L'azuré des mouillères ou l'incroyable histoire d'un papillon qui se faisait passer pour une fourmi

Son nom ne vous dira pas forcément grand-chose, et pourtant, l'azuré des mouillères est un papillon qui gagne à être connu. Rare, menacé, mais présent en Auvergne, sa vie a tout d'un bon roman d'espionnage, grâce à ses qualités d'agent double.

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Il était une fois l'azuré des mouillères, un papillon pas tout à fait comme les autres. Son originalité ne vient pas de son physique, non. L'azuré des mouillères est plutôt un petit papillon, d'un beau bleu soutenu sur le dessus des ailes pour les mâles, comme tous les autres azurés, dont on trouve une quarantaine d'espèces en France. La femelle, elle, se parera plutôt de marron, moins séduisante à première vue, mais ce n'est pas à elle d'assurer la conquête d'un partenaire... Tous deux auront néanmoins un point commun, le dessous de leurs ailes, brun clair avec des points noirs. 


Mais ce n'est pas ça, nous l'avons dit, qui le rend si original. Son petit truc en plus, c'est que pour devenir adulte, il est capable de se faire passer pour une fourmi, et d'être élevé par elles, pendant des mois. Pour bien comprendre, il faut revenir au commencement de sa vie, lorsqu'il n'est qu'un œuf, délicatement pondu sur une gentiane. Pourquoi la gentiane ? Car la petite chenille qui naitra ne se nourrit que de gentianes, dont il mange l'intérieur de la fleur. En conséquence, ce papillon ne se trouvera que dans des milieux où ces fleurs poussent : dans des zones humides, sur la gentiane des marais, dans des prairies sèches sur la gentiane croisette et enfin dans des prairies d'altitude, sur la grande gentiane, même si cela reste marginal et ne concerne que le Cantal et la Haute-Loire en Auvergne.
 

Génie ou parasite, c'est selon ...

Revenons-en à notre papillon. Comme la plupart des Lycènes, la famille dont il fait partie, l'azuré des mouillères est myrmécophile, c'est-à-dire qu'il dépend des fourmis pour son développement. Au moment de la reproduction, la femelle pond ses œufs sur une espèce précise de gentiane. Au bout d'une dizaine de jours, l'oeuf devient chenille, et cette chenille consomme l'intérieur de la fleur de la gentiane sur laquelle elle est née. Environ 10 jours plus tard, tout à coup, elle se laisse tomber au sol et là, elle attend. Mais elle ne reste pas totalement inactive : elle émet des phéromones (substance chimique comparable aux hormones, émise par la plupart des animaux et certains végétaux, et qui agit comme un message entre les individus d'une même espèce)de larves de fourmis. Des fourmis du genre Myrnica, qui regroupe quelques espèces différentes, de petites fourmis rousses vivant en colonies sous des pierres ou dans la terre.
 

A ce stade, c'est un coup de poker, un pari sur sa vie, car il faut qu'il y ait une fourmilière dans les environs, ces petites bêtes se déplaçant rarement à plus de 2 ou 3 mètres de chez elles. Mais si, par chance, une fourmi passe par là, elle captera la phéromone et pensera alors qu'une larve du couvin est dehors. Sa mission sera simple : la rapatrier dans la fourmilière et la ranger avec les autres larves. Ensuite, notre petite chenille n'a plus qu'à se laisser faire : durant tout l'hiver, elle sera logée et nourrie par ces généreuses hôtes. Si elle est mal nourrie, elle se permettra même d'aller manger quelques petites fourmis au passage. Une incroyable tactique filmée par nos collègues de la BBC, qui ont réussi à suivre son développement et parfois ses malheurs à l'intérieur de la fourmilière.
 

Pendant des mois, la chenille grandit, et continue à émettre cette phéromone. Malgré son aspect, elle est donc toujours considérée comme faisant partie de la famille. Elle peut d'ailleurs passer jusqu'à 2 ans dans la fourmilière, si le climat est mauvais ou si elle ne grandit pas assez. Puis vient le temps de la transformation. Comme tout papillon, notre chenille se transforme en chrysalide au sein de la fourmilière, en restant protégée grâce à cette phéromone. Jusqu'à ce que notre azuré des mouillères soit prêt à sortir. Et là, la situation devient très délicate pour lui. En effet, au stade de papillon, l'émission de phéromone s'arrête. Celui qui a été logé, nourri, blanchi, considéré comme un membre de la famille à part entière pendant des mois, se transforme en ennemi. En conséquence, mieux vaut pour lui s'exfiltrer très rapidement de la fourmilière, avant de se faire attaquer. Une fuite qui à lieu à partir de mi-juin sur les pelouses, et jusqu'à la mi-août dans les zones humides.

La vie d'adulte de l'azuré des mouillères est relativement courte, entre 5 jours et un mois. Comme tous les papillons, il reste là ou il est né, voletant seulement dans un secteur d'environ 300m. Parfois, quelques individus feront quelques kilomètres, même si ce comportement reste très rare, pour permettre une dispersion de l'espèce. La seule nécessité pour lui est de trouver des gentianes, qui lui permettront à son tour de pondre ses œufs, et le cycle pourra recommencer.

Un papillon protégé

L'espèce a longtemps été considérée comme rare. Elle reste peu commune en France, mais est toutefois très bien représentée en Auvergne, où on la trouve dans le Puy-de-Dôme, le Cantal et la Haute-Loire, ce qui donne à la région une grande responsabilité pour sa préservation. Car l'azuré des mouillères reste une espèce menacée qui est intégrée à un plan d'action. L'objectif est simple : mieux les connaître, pour mieux les protéger. En Auvergne, le Conservatoire d'Espaces Naturels cherche donc de nouveaux sites sur lesquels ces papillons vivent et se reproduisent. L'an dernier, une action a été menée sur les 3 départements à la recherche de l'azuré de la croisette, qui a pris le nom de la gentiane spécifique sur laquelle il se reproduit. Et les résultats ont été concluants, avec la découverte de nouvelles populations. Ne reste plus qu'à les protéger, en protégeant leur milieu, les prairies qui les abritent, mais aussi les zones humides, afin que la fabuleuse histoire de ce papillon qui se faisait passer pour une fourmi ne s'arrête pas là.
 
 


 
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