Une pièce réalisée par Pierre Hache, maître ébéniste grenoblois du 18e siècle, est exposée au public pour quelques jours au Couvent Sainte-Cécile, siège des éditions et de la fondation Glénat. La fondation lance un appel aux dons pour la conserver.
Ah! si elle pouvait parler... mais elle reste silencieuse et se laisse admirer comme elle le mérite. Cette sublime commode est un chef d'oeuvre, très éloignée des pièces maîtresses parisiennes, même si elle rivalise de technique et de style.
"A Paris vous ne voyez jamais ce type de décor avec des couleurs", explique Françoise Rouge, expert en mobilier et objets d'art du XVIIIe siècle. "Dans les oeuvres parisiennes, surtout royales, il y a toujours une surcharge de bronze, des écailles de tortue qui viennent de loin et coûtent très cher"... Elle ajoute: "Thomas et Pierre Hache utilisent des essences locales, du bois indigène, qu'ils teintent. Ce type de meuble est exceptionnel, techniquement et stylistiquement".
Ceux qui ont rendu à la belle sa splendeur ne tarissent pas moins d'éloges à son sujet. "Là vous avez un décor ouvert sur l'extérieur, dans lequel vous pouvez entrer, comme dans un porche, ou un jardin", c'est ainsi que la décrit le restaurateur de la fondation Glénat, Patrick Asta-Richard. Il a travaillé sur "la commode aux armoiries" pendant 250 heures. C'est dire qu'il a eu le loisir de l'admirer.
L'oeuvre du chef est en fait de retour à Grenoble. Le maître ébéniste l'a réalisée à quelques pas du couvent, dans l'atelier familial. Elle vient d'être retrouvée par la fondation Glénat, chez un petit antiquaire parisien.
Mais la fondation n'a pas encore fait son acquisition. Elle n'a pu débourser que la moitié de son prix, soit 250.000 euros. La dévoiler, l'exposer au couvent Sainte Cécile a aussi pour but de lancer un appel aux dons pour que la pièce revienne dans la patrimoine grenoblois. "Nous faisons appel à la générosité publique, l'important c'est que tous les Grenoblois se sentent investis dans ce projet. Même les sommes modiques nous font plaisir, nous réchauffent le coeur" explique le président Jacques Glénat.
Les donateurs ont jusqu'au 30 juin pour se manifester.
La famille Hache, une dynastie d'ébénistes
L'arbre généalogique de cette célèbre famille d'ébénistes prend racine avec Noël Hache, fils de boulanger qui s'initie à la technique du placage dans l'atelier d'un maître de Calais. La génération qui suit, c'est celle de Thomas Hache. Compagnon à Chambéry, il apprend le décor à l'italienne dans la maison de Savoie. En se mariant avec la fille d'un maître grenoblois, il parvient à reprendre son atelier. Thomas devient à son tour un grand maître reconnu par le duc d'Orléans, il réalise un grand nombre de pièces royales.
L'apogée de la dynastie Hache, la famille l'atteint avec le grand-père (Thomas), le fils (Pierre) et le petit-fils (Jean-François), qui travaillent ensemble dans le même atelier dans les années 1740. C'est Jean-François qui sera le "Hache" le plus renommé.
La commode exposée en ce moment a été réalisée par Pierre Hache vers 1730 pour Louis d’Aymon, Seigneur de Franquières-le-Mollard, et conseiller au Parlement de Grenoble, alors qu’elle avait reçu une autorisation de quitter le territoire français.