L’ardéchois Eric Martin vient de remporter le titre de meilleure huile d’olive du monde 2022, remis par le guide Flos Olei. Une fierté pour cet oléiculteur mais surtout le résultat d’un travail d’assemblage, d’une recherche minutieuse menée depuis plusieurs années.
Des oliviers à pertes de vue, un sol de pierres blanches avec quelques parcelles argileuses.
A Orgnac l'Aven, la Magnanerie est le lieu d’une longue tradition agricole. Eric Martin est la 5 e génération à travailler la terre. Pourtant, il ne se destinait pas forcément à l’oléiculture.
Ce n’est qu’en 2008, qu’il a repris l’exploitation de son père, quand ce dernier a annoncé son départ à la retraite. Eric, avait fait des études de management-marketing et travaillé plusieurs années dans la fonction publique et en entreprises.
« Ce sont mes racines qui ont parlé. Je me suis dit, il est hors de question que ça s’arrête. »
Une formation et des expériences qui lui ont servi. « Tout de suite, quand je me suis installé, j’ai pensé de suite au plan marketing, à l’e-commerce, au portefeuille clients etc. donc ce que je faisais pour les autres je me suis mis à le faire pour moi. Ca ne fait pas la qualité des produits mais cela donne un socle costaud » explique-t-il avec un accent du midi.
Le pari de la monoculture
Comme beaucoup de lieux en Ardèche, la propriété était axée sur la polyculture, des cerisiers, des vignes…
Eric Martin choisit de faire de la monoculture.
Les 27 hectares seront désormais consacrés aux oliviers. Plus de 9 000 arbres s’épanouissent sur ce bout d’Ardèche tourné vers le Mont Lozère. « On est sur un plateau calcaire, c’est une zone qui regorge de fossiles. C’est très important le sol » dit-il de manière appuyée. « La typicité de nos huiles et de l’huile qui a remporté le titre, c’est la fraîcheur. Cette fraicheur, elle vient à la fois des sols, des mélanges de variétés françaises et étrangères. »
10 variétés sont présentes sur le domaine, cinq françaises (comme Aglandau, Bouteillan, Callian…) et cinq étrangères (Frantoio ou Moraiolo…). Pour lui, la distinction des origines n’a aucun intérêt, ce qui compte c’est ce qu’il en résulte au final.
« La Toscane en terme de territoire, de terroir correspond à notre géographie. Il y a des secteurs vallonnés, un peu sauvage, avec un peu de neige en hiver. Toutes les variétés que l’on a, sont celles qui nous intéressaient pour faire des assemblages mais surtout qu’il y avait un lien fort avec le terroir. La variété doit exprimer son terroir quelque soit l’origine. J’ai choisi des variétés qui étaient très adaptables à nos sols. »
Une huile "verte avec des arômes floraux"
Pour l’oléiculteur, la fraîcheur de l’huile primée vient aussi du process de fabrication. « On fait partie des seuls au niveau européen et mondial à refroidir les pâtes plutôt qu’à les réchauffer. On cherche vraiment des huiles chargées en polyphénols, très fraîches, aromatiques."
Avec cette huile dit-il, il ne vise pas le rendement mais plutôt de la qualité. « C’est notre signature, c’est ce qu’on aime dans les huiles, qu’elles soient vertes avec du caractère. C’est une variété particulière qui donne des arômes d’avocat et de rose donc des arômes floraux, cela donne quelque chose de très surprenant en bouche. »
Le plaisir ne vient pas de la provenance de l’arbre mais de ce qu’il y a dans le verre.
Eric Martin
"J’aime beaucoup la comparaison avec le vin, il y a plus de points communs que de différences. Dans le vin, il y a aussi des comparaisons de cépages, de terroirs, de cuves, de filtration, on est très proche des vignerons dans l’esprit."
Et comme les grands vins, son huile se retrouve sur les grandes tables, comme celles de Richard Rocle à l'Auberge de Montfleury à Aubenas, ou celle du chef polonais Arkadiusz Zuchmanski à Clermont-Ferrand.
Et comme les grands vins, les bouteilles de la micro cuvée "Cosmos" (500 bouteilles) ont un prix plus élevé, 60€ la bouteille. Le cœur de gamme compte en général 2 500 à 3 000 bouteilles pour 28 € 50 l'unité.
Eric Martin n'a pas voulu coller de macarons ou d’étiquette spéciale sur les bouteilles de la micro cuvée. "Toutes nos cuvées, on les aime, quelque soit les millésimes, de la moins connue à la plus connue. On ne vend pas des étiquettes" souligne-t-il en souriant.
"Je viens de voir les résultats… Tu devrais aller regarder sur Internet ... presto !"
Cette victoire a une saveur à part pour Eric. Ce ne sont pas les organisateurs qui l’ont appelé pour lui annoncer, mais un de ses meilleurs amis, producteur en Toscane.
"Le guide qui organise ce concours est italien donc dès qu'il l'a appris, mon ami m'a appelé : "Je viens de voir les résultats… Tu devrais aller regarder sur Internet...Presto!"
Eric se décrit volontiers plus fourmi que cigale. Rien n'est acquit. Il finalise les envoies pour la prochaine édition. "Il y a 1000 échantillons, je ne suis pas le seul, 55 pays des deux hémisphères participent. Ça appelle beaucoup de modestie."