Mercredi 2 février, on célèbre la Chandeleur. Et si vous dégustiez des bourriols, ce mets typique du Cantal ? Une restauratrice de Clermont-Ferrand vous livre deux recettes inratables.
Quand on aborde le patrimoine culinaire auvergnat, difficile de passer à côté de la truffade et du pâté aux pommes de terre. Mais connaissez-vous le bourriol ? Il s’agit d’une crêpe de blé noir qui trouve ses origines dans le Cantal.
La Chandeleur
Daniel Brugès est un auteur et illustrateur cantalien. Il a notamment écrit les "Recettes de montagnes" avec Christiane Valat, aux éditions De Borée. Il explique : « Concernant l’origine du bourriol, je n’ai jamais trouvé de document précis mais il semblerait qu’il soit lié à la religion catholique et à la fête de la Chandeleur. Avec les jours qui rallongent, le bourriol, rappelant la lumière divine, était ainsi mis à l’honneur. Un pape du Ve siècle avait ainsi fait de la crêpe le plat de la Chandeleur, fêtée le 2 février, soit 40 jours après Noël ». Le bourriol, fabriqué à partir de très peu d’ingrédients, était surtout préparé dans les fermes. Certains paysans le consommaient même à la place du pain : c’est ce que l’on appelle « le bourriol de jour sans pain ».
Une origine dans le Cantal
Ce mets est très répandu dans le Cantal. Mais pour le secteur de Saint-Flour et de la Margeride, il est plus connu sous le nom de pachade, qui ailleurs désigne un autre plat. Le bourriol est davantage localisé dans le nord du Cantal, sur Aurillac, la Châtaigneraie cantalienne mais aussi en Aveyron. Daniel Brugès indique : « Il tire son nom de quelques villages qui utilisaient une poêle sans bord pour le faire cuire et que l’on plaçait dans l’âtre de la cheminée ». A l’origine, le bourriol était consommé sans garniture. Les personnes âgées le mangeaient avec une simple noisette de beurre. Aujourd’hui, Chandeleur oblige, c’est la garniture sucrée qui domine et le bourriol peut ainsi être accompagné d’une confiture.
Un plat cuisiné à Clermont-Ferrand
A Clermont-Ferrand, depuis décembre 2021, une restauratrice a voulu mettre au goût du jour le bourriol. Elle en propose en version salée ou sucrée dans son établissement. Estelle Hebrard, créatrice de Bien roulé, détaille la recette de la pâte : « Pour faire une vingtaine de bourriols, on prépare 750 g de farine de sarrasin, 250 g de farine de blé pour assouplir, 10 g de sel, 30 g de levure fraîche, 1 litre d’eau et 1 litre de lait. C’est une recette super simple. Ce n’est pas grave s’il y a des grumeaux parce qu’il y a un temps de pose de 12 à 24 heures, et la pâte va travailler et ça va faire un effet de fouet naturel. Une fois que vous avez laissé poser votre pâte et que la levure a bien travaillé, il n’y a plus du tout de grumeaux, avec un petit coup de fouet. On laisse reposer la pâte à température ambiante si la pièce est assez chaude. Il faut au moins une pièce à 22 voire 23 degrés pour laisser reposer la pâte ».
Un bourriol salé
Elle propose à la carte de son restaurant un bourriol qui s’appelle « celui qui est en premier », avec du Bleu de Laqueuille La Mémé, des noix, des endives et des pickles de granny. Estelle Hebrard explique : « Le bourriol se cuit à l’unilatéral, c’est-à-dire que d’un côté. Une fois que les cratères sont bien formés et que la pâte est à mi-cuisson, on rajoute le fromage, un mélange de Bleu de Laqueuille et de tome fraîche de Cantal. La cuisson dure environ 6 minutes. On voit que c’est bien cuit quand les cratères sont bien formés. Une fois qu’ils sont secs, il faut attendre encore 2 à 3 minutes pour finir de sécher l’intérieur du bourriol et ne pas avoir ce côté pâteux en bouche. On rajoute une salade d’endives, assaisonnée d’une petite vinaigrette à la moutarde de Charroux. On ajoute un concassé de noix du Périgord, des pickles de pommes granny maison et quelques pousses de persil. Le but est de contrebalancer le côté gras du fromage bleu avec l’acidité de l’endive et du pickle de granny. Ca se marie super bien ». La restauratrice insiste : « Chez nous, on roule les bourriols pour proposer quelque chose de facile à manger sur le pouce, en faisant les magasins, en travaillant ».
Une version sucrée
Elle propose aussi des bourriols sucrés, comme celui à la confiture de myrtilles : « Pour le bourriol à la confiture de myrtilles de Corrèze, on laisse cuire le bourriol jusqu’au bout, sans rien. Une fois qu’il est sorti de la crêpière ou de la poêle, on vient mettre la confiture dessus. Le bourriol sucré est vraiment meilleur chaud. Avec le sarrasin, il y a un côté salin qui ressort. Pour la confiture, comme il n’y a pas de sucre dans la pâte, il ne faut pas hésiter à être généreux. On peut décliner le bourriol avec une pâte à tartiner au caramel, avec du miel d’Auvergne ».
"Il faut défendre ce patrimoine gastronomique"
La restauratrice indique comment, après une longue réflexion, elle a trouvé son concept : « L’idée était de rendre la cuisine auvergnate aux jeunes et aux moins jeunes, pour qu’elle soit contemporaine et appréciée avec notre style de vie qui a changé, comme le déjeuner sur le pouce. On voulait ne pas oublier cette cuisine, la réactualiser ». Elle ajoute : « Il faut défendre ce patrimoine gastronomique car quand on voyage, qu’on aille à Clermont-Ferrand, à Paris, à Londres ou à Tokyo, on va toujours retrouver les mêmes recettes. Quelque part, ça fait un peu peur car tout une partie de notre patrimoine est en train de mourir ».
Estelle Hebrard est satisfaite que les jeunes apprécient ces produits traditionnels : « Les jeunes sont parfois surpris. On a de très bons retours. Il y avait une véritable attente d’avoir une proposition différente sur des produits locaux cuisinés de saison, accessibles en termes de tarif et qui change du hamburger et du kebab. Le bourriol est une base qui a du goût, contrairement à une galette de blé dans un tacos. Il y a un goût toasté de sarrasin, de lait, de levure ».
Avec la Chandeleur ce mercredi 2 février, c'est l'occasion idéale de déguster des bourriols, ce plat originaire du Cantal.