"Nous, les camping-caristes, on se sent abonnés". Ils sont des centaines bloqués, ce lundi 23 mars 2020, à la frontière du Maroc et de l'Espagne. Parmi eux, Aziz et Sylvie, un couple de retraités, qui ne souhaitent qu'une chose : rentrer à la maison, en Isère, pour se mettre à l'abri du Coronavirus.
Aziz et Sylvie forment un couple de retraités courtois. Et courtois (c'est comme cela que l'on appelle les habitants de Cour-et-Buis en Isère), ils entendent le rester malgré leur situation. Partis en camping-car au Maroc début janvier, alors que la pandémie du Coronavirus n'en était qu'au stade d'un murmure venu de Chine, ils ne pensaient certainement pas finir leur séjour, bloqués aux frontières en tentant de rentrer chez eux.
Ce lundi 23 mars 2020, Aziz me dit être en 65e position... dans une interminable file de camping-caristes, qui comme lui, tentent d'embarquer sur un éventuel ferry faisant la liaison entre Ceuta, enclave espagnole au Maroc située à 40 km à l'est de Tanger, et le continent.
Restez chez vous qu'ils disent, nous on voudrait juste rentrer chez nous
Aziz et Sylvie ont quitté leur camping d'Agadir lorsque les mesures de confinement ont commencé à être évoquées au Maroc. Ils ont pris le volant de leur camping-car, comme des dizaines et dizaines d'autres, qui pensaient pouvoir rentrer dans leur pays. "Beaucoup ont été mis dehors des campings qui fermaient leurs portes", explique Aziz. "Le souci, c'est que pour rentrer en France, il faut d'abord prendre le bateau depuis Ceuta. D'habitude, il y a deux compagnies qui assurent quotidiennement une rotation toutes les 2-3 heures, mais là, c'est un, deux bateaux maximum par jour, et qui n'embarquent qu'une soixantaine de camping-cars".
Un autre problème sanitaire ?
Avec le confinement, la règle c'est "pas de rassemblement". Hors la file de camping-cars bloqués s'étale ce lundi sur au moins un kilomètre à la frontière maroco-espagnole. "Nous vivons dans un camping-car, et si rien n'est fait, dans deux jours il va y avoir un gros problème sanitaire", prévient Aziz. "Parce qu'il faut faire des pleins d'eau, les vidanges des toilettes... On est bloqué à côté de la mer, mais on ne veut pas tout y balancer !"A la question de savoir s'il pourrait envisager de laisser son camping-car pour tenter de rentrer par avion, Aizi me rétorque : "Et je vais le laisser où mon camping-car ? Prendre un avion, c'est quasi impossible aujourd'hui. Ils parlent de nous parquer dans un endroit qui n'est pas une structure adaptée, où il n'y a rien, et on courrait le risque d'attraper la maladie finalement en y étant rassemblés par centaine".
Je veux juste rouler, rouler. Faire le plein et rouler encore jusqu'à chez moi
Aziz et Sylvie voyagent en couple. Imaginez ceux qui sont avec des enfants, ou qui ont besoin de médicaments parce qu'ils ont des soucis de santé. Les camping-caristes vont régulièrement discuter avec la police et l'armée marocaine qui tient la frontière. "Ils nous disent qu'avec les autorités espagnoles, c'est le jeu du chat et de la souris. Aucune information quand à l'arrivée et au départ d'un bateau dans la journée. Notre moral est encore bon, on a de quoi manger pour une semaine. Mais beaucoup se sentent abandonnés. Moi, je veux juste passer. Et après, rouler, rouler. Faire le plein, rouler et rouler jusqu'à rentrer chez nous en Isère" me confie Aziz avant de raccrocher.
Trouver un avion depuis l'autre bout du monde
Originaire d'Ardèche, Anouchka, 23 ans, est bloquée au Pérou où, face à l'épidémie du Coronavirus Covid-19, l'état d'urgence a été décrété depuis une semaine. "Nous sommes dans l'incertitude totale même si l'ambassade de France a annoncé la mise en place de vols commerciaux pour rapatrier les ressortissants français. Car le gouvernement péruvien a déclaré dans le même temps que ces vols ne seraient pas autorisés à partir" explique la jeune fille.
Anouchka décrit "une situation très anxiogène. Il y a beaucoup de stress généré par des infos qui changent d'heure en heure. Et on ressent une forme de méfiance des Péruviens envers les touristes et les Européens".
Un premier contingent a été appelé par l'ambassade dimanche 22 mars 2020 et un vol de rapatriement programmé dans la nuit. Anouckka, elle-aussi, espère pouvoir rentrer bientôt chez elle. En Ardèche.