La quatrième édition du festival "Femmes en montagne" se déroule jusqu'au dimanche 5 novembre à Annecy, 34 films sont projetés. Un événement qui vise à donner plus de visibilité et à encourager la mixité, dans les sports et les disciplines de montagne.
Elles sont championnes de ski-alpinisme, recordwoman de trail, chasseuses d'avalanches, gardes forestières, grimpeuses ou alpinistes. Elles parlent de leur handicap, de leurs performances, de leur vie d'athlète, autant que de leurs blessures ou de la conciliation de leur activité avec leur maternité. Toutes partagent une passion indéfectible de la montagne : du Kosovo, au Népal, en passant par les Etats-Unis, le Maroc ou les Alpes.
Leurs histoires sont méconnues mais méritent davantage de mise en lumière. C'est, en tout cas, ce que croit Tanya Naville. La Haut-Savoyarde est à l'origine du festival Femmes en montagne, qui se déroule jusqu'au dimanche 5 novembre à Annecy. Pendant quatre jours, plus d'une trentaine de films sont projetés.
L'idée est simple : il faut faire la preuve par l'exemple, permettre l'identification à des modèles, montrer les voies autant que faire entendre la voix des femmes. Ici, point de pères, mais des paires qui assurent la transmission de l'amour de la montagne.
L'alpinisme au féminin
Tout est parti d'un constat, en 2015. Tanya Naville coordonne, alors, le Groupe Féminin de Haute Montagne de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM) et le Groupe d'Alpinisme Féminin de Haute-Savoie. Ces groupes 100 % féminins visent à amener les participantes vers davantage d'autonomie en montagne.
"Moi, je n'avais jamais été confrontée à la problématique du genre dans mon parcours, raconte celle qui a longtemps évolué, notamment, en ski-alpinisme. Je n'avais jamais été bloquée par le fait d'être une femme dans le milieu sportif. Mais en m'occupant de ces groupes, je me suis rendue compte qu'il y avait beaucoup de filles qui candidataient à ces groupes non-mixtes parce qu'elles avaient des problèmes à pratiquer en mixité, soit par des biais internes qu'elles avaient et qui les empêchaient de pratiquer correctement de prendre le lead en cordée, soit par des biais externes. Je me suis alors rendue compte de ce besoin qu'il y avait d'agir pour plus de mixité en montagne".
Des barrières psychologiques et sociales
Ces freins sont inconscients mais très ancrés dans la société et amènent les femmes à se mettre davantage de barrières. D'autant qu'un autre obstacle se profile sur la voie, inhérent à l'activité même des courses en altitude.
"Dans les sports de montagne, on a la notion du risque, avec la possibilité de mourir en alpinisme si on fait une mauvaise manip'. Je pense que cela rajoute un biais supplémentaire, dû à la société, car le risque pour les femmes est moins bien toléré que le risque pour les hommes".
"Le fait d'être leader de cordée, c'est plutôt masculin et ce sont des biais liés aussi à la médiatisation. À l'époque, les sports de montagne étaient très très médiatisés au masculin, du coup je pense que c'était assez dur pour les femmes de se projeter", estime-t-elle.
"On n'est pas que des collants"
Du reste, elle cherche à faire parler des réalisations de ces femmes, alpinistes amateurs, qui composent ces groupes. Mais dans les médias spécialisés, personne ne semble intéressé. "Il fallait qu'il y ait de la performance : une nouvelle voie dans les grandes Jorasses par exemple pour qu'on en parle. Et moi je disais, non, il est important de se rendre compte qu'il y a beaucoup de femmes qui veulent se former. On est sur des groupes à 8 places et on a 120 candidatures. C'était ça qui était important, ce qui était en train de se jouer", poursuit Tanya Naville.
Partant du principe qu'on n'est jamais aussi bien servie que par soi-même, Tanya Naville lance d'abord un blog avec Léo Wattebled, baptisé "On n'est pas que des collants", référence aux "collant-pipettes". Dans le jargon montagnard, le terme désigne péjorativement les pratiquants focalisés sur la compétition. Ici, il permet aussi de faire référence aux femmes. Le blog se veut ouvert à toutes les pratiques. Il donne la parole aux femmes et gagne en audience.
Tanya et Léo réalisent ensuite trois films sur des femmes inspirantes dans le cadre de leur "Women Skimo Project". Ils commencent une tournée dans les deux Savoie et en Isère pour les projeter et rentrer dans leurs frais. Surprise : les salles sont remplies et la demande semble au rendez-vous. Germe alors l'idée du festival "Femmes en montagne", qui finit par voir le jour en 2019.
Moins de 3 % des guides sont des femmes
Ils partent alors "à la pêche" aux films consacrés aux femmes. Ceux-ci sont rares. "On a créé la catégorie 'court-métrage amateur' pour encourager les femmes à se saisir de la caméra. Ce sont des films de moins de 15 minutes qui permettent d'avoir un traitement différent. Car, sinon, il n'y aurait eu que de grosses productions validées par les marques avec l'argent des marques" faisant le portrait d'athlètes professionnelles, explique Tanya Naville.
Depuis 2015, il semble que les mentalités aient sensiblement évolué. Pourtant, en alpinisme, "même si on a de plus en plus de femmes qui pratiquent en amateur, on a un gros émiettement lorsque l'on monte vers le haut-niveau", regrette-t-elle.
Du reste, les femmes guides de haute montagne ne représentent que 2 à 3 % des effectifs. "En alpinisme, moi je ne suis pas sûre de voir une vraie mixité de mon vivant ou au moins avant d'être vraiment vieille, parce que le poids sociétal est trop fort", se désole Tanya Naville.
Pour elle, "même si ça s'améliore énormément, il y a encore beaucoup de chemin". En attendant, le festival Femmes en montagne est là, pour préparer le terrain, pour les générations futures.
Festival Femmes en montagne : du 2 au 5 novembre à Annecy, en ligne jusqu'au 2 janvier 2024.