"Des papiers pour Ronaldo" : dans un EHPAD d'Aurillac, la mobilisation pour empêcher l'expulsion d'un assistant de vie

A Aurillac, un comité de soutien s’est lancé pour empêcher l’expulsion de Ronaldo, sans-papiers. Arrivé du Congo en 2014, à l’âge de 15 ans, il est aujourd’hui assistant de vie dans un EHPAD. Il fait l’unanimité auprès de ses collègues et des résidents qui se mobilisent.

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A Aurillac, dans le Cantal, tout un EHPAD se mobilise pour empêcher l’expulsion de Ronaldo Mbumba. Aujourd’hui âgé de 22 ans, il est arrivé seul en France depuis la République démocratique du Congo en 2014, alors qu’il n’avait que 15 ans. Il est actuellement assistant de vie de l’EHPAD La Louvière. Il est sous le coup d’une expulsion avec un vol pour le Congo prévu le lundi 15 mars. Pour le jeune sans-papiers, il s'agit d'une véritable "injustice". Il n’entend pas partir et veut se battre pour rester en France : « C’est inacceptable de partir, vu la formation que j’ai eue, mes études. A Aurillac, on est en pénurie de soignants. Je ne comprends pas la décision d’expulser quelqu’un qui essaie de travailler au milieu des personnes âgées. Je me suis investi pendant le confinement, parce que j’aime faire ça. Je suis prêt à répondre à ce qu’on me reproche mais je ne comprends pas l’expulsion. C’est une injustice. Je ne baisserai pas les bras et je vais me battre. Je veux juste qu’on me donne la chance de réussir ma vie ici. Je ne me vois pas la faire au Congo ».

C’est un excellent salarié

Gwendal Le Berre, directeur de la maison de retraite, explique : « Il est arrivé en France en 2014, à l’âge de 15 ans, et il fuyait la République démocratique du Congo. Il était en orphelinat là-bas et il courait le risque de finir en centre de redressement.  Il a fait des études secondaires en France, qui se sont très bien passées ». Il ajoute : « Il suit une formation d’accompagnant éducatif et social qui ouvre tout droit les portes de l’emploi pour des métiers de soignant dont on manque cruellement en maison de retraite. Il est à quelques mois de la fin de sa formation. Il a commencé à travailler avec nous en 2019 comme assistant de vie. Il est avec l’équipe soignante. Il fait l’unanimité auprès tout le monde : ses collègues, les résidents, les familles. C’est quelqu’un d’éminemment professionnel et qui a vraiment une grande humanité. C’est un excellent salarié. Il est très apprécié des résidents et ils sont très affectés par sa situation et sa possible expulsion. Ils veulent à leur niveau se mobiliser pour lui. Ils écrivent des petits textes pour lui ». Ronaldo, s’était fait remarquer par une vidéo pendant le premier confinement de 2020. Il y apparaissait en chantant et en jouant de la guitare. Mais il n’a pas eu la prolongation attendue de son titre de séjour.

On n’a jamais rencontré un gamin comme lui 

Sylvie Moroldo, éducatrice qui le suit depuis 2014, raconte son parcours : « Il est arrivé à Clermont-Ferrand en 2014 à l’âge de 15 ans. Il a été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Puy-de-Dôme. Suite à ses vœux de scolarité, il a été orienté sur Aurillac. Il a suivi une scolarité au lycée dans la section d’aide à la personne. Il a obtenu son baccalauréat avec mention, en ayant laissé un souvenir et une empreinte dans son lycée exceptionnels. On a une trentaine de lettres de ses professeurs qui l’ont suivi et qui ont toujours été plus que stupéfaits par ce gamin. En stage, il a aussi laissé des souvenirs merveilleux. Aujourd’hui, il est employé à la maison de retraite de La Louvière. Son employeur se bat pour lui car il n’a pas envie de le voir partir. On n’a jamais rencontré un gamin comme lui ».

Il est intégré

Jean-Louis Ols, éducateur, suit également le jeune sans-papiers depuis 2014. Il ne comprend pas cette impasse administrative : « Depuis qu’on le suit, cette situation devait être réglée depuis longtemps. Le problème est qu’il est arrivé une première fois en 2012 avec des papiers angolais. La préfecture lui reproche d’avoir eu des faux-papiers mais dans le même temps on l’expulse sur Kinshasa, au Congo. Je ne comprends pas. De plus, la préfecture ne met pas en cause sa date de naissance.  On ne sait pas ce qu’on lui reproche. Il est intégré. Il a pris du temps pour les autres. On a une population de jeunes comme lui qui arrivent sur le territoire. On les fait travailler, on les forme. Mais après on ne leur donne pas d’autorisation de travailler. Que vont devenir ces gamins, à part la délinquance et être récupérés par des réseaux ? ».  

La réponse de la préfecture

Dans un communiqué publié le mardi 9 mars, la préfecture du Cantal indique : "A l’occasion du renouvellement du titre de séjour de Monsieur Mbumba, il lui a été demandé, conformément à l'article R311-2-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), comme pour tous les dossiers de ce type examinés en préfecture, de présenter "les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité". Dans le cadre de l'examen de cette demande de renouvellement, il est apparu que les documents justifiant de son état civil, qui n’avaient pas été produits l’année précédente et n'avaient donc pas pu être analysés, étaient des « documents illégaux volés vierges pour une utilisation frauduleuse » . Entendu par les agents de la Police aux frontières, Monsieur Mbumba a admis avoir obtenu son passeport sur la base de ces faux documents. Ces faits ont conduit le préfet à prendre à son encontre, le 1er juillet 2020, une obligation de quitter le territoire français. Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 31 décembre 2020. La mesure étant désormais exécutoire, Monsieur Mbumba exerce donc, sans y être autorisé, une activité professionnelle, et se maintient illégalement sur le territoire. M. Mbumba a donc été reçu en préfecture le 4 mars et s'est vu remettre une invitation à embarquer à destination de Kinshasa le 15 mars". Ronaldo conteste quant à lui avoir reconnu qu'il avait obtenu son passeport sur la base de faux documents.

Un comité de soutien

Le directeur de la maison de retraite précise : « Je ne me mêle pas de la politique migratoire de la France. Je sais seulement que Ronaldo est une personne parfaitement intégrée. Depuis son arrivée en France il a eu un parcours très sérieux, très volontaire. Cette situation est assez consternante, on n’imagine pas que ça puisse arriver à un de ses collègues ». Depuis cette obligation de quitter le territoire, un comité de soutien s’est formé. Une page Facebook dans laquelle les résidents témoignent de leur attachement au jeune homme a été créée.

Mme Martinaud a écrit : "Résidente à La Louvière depuis plus de 3 ans, j'apprends avec beaucoup de tristesse que nous serons obligés de nous séparer de Ronaldo. Ce n'est pas possible ! Ronaldo est une personne que j'apprécie énormément. Il a en lui toutes les qualités nécessaires et indispensables au métier de soignant qu'il exerce auprès de nous. Il est en effet, avec une grande attention, toujours attentif envers la personne dont il s'occupe en l'assistant avec bonne humeur, gentillesse et surtout en faisant son travail toujours très consciencieusement. C'est impensable qu'il puisse nous quitter, il doit rester à Aurillac ! S'il vous plait, laissez-le nous ; ce que je dis est l'exacte vérité quant à la valeur de Ronaldo"

 

Je ne baisserai pas les bras et je vais me battre

Depuis le samedi 6 mars, une pétition en ligne a même été lancée. Le 12 mars, elle recueille près de 36 000 signatures. Une mobilisation à laquelle Ronaldo ne s’attendait pas. Il indique : « Je suis surpris par cette mobilisation de mon directeur et de mes collègues. Je me demande ce que j’ai fait pour mériter tout ça. Je reçois plein de coups fil, comme de mes anciens profs de lycée. Ca me touche énormément. A l’EHPAD, il y a des résidents au bord des larmes. Samedi, une d’entre elles a failli me faire pleurer. Je suis très ému ». Désormais, Ronaldo attend un geste de clémence de la part de la préfecture du Cantal. L’exemple d’un jeune sans-papiers guinéen, apprenti boulanger régularisé à Besançon, lui donne espoir. 

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