Julien et Nancy Cecillon élèvent leur vin depuis quelques années dans la région de Crozes Hermitage. Ils ont changé de vie pour se lancer en viticulture dans la vallée du Rhône.
Lorsque l'on suit Julien Cecillon un jour de vendanges sur les coteaux de Crozes Hermitage difficile d'imaginer que 10 ans plus tôt, il travaillait dans les assurances à Paris.
En ce début octobre, il faut agir vite, il faut couper avant les grosses pluies annoncées pour le dimanche 3 octobre. Il lance les consignes à chaque coupeur et pratique lui-même des prélèvements. Quelques rangs plus loin, Nancy, son épouse, sécateur à la main, s'active elle aussi. Installés depuis moins de 10 ans dans la vallée du Rhône, ils fournissent des grandes tables de restaurants comme celui, triplement étoilée, d'Anne-Sophie Pic à Valence.
Une reconversion réussie
Même si sa famille fut producteur de vin pendant 10 générations, lui avait choisi d'entrer en école de commerce avant d'entamer une carrière dans les assurances. Loin de chez lui, la nostalgie le gagne. Au bout de 4 ans, il abandonne le costume cravate et revient à la terre. "Il a fallu partir pour comprendre ce que je cherchais". De retour à Tournon sur Rhône, il rencontre Yves Cuilleron, viticulteur en Côte rôtie qui lui donne le goût de la vigne et enchaîne alors plusieurs expériences en cave et en vigne en France et à l'étranger. . Julien passe un BP REA, un diplôme qui permet de préparer son installation. Les vignes familiales ont été vendues. Il faut quasiment repartir de zéro. "Au départ, on n'était pas forcément parti pour créer un domaine. C'était presque un jeu. Pour le premier millésime, nous avons produit 2500 bouteilles ce qui était presque accessoire. Puis on a doublé chaque année et on a fini par créer le domaine".
Avec son épouse, Nancy, oenologue, rencontrée lors d'un stage en Californie aux Etats-Unis, il s'installe sur la terre de ses ancêtres, à Crozes Hermitage. En 2011, ils récupèrent une parcelle granitique de famille à Saint-Jean de Musols de 3000 mètres carrés où ils expérimentent. Au fil du temps, le couple augmente la surface de ses vignes en louant au début puis en achetant des parcelles. Julien avoue avoir une petite préférence pour une parcelle plein est, au lieu-dit Pierre Aiguille, contigu de la colline de l'Hermitage. Il en a fait l'acquisition en 2020 après l'avoir loué pendant plusieurs années. Il a également acquis le côteaux situé juste au-dessus et ne manque pas de projets. "C'est un terroir d'exception qui fait des vins qui nous donnent envie de continuer malgré la difficulté de la topographie".
Nancy, elle, est originaire de Houston au Texas. Cette "aventurieuse" a quitté sa famille pour venir s'installer en Ardèche. "Je ne viens pas d'une famille de vignerons, ni d'un état de vin. Ça va me prendre encore un peu de temps pour accepter l'idée que je suis vigneronne". Pour faire ce petit bout de chemin dans sa tête, elle a créé, en 2018, sa propre cuvée, L'étrangère, imaginent même l'étiquette en patchwork qu'elle a elle-même réalisée. Une mosaïque qui représente toutes ses expériences avec un peu de vide autour pour laisser la place au futur.
L'instinct et l'audace
Julien et Nancy croient en l'instinct et la fantaisie. "Au départ, face à la première vinification, on s'est senti perdu et bizarrement les choses se sont faites intuitivement. Avec Nancy, on s'écoute beaucoup. Avec très peu de culture vin, même si on avait lu, même si on avait travaillé chez les autres, finalement c'est face à la cuve qu'on a pris nos décisions. On a fait des erreurs mais souvent c'est par empirisme qu'on a pu évoluer. C'est peut être avec cette intuition naturelle, sans avoir ce côté scientifique, qu'on a pu faire des vins qui nous plaisent et nous ressemblent" explique Julien. Pour eux, la petite taille du domaine leur donne la liberté de pouvoir "jouer avec le terroir et l'émotion du moment".
Cette année, les deux vignerons ont le sourire, le millésime s'annonce prometteur malgré la fraicheur de l'été.