Implanté dans la Drôme, François Morel est un amoureux de la nature. Depuis quarante ans, il y crée des appeaux pour dialoguer avec les oiseaux. Passionné par l'Islande, il vient d'honorer une commande la chanteuse Bjork, qui sort une version collector de son album, livrée avec 14 appeaux différents. Rencontre sur le plateau de "Vous êtes formidables" sur France 3
« Ce sont les oiseaux qui ont commencé, et moi, j’ai juste suivi ! » Bien qu’il reste modeste, ses petits objets permettent d’imiter à la perfection le chant des oiseaux. Naturaliste et ornithologue, François Morel voue une passion pour la confection de ses appeaux. Il a installé son entreprise « Qu’elle est belle compagnie » il y a plus de quarante ans dans le Diois, au nord de la Drôme. C’est de là qu’il expédie dans le monde entier ses petits chefs d’œuvre. « Le catalogue en comprend une soixantaine. »
on peut penser que je suis un peu illuminé, mais bon…
Cet intérêt ne date pas d’hier. Dès l’âge de 6 ans, il a commencé à se fasciner pour les oiseaux. « J’en suis complètement fou, ça c’est clair. Quand j’étais tout petit, ce que je voulais, c’était parler aux animaux. Moi, je crois que ça marche. Grâce à mes outils de parole, j’arrive à me rapprocher un peu des oiseaux, les écouter, leur répondre, et avoir, de temps en temps, des échanges…», assure-t-il.
Il existerait donc un langage des oiseaux. « Je suis sûr de ce que je leur dis. Mais pas complètement certain qu’ils me comprennent, c’est vrai » précise François avec un œil malicieux. « Quand ils me répondent, parfois, je me dis qu’ils m’ont vraiment compris. Pour moi, il se passe quelque chose. Après… on peut penser que je suis un peu illuminé, mais bon… ce n’est pas grave…»
Avant de mieux maitriser son art, François a débuté par reproduire, avec ses premiers appeaux, des petits cris. « Avec ces petits sons, vous pouvez déjà intéresser un petit rouge-gorge ou un petit roitelet.. » Enfant, il a grandi dans les basses Alpes, que l’on nomme aujourd’hui Alpes de Haute-Provence. « Nous habitions à 13 kilomètres de la première boulangerie, en pleine nature. Il y avait encore des chasses dites traditionnelles, donc insupportables. Et notamment les leques. On installe une pierre, soutenue par une baguette. On pose du genièvre pour attirer la givre, qui se fait écraser en mangeant. Moi j’ouvrais les leques. Et parfois l’oiseau repartait » se remémore-t-il. « C’est là que j’avais récupéré, au contact de chasseurs, un petit appeau servant pour le rappel des grives. »
Plutôt que de servir à tuer, François a souhaité que les appeaux deviennent un outil permettant d’observer les oiseaux. Il en a même fait un livre, intitulé « parler aux oiseaux ». Pour réaliser ces instruments, il mêle deux qualités. « C’est une histoire de bricolage et une histoire d’amour », explique-t-il. « En ce moment, je travaille sur le Torcol, dont le chant très spécifique est assez infernal. Cette année, il est venu très peu. Mais je vais finir par y arriver. Encore deux ou trois printemps, et je vais arriver à faire un petit accordéon pour l’imiter », assure-t-il.
Un assemblage de diverses essences
Les matériaux utilisés ont leur importance. « Le buis me permet de créer des formes très fines, avec des tout petits trous bien ronds. C’est une matière très dense qui ne produit pas d’échardes. On peut dire qu’il est complaisant à la manipulation », commente notre expert. Mais il utilise aussi du hêtre. Il crée des assemblages en mêlant les essences. « Le bois continue de travailler, de bouger. Donc il m’arrive d’ajouter une partie en tilleul, un bois plus souple, que je compresse. Cela permet d’éviter les fuites d’air. »
Plus étonnant, François Morel affirme que, à l’instar des hommes, les oiseaux ont des accents différents. « Absolument. Le rouge-gorge anglais et le rouge-gorge français, par exemple, ont franchement un accent différent. » Il l’explique sa logique par l’environnement de chaque espèce. « Un oiseau qui évolue dans un environnement où il en existe peu va avoir un chant calme et limité en terme de variations. Tout simplement parce qu’il n’entend pas grand-chose d’autre autour de lui. Alors que le rouge-gorge anglais, par exemple, beaucoup plus nombreux, se motive et développe des chants vraisemblablement plus variés. »
Les choses évoluent, et pas toujours dans le mauvais sens
Autre conviction de ce passionné : François est convaincu que les oiseaux se transmettent leur art. « Il y a surement un apprentissage entre les parents et leurs petits. Et l’oiseau qui entend d’autres chants dans son environnement est ensuite capable de mieux s’exprimer. »
François Morel est très attaché à la Drôme où il réside. Implanté à Beaumont-en-Diois, à quelques kilomètres de la montagne de Lure. « Quand j’étais enfant, je vivais même au pied de cette montagne ». Aujourd’hui, elle lui tient toujours très à cœur. « C’est une montagne qui évolue vers le mieux. Avant, il y avait une station de ski. Et on l’a enlevée. Les choses évoluent, et pas toujours dans le mauvais sens », se réjouit-il.
Il collabore avec Bjork
Il est également séduit par les paysages d’Islande. « Je trouve que c’est un pays neuf. En création, en quelques sortes. Quand vous allez là-bas, vous marchez sur des volcans. Il y a très peu de monde et on y croise de très beaux oiseaux. Et ce pays m’a rattrapé !» évoque-t-il en faisant allusion à la chanteuse islandaise Bjork. Cette dernière est récemment tombée amoureuse de son travail. Elle va prochainement publier une version luxueuse de son dernier album « Utopia » accompagné de 14 appeaux, fabriqués par la société de François Morel.
« Je suis très heureux que Bjork ait trouvé dans nos appeaux des relations avec tous ses morceaux », explique le passionné. « Je travaille avec ma fille Jeanne, qui est fan de Bjork depuis toujours. » Un bonheur qui s’accompagne d’un vrai dilemme pour son équipe, composée de passionnés de la protection de la nature.. « Bjork vend beaucoup de disques. Elle a donc voulu beaucoup d’appeaux pour accompagner ce collector et ça n’a pas été simple de les fournir dans les temps. Mais on a réussi ! »
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