Changement brutal de températures : une menace pour l’équilibre des abeilles en Auvergne ?

Après avoir lancé leur production de miel printanier à la suite de fortes chaleurs au mois de mars, les abeilles en Auvergne subissent une baisse drastique des températures. Un bouleversement climatique qui interroge les apiculteurs auvergnats.

Comme d’autres apiculteurs depuis le retour du froid, Julien Vignancourt, 38 ans, propriétaire d’une soixantaine de ruches sur la commune de Saint-Hilaire en Haute-Loire, est inquiet pour ses abeilles : « Nous sommes passé de 27 à -3 degrés en quelques jours à peine. Ce n’est pas le gel qui m’inquiète mais ce grand écart des températures. Les abeilles bouleversent leurs habitudes. » Contrairement aux agriculteurs et arboriculteurs qui ont vu leur plantations dégradées par le gel, il précise que l’impact sur la production de miel ne se ressentira que sur le long terme, mais il observe d’ores et déjà les conséquences sur ses abeilles : « Avec les chaleurs qu’on a eu dès le mois de mars et l’éclosion précoce des fleurs printanières, les abeilles ont pu commencer leur production de miel très tôt et les reines ont repris leur rythme de ponte normal qui s’était ralenti pendant l’hiver. Avec le retour du froid, comme les humains, elles ont dû brutalement se reconfiner dans leur ruche pour protéger le couvain (NDLR : nid de larves) 

Un retour du froid inattendu pour les abeilles

Une réaction indispensable à la survie de la colonie pour affronter les températures négatives, explique Thomas Jacques, apiculteur dans la vallée de la Dore (Livradois-forez) et technicien sanitaire apicole au sein du GDSA (Groupement de Défense Sanitaire Apicole) d’Auvergne, qui a aussitôt dû intervenir sur ses ruches. Il explique : « Pour que la reine des abeilles puisse vivre pendant 4 ou 5 ans, les abeilles doivent constamment maintenir la ruche à 36 degrés. Pendant la période hivernale elles ne sortent plus de la ruche et puisent sur leurs réserves de manière à rester constamment agglutinées et conserver cette température. Le retour du froid précipité les oblige à retrouver cet équilibre, mais cela arrive à un moment ou la gestion du couvain est plus délicate. » Julien Vignancourt acquiesce, il sait que la stabilité est d’autant plus difficile à maintenir au sein de la ruche après la naissance de nouvelles larves au mois de mars puisqu’il faut aussi les nourrir : « Pendant les fortes chaleurs du mois dernier, des centaines d’œufs ont été pondus dans mes ruches par les différentes reines et, avec le retour du froid, il faut désormais que les abeilles veillent à leur survie sans jamais mettre en péril l’équilibre de la reine. Mais les abeilles ne sont parfois pas assez nombreuses pour tout gérer. » Il ajoute que si ce fragile équilibre est menacé, cela pourrait entraîner la perte des larves, voire pire, de la ruche entière. Pour le moment il n’a constaté aucune perte. Même constat pour Françoise Sordillon, apicultrice au sein de l’association Apisambert, et propriétaire d’une trentaine de ruches à Bertignat, près d’Ambert (Puy-de-Dôme) qui  craignait de tomber sur « des nids de larves mortes, rejetées par la ruche. » Après la vérification de ses ruches, elle s’exclame soulagée : « Mes abeilles sont en pleine forme pour le moment ! Mais il faut reconnaitre que je suis favorisée, mes ruches sont en altitude et sont protégées par un rocher donc les changements de température n’ont pas été aussi violents que pour les abeilles qui vivent dans les plaines et ont connu de très grosses variations de température ! » Pour aider ses abeilles à « chauffer leur habitat », elle n’a pas encore ôté les isolants de ses ruches. Pas de pertes, mais un changement de température qui retarde inévitablement la production de miel, reconnaît Sylvain Lemoine, apiculteur et arboriculteur dans la commune de Saint-Germain- l’Herm, près d’Ambert (Puy-de-Dôme).  Mais Sylvain Lemoine n’est pas inquiet, il réalise généralement sa plus grosse récolte de miel en août et a pu ouvrir ses ruches jeudi dernier grâce à une légère hausse des températures. Il espère simplement que la vague de froid sera de courte durée : « Il est encore beaucoup trop tôt pour s’alarmer, mais si le froid venait à durer les abeilles ne pourront pas vivre sur leur réserve de nourriture éternellement. Il faudra leur venir en aide pour les nourrir !» 

Un gel préoccupant pour les fleurs ?

« Une nourriture constituée de nectar et de pollen que les abeilles trouvent habituellement à cette époque dans les fleurs de pissenlits, de cerisiers ou encore de pommiers » précise Sylvain Lemoine. Des plantes et des arbres ont, ces derniers jours, subi des gelées, mais pas de quoi s’alarmer selon Jérome Chevarin, qui préside le GDSA (Groupement de Défense Sanitaire Apicole) d’Auvergne. Il précise : « Le gel fait partie des aléas du mois d’avril, et si c’est catastrophique pour les arboriculteurs, nos abeilles auront toujours moyen de se nourrir. Ça ne serait dramatique que si toutes les fleurs étaient détruites par le gel mais c’est impossible !» Il ajoute que, malgré le grand froid, de nombreuses fleurs n’ont pas été impactées à l’instar des pissenlits très nombreux en Auvergne et qui « se ferment la nuit » pour se protéger du gel. Même s’il ajoute qu’il faudra davantage observer le gel des fleurs d’acacia qui déterminent une grande partie de la production de miel printanier. Comme le confirme Godefroy Maistre, apiculteur en plaine, dans la commune de Saint-Maurice (Puy-De-Dôme), qui a déjà connu des pertes les années précédentes : « Pour le moment les bourgeons d’acacia ne sont même pas encore sortis, mais il n’est pas impossible que le gel de cette semaine ait pu retarder leur maturation. Nous allons suivre de près l’évolution des températures… » explique-t-il.

S’adapter 

Contrairement aux agriculteurs et arboriculteurs qui bénéficieront du plan gouvernemental « régime calamité agricole », les apiculteurs auront peu de chances de bénéficier de subventions en cas de fort gel ou de grand froid prolongé. Alors pour Jérome Chevarin, qui surveille avec intérêt l’évolution de ses ruches dans les Combrailles à Saint-Rémy de Blot (Puy-de-Dôme), il faut s’adapter à ces dérèglements climatiques « qui sont de plus en plus fréquents », ajoute-t-il avec amertume, en compensant par exemple avec du sirop ou du sucre la nourriture que les abeilles ne peuvent aller chercher et éviter que leurs réserves de miel ne s’épuisent. Thomas Jacques a déjà commencé à le faire dans ses ruches du Livradois-Forez, en nourrissant ses abeilles avec du miel qu’elles ont produit l’an dernier : « Elles ont besoin de beaucoup de nectar pour maintenir la colonie et produire le surplus de miel qu’on récupère. Dire que ce miel, nous le ramassions à cette période l’an dernier dans les ruches. » se souvient-il, non sans pointe de regret. Pour Jérome Chevarin, si le grand froid perdure, il faudra peut-être aussi penser à déplacer les ruches. Il détaille : « Si nous constatons qu’il devient difficile cette année de produire du miel de pissenlit, ou du miel d’acacia, il faudra alors produire un autre miel. En privilégiant par exemple du miel de montagne avec d’autres fleurs. C’est la transhumance. »  Si ses récoltes dépendent principalement des aléas climatiques, Jérome Chevarin est plus vigilant pour la survie des abeilles, qu’inquiet pour sa production. Selon lui, même si les apiculteurs observent cette année une baisse de leur production de miel printanier, ils ne connaitront jamais les pertes économiques que pourraient connaitre les arboriculteurs. Pour lui, le véritable défi dans les années qui viennent sera de faire face aux variations climatiques, et plus encore que le gel et le froid, à une sécheresse de plus en plus précoce et dévastatrice.  « Avec la baisse des pluies combinée aux fortes chaleurs précoces, les arbres et champs manquent d’eau et ne pourront pas produire les fleurs que butinent les abeilles. Quelle que soit la température, nous devons veiller à la survie de nos ruches ! » conclut-il.

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