"Il est possible de voir là où ça va s'écrouler" : comment la ville du Teil est devenue experte en risque sismique

Quatre ans après avoir été meurtrie par un tremblement de terre, la commune du Teil en Ardèche poursuit sa métamorphose. Tous les chantiers de reconstruction ne sont pas terminés. L'urbanisme a été repensé. Et le directeur des services de la ville est devenu un expert dans la gestion du risque sismique.

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Le 11 novembre 2019, quand le séisme se produit, Emmanuel Buis vient tout juste d'être recruté comme directeur général des services de la ville du Teil. Il a la lourde charge de gérer la crise à tous les niveaux en lien avec les services techniques de l'État.

On était tout le temps dans l'adaptation et l'État était comme nous. Tous les jours, on espérait voir venir un expert en gestion de crise sismique, mais jamais personne n'est arrivé.

Emmanuel Buis, directeur général des services de la ville du Teil

Il a fallu faire face avec détermination. Un tremblement de terre ne s'anticipe pas et les conséquences durent longtemps. Plusieurs familles ont dû être relogées pendant plus de six mois. Deux écoles ont fonctionné avec des élèves dans des modulaires durant plus d'un an. Encore aujourd'hui, les travaux continuent.

Et pourtant, quatre années se sont écoulées. Tous les services de la ville ont travaillé sur le dossier de la reconstruction. Et depuis peu, le Teil renait doucement de ses cendres.

Un document type

Un dossier a été formalisé avec l'Association Française du Génie Parasismique, l'AFGP, comme un retour d'expérience du risque sismique dans les petites villes françaises. Le voici.

On y trouve pas moins de 62 recommandations à appliquer en cas de séisme. Parmi elles, la mise en place d'un guichet unique, le rôle des Ressources Humaines pour gérer les temps de repos des employés ou encore les bonnes pratiques en matière d'expertise et diagnostic, de dons, sans oublier les relations avec les associations humanitaires, la préfecture et les élus des communes concernées.

Fort de cette expérience et de ce travail de synthèse, Emmanuel Buis est devenu l'expert français en matière de risque sismique. Régulièrement, il intervient en visioconférence avec la préfecture de Charente-maritime et les élus des communes concernées par le séisme du 16 juin dernier.

Pour témoigner et partager son expérience, Emmanuel Buis se déplace également dans des communes qui en font la demande comme Tarbes, Grenoble, Strasbourg ou encore Aix-en-Provence.

Avant nous, cela faisait 50 ans qu'il n'y avait pas eu de séisme destructeur en France. Le séisme de Charente-Maritime est, à quelque chose près, le même que celui du Teil. Les villes commencent à se poser la question du risque sismique et à s'y intéresser.

Emmanuel Buis, directeur général des services de la ville du Teil

Le risque sismique est souvent relégué au dernier plan dans les documents communaux de prévention et de gestion des crises. Pourtant, il est bien réel sur le sol français. Les Alpes et les Pyrénées sont classées en risque fort, et les 2/3 de la France, (excepté la Gironde et l'Île-de-France) sont classées en risque modéré comme c'était le cas pour la ville du Teil.

Améliorer sa résilience en matière sismique

Au cours de ses interventions, Emmanuel Buis recommande aux élus de modéliser les impacts que ferait un séisme sur leur ville. En fonction de la nature des sols et de la construction des bâtiments, "il est tout à fait possible de voir là où ça va s'écrouler."

Un véritable électro-choc. Dès lors, en connaissance de cause, une ville peut prévoir des travaux pour augmenter sa capacité à faire face à un séisme. "Grenoble par exemple a entrepris de faire un audit de toutes ses écoles" raconte Emmanuel Buis.

Aujourd'hui, peu de villes ont cette réflexion en France. On n'a pas cette culture du risque sismique : les tremblements de terre, ça se passe chez les autres, en Turquie, au Maroc... Pourtant, il y a un vrai enjeu de prévention pour diminuer la casse.

Emmanuel Buis, directeur général des services de la ville du Teil

Une ville nouvelle

De nombreuses maisons ont dû être détruites, trop abîmées, laissant ainsi des trous béants au Teil. Face à ce chantier gigantesque en matière d'urbanisme, le maire Olivier Pévérelli (PS) a engagé une concertation avec les habitants pour recueillir leurs souhaits afin de repenser, quartier par quartier, la ville dans son ensemble.

Un programme partenarial a été signé avec l'État et la ville a obtenu 15 millions d'euros de subventions par l'intermédiaire de l'ANAH (Agence Nationale de l'Amélioration de l'Habitat) pour restaurer ou reconstruire ses bâtiments publics et moderniser l'espace public.

  • 1,5 million pour restaurer deux écoles 
  • 2,5 millions pour l'Hôtel de ville
  • 2 millions pour l'église de Mélas
  • 2,5 millions pour reconstruire l'église du centre-ville

On a inversé l'ordre des choses, en donnant la priorité aux vélos et piétons puis ensuite aux voitures. On a créé des respirations dans les quartiers en créant des places arborées. Le centre-ville va être métamorphosé complètement avec un parc et des jeux d'enfants.

Olivier Pévérelli

Maire (PS) du Teil

Le contournement du Teil, dont le chantier est toujours en cours pour une ouverture à la circulation en 2025, a initié la réflexion en matière d'urbanisme. Mais le séisme du Teil, lui, a été "un coup de booster" pour entamer les démarches et commencer les travaux. Mais tout ne se fait pas en même temps. 

Dans le quartier du Frayol, une place arborée ainsi qu'un parking de 12 places vont bientôt être construits. Début des travaux en 2024. Dans le quartier de Mélas, même travaux, mais ils débuteront plus tard.

Pour éviter les tremblements et ne pas fragiliser le bâti existant, la commune n'est plus traversée par les poids lourds depuis le 11 novembre 2019. Depuis quatre ans, la ville est devenue plus respirable. Considérée comme une ville de passage marquée par la pollution et les embouteillages, Le Teil a vocation à devenir une ville de destination, selon le maire. "On n'a pas ménagé nos efforts, les résultats sont là. Il faut maintenant poursuivre les travaux et faire revenir les activités, les services dans la ville", confie Olivier Pévérelli.

Avant le tremblement de terre, le Teil comptait 9000 habitants. La ville en aurait perdu environ 2000 après le séisme. Un recensement prévu l'année prochaine devrait confirmer ou pas si des habitants sont revenus.

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