apprennent à travailler en groupe et à s’écouter. Et ensuite, on a des exercices qui tendent vers cet objectif. Dans nos interventions en danse, c’est pareil. »


Le but est donc simplement de bien accompagner. « En deux heures, on fait en sorte que les gens aient envie d’aller plus loin, d’approfondir. Et c’est déjà bien. » Quitte à aller plus loin ensuite. « Lorsque l’on danse, ce qui est spectaculaire l’est pour tout le monde. Mais il faut un peu de culture pour déceler ce qui est plus subtil. Mes interventions tournent toujours autour de ce type de questionnement. »

On ne peut pas mentir avec la danse


Berlin est un lieu qui émeut Bernard Coclet. « J’ai donné un cours de danse dans cette ville trois ou quatre jours avant que le mur ne tombe. Le samedi à Berlin-Est, et le dimanche à Berlin-Ouest », se souvient-il. « Quand je suis rentré à la maison, j’ai vu –à la télévision- Rostropovitch jouer du violoncelle… et j’ai pleuré. »


Cela reste un moment fort de son parcours. « C’était les débuts. Je créais le Bal de Gennetines avec une équipe naissante. De l’autre côté du mur, on avait fait une bourrée symbolique, avec une Allemande de l’Est, une Allemande de l’Ouest…Ce symbole, je l’ai toujours, au fond de moi », conclue-t-il avec une voix grave.

"Vous êtes formidables" ©france tv


Selon notre spécialiste, on ne peut pas mentir avec la danse. « Lorsque vous venez à un cours de danse, le mouvement… Vous le faites ou vous ne le faites pas. On est dans l’action. Cela nous amène forcément à de la modestie », sourit-il.

Quand on fait des choses ensemble, là, vraiment, on se connait.


La création du Grand bal de l’Europe est le fruit d’un travail d’équipe. « Nous serons 450 pour l’organiser fin juillet. Certains donnent de leur temps de manière formidable depuis plus de trente ans. C’est une organisation discrètement efficace, et qui essaye d’être à l’écoute. C’est notre philosophie générale. Méfions-nous des certitudes, sans oublier que la diversité est une richesse » commente-t-il. « Travailler avec quelqu’un, c’est faire sa connaissance. Quand on fait des choses ensemble, là, vraiment, on se connait. »


La première édition s’est déroulée en 1990. A cette époque, environ 500 personnes, seulement, participaient. « Et déjà, un côté international, avec des gens qui venaient d'Italie, d’Allemagne, Belgique ou Suisse. Dès le début, on avait un programme traduit en quatre langues », se souvient Bernard.


Les choses ont vite pris de l’ampleur. Impossible, en revanche, de quantifier le nombre de danses pratiquées. « Prenez l’exemple de la bourrée. Il existe évidemment plein de type de bourrées différentes, et, au Bal de l’Europe, ce sont plusieurs façons différentes de penser la bourrée qui s’expriment », détaille l’organisateur. « Quelques fois, les journalistes me demandent : c’est quoi les nouveautés ? Et bien, ce sont les artistes. Il y a des créations. C’est permanent. »

Quoi qu’il arrive, je me méfie des certitudes


La transmission de ce savoir spécifique, autour de chaque danse, se fait naturellement, au fil des ans. « Dans les années 70, on a pu filmer des traditions finissantes. C’est notamment le cas de la bourrée à trois temps », mais, plus généralement, les témoignages se transmettent. « Il y a les gens qui ont vu d’autres gens qui ont vu… etc.. et on a différentes écoles, comme ça. On fait des choses très belles, en étant quasiment sûr que cela ne se dansait pas de la même manière à l’origine. »


Une transformation qui, aux yeux de Bernard, n’est pas si importante. « Lorsque vous achetez une voiture, vous ne cherchez pas à connaître tous les détails de l’évolution du modèle dans le temps. La voiture est belle ou pas belle. Pour la danse, c’est un peu ça. Même si, des gens qui s’interrogent, c’est bien aussi. Quoi qu’il arrive, je me méfie des certitudes. »

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Face à Alain Fauritte ©france tv


D’autres moments de joie ou de plénitude attendent sans doute les futurs participants à l’édition 2022 du Grand Bal de l’Europe de Gennetines, (Allier), qui se déroulera du 22 juillet au 5 août. Bernard Coclet en convaincu « Ce bal a la capacité à transformer la banalité de la vie en choses précieuses. Se tendre la main, l’accepter… »

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