Lundi 8 août 2022, les restrictions d'eau vont se renforcer dans l'Allier. Il n'y a toujours aucune pluie annoncée avant plusieurs semaines. Ces contraintes touchent particulièrement les céréaliers alors que le maïs est en train d'arriver à maturité.
Météo France ne prévoit encore aucune goutte de pluie pour les 15 prochains jours. Dans l’Allier, les restrictions d’eau sont renforcées dès ce lundi 8 août. Notamment pour l’agriculture.
Plusieurs bassins versants viennent rallongés la liste de ceux déjà placés en vigilance renforcée : l’Allier, la Loire et le Cher à l’aval de Chambonchard et de l’Andelot.
Dans la prairie, l’herbe est totalement grillée. Les vaches ont à peine aperçu Franck Pitulat, leur éleveur, qu’elles se lancent dans un vrai concert de meuglements. Dix charolaises qui ne le lâchent pas d’un onglon alors qu’il traverse l’herbage ou ce qui l’en reste. Cet agriculteur de Louroux-de-Beaune est venu comme chaque jour leur apporter 3000 litres d’eau depuis que la mare où elles avaient l'habitude de boire est à se. Lui aussi est inquiet par cette sécheresse qui complique la vie du monde agricole. « Chez nous, il fait souvent sec au mois d’août mais au 15 août, il pleut et ça repart. Mis à part 2021 qui a été atypique, en 2018, en 2019, en 2020, on a eu des hivers qui ont fait moins d’eau. Nous sommes partis pour quelque chose d’inédit. C’est compliqué, je ne sais pas ce qu’il faudra faire.»
Les restrictions d’eau vont le toucher au niveau de la ferme. Il pourra toujours abreuver ses animaux mais il lui sera désormais interdit de laver le matériel et les bâtiments. « Mais nous avons une dérogation pour l’élevage de cochons car au niveau sanitaire, nous sommes obligés de laver toutes les trois semaines à l’arrivée des porcelets. »
Critique
Les plus concernés par ces nouvelles restrictions d’eau, ce sont les céréaliers. Rémi Burlot cultive 230 ha dont 130 ha de maïs à Varennes-sur-Allier. Un maïs qui a besoin d’eau et qu’il a l’habitude d’irriguer en puisant dans les nappes phréatiques et dans la rivière Allier. Mais avec ces nouvelles restrictions, il lui sera désormais interdit d’arroser entre 8h et 20h. « Depuis une semaine, nous avions déjà des restrictions », explique le cultivateur. « Nous ne pouvions plus arroser entre 10 et 18h, ce qui nous fait perdre 30 % de nos possibilités d’arrosage. C’était tenable. Mais avec les nouveaux horaires, nous perdons 50 % de nos capacités d’arrosage et là ça devient critique. » Pour faire le tour de ses parcelles avec les arroseurs, il lui faut 5 à 6 jours. Désormais, 10 jours seront nécessaires pour faire le tour complet. « Le maïs va stresser. Je pense perdre 10 à 15 quintaux par hectare sur les rendements. »
Un agriculteur plutôt agacé par ces interdictions. « Nous avons une grave sècheresse mais en surface. Les nappes phréatiques, en revanche, sont à des niveaux plus élevées que la normale grâce aux fortes pluies de la fin juin. »
Heureusement, cette année, les maïs sont en avance d’au moins 15 jours, cela va limiter les pertes. « D’habitude, nous avons besoin d’arroser jusqu’au 30 août mais comme le maïs arrive à maturité, nous allons pouvoir cesser l’irrigation dès le 20 août. » La plante pourra ensuite se passer d’eau jusqu’à la récolte à l’automne.
Retenues d'eau
« L’enseignement de tout ça, c’est que lorsque les cours d’eau sont réalimentées, on peut faire des choses. » Christophe Jardoux est le président de la FNSEA de l’Allier, le principal syndicat agricole. « Sur des axes comme le Cher, où l’on n’a pas de barrage, les restrictions tombent très vite. »
La rivière Allier, par exemple, a résisté plus longtemps à la sécheresse car elle est alimentée en eau par le barrage de Naussac en Lozère.
Faire des retenues d’eau pour stocker l’eau l’hiver au moment des crues. C’est le leitmotiv du monde agricole depuis que les interdictions et les contraintes pour irriguer se renforcent. « Il est grand temps de comprendre que faire un barrage et des ouvrages majeurs sur les axes des cours d’eau, c’est important pour se faire des réserves d’eau. Cela ne servira pas que pour l’agriculture, cela servira aussi pour la population et l’économie en général. »
Des stockages que refusent les écologistes car cela remet en cause l’état naturel des rivières et la libre circulation des eaux et des poissons.
Pour Rém Burlot, le maïsiculteur de Varennes-sur-Allier, le sujet va devenir politique : « Désormais nous allons monter au créneau car là, il n’y a plus d’autre solution. Il faut qu’on se mette tous autour d’une table, notamment avec les écologistes. Si on ne fait rien dès aujourd’hui, il faudra choisir entre l’eau pour la baignade et les loisirs et l’eau pour se nourrir. Un jour, on ne pourra plus faire les deux. »
Avec le réchauffement climatique, pour les agriculteurs et notamment ceux de la FNSEA, le stockage de l’eau sera l’enjeu des décennies à venir.