INSOLITE. Nathan Paulin, le champion de highline, marche sur un fil pour alerter sur le dérèglement climatique

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Nathan Paulin : marcher sur un fil pour alerter sur le dérèglement climatique ©DR

Nathan Paulin traverse des vallées ou des sites prestigieux… sur un fil, une highline plus exactement. Une discipline non polluante que ce haut-savoyard pratique en ville, mais surtout en montagne. Effaré par les changements qu’il voit depuis sa fenêtre, il alerte et fait réfléchir sur les effets du dérèglement climatique.

Sa silhouette élancée se découpe en contre-jour sur le cercle orangé du soleil couchant. À 30 mètres au-dessus du lac d’Annecy, Nathan Paulin marche lentement comme en apesanteur au-dessus des flots bleu turquoise. Les bras tendus. Les yeux droits devant. Les pieds sur une longue sangle qui fait cinq centimètres de large, ce funambule des temps modernes respire doucement. Calme, gainé, les sens en éveil. Le public, qui ne le connait pas et qui assiste à la traversée du lac sur un fil, l’observe admiratif. Certains, peu nombreux, craignent qu’il ne chute malgré son baudrier qui le relie à la slackline, les autres sont hypnotisés par sa traversée, en lévitation au cœur de ce site magnifique avec émerveillement. Dans les deux cas, face à cette performance poétique, l’émotion est là.

Dans le ciel, Nathan, à l’écoute de ses sensations, est concentré, pas impressionné. Le jeune homme n’en est pas à son coup d’essai. Il s’entraine presque quotidiennement depuis des années et en cette belle soirée d’été, le garçon des Aravis est heureux de pouvoir évoluer dans les airs, près de chez lui, devant ses amis et ses proches.

Un jour, à 17 ans, ce grand barbu d’un mètre 90  a voulu tester son équilibre en tendant une sangle entre deux arbres, presque au ras du sol, dans le jardin situé derrière sa maison. Il y a pris goût. Rapidement à l’aise, ce haut-savoyard a pris confiance et s’est orienté vers des traversées de plus en plus longues et hautes, un exercice qu’on appelle la highline. Reconnu pour sa maîtrise et son endurance, il en a même fait son métier en imaginant des prestations dans des lieux emblématiques et spectaculaires.

« Quand j’ai commencé à marcher sur un fil, j’aimais bien l’état de concentration dans lequel j’étais » raconte-t-il. « Il fallait que j’augmente les distances parce que cela devenait trop facile. J’ai fait des distances qui sont devenues des records : 470 mètres en 2015, puis 500 mètres, puis 1 kilomètre, ensuite 1 km 600 et récemment 2 km 240 et c’est cela qui m’a fait connaitre. Aujourd’hui, les records ne m’intéressent plus trop. Ce qui m’intéresse plus, c’est la beauté des lieux, leur diversité et leur beauté. »

Un sportif qui vit au milieu de la nature

La technique maîtrisée, Nathan Paulin cherche aujourd’hui, à associer esthétique, sens et performance. Et ses traversées toujours très spectaculaires connaissent un retentissement de plus en plus grand. Les lieux sont choisis avec soin et la scénarisation soignée. Il y a eu une première traversée entre les Tours de la Défense, puis une autre entre la Tour Eiffel et le Palais de Chaillot et dernièrement une autre d’un bout à l’autre de la baie du mont Saint Michel. Aujourd’hui, parce qu’il a commencé au bon moment, qu’il est charismatique, qu’il s’exprime bien et qu’il a le sens de la mise en scène, ce pionnier incarne sa discipline. Sa notoriété et son sens de l’ouverture est telle qu’en 2020 le chorégraphe Rachid Ouramdane, directeur du Théâtre national de Chaillot, a imaginé un ballet autour de son parcours et de son art.

De son sport, pourrait-on dire, car pour marcher plus de deux kilomètres sur un fil, résister au vent, tenir une position sans se tétaniser, il faut une préparation mentale et physique pointue. Si Nathan Paulin passe du temps sur sa slackline les semaines précédant ses exploits, le reste du temps, il passe énormément de temps en montagne. Depuis son petit village du Reposoir, aux portes du Grand Bornand, près du col de la Colombière, ce montagnard aguerri a sous la main un terrain de jeu idéal pour assouvir sa soif de sensations. Au programme : vélo, alpinisme, parapente et trail l’été, ski de randonnée ou pente raide l’hiver.

Au fil de ses sorties, il a pu constater l’évolution des paysages entourent son petit hameau de 500 habitants. « J’ai 28 ans, je suis né en montagne et en seulement 28 ans, j’ai vu les choses changer… précise-t-il. J’ai vu le niveau de la neige remonter, les hivers sans la neige devenir plus fréquents, j’habite dans une station à 1 000 mètres et cela devient limite, la station n’est plus ouverte très souvent. Et l’été, on a eu une année très sèche, les alpages sont devenus tout jaunes ».

Démarche logique et écologique

Dans son quotidien, il essaye de faire attention à son empreinte carbone et d’avoir une démarche logique et écologique. Ce jeune père de famille, qui a un fils de deux ans, s’efforce de consommer moins, mais mieux. Il achète en seconde main ou des objets produits localement. Mais au-delà de ces habitudes, il cherche à utiliser son art pour alerter et éclairer.

« Je suis dans un sport qui est très léger, très doux, très peu polluant, sans bruit. C’est une manière de montrer les paysages en douceur et donner envie aux gens de les contempler et par la même occasion de les protéger », résume-t-il.  « J’ai une pratique très visuelle qui met un coup de projecteur sur des sites et j’ai décidé de montrer des lieux qui étaient en plein changement à cause du dérèglement climatique.

J’ai fait par exemple une traversée du glacier d’Argentière. L’idée était toute simple : c’était de dire là où je suis, dans le vide, il y a 40 ans il n’y avait que de la glace. Elle a fondu et ce qui reste 40 mètres sous mes pieds, aura probablement disparu dans 40 ans.

Nathan Paulin

L’accélération est tellement rapide que les glaciologues ne savent pas prédire exactement dans combien de temps le glacier va disparaître, mais c’est presque inévitable. Ma volonté était de dire, profitez de cet endroit avant qu’il ne disparaisse, car il n’y en aura plus bientôt. »

À côté de cela, il regarde du côté des solutions. Dernièrement, il a tendu sa ligne entre deux éoliennes géantes dans le Jura Suisse. « Cette traversée était hyper esthétique, mais c’était aussi un moyen de dire qu’il n’y a pas que les énergies fossiles qui existent : il y a d’autres énergies plus propres et renouvelables. »

À l’image de la nouvelle génération qui est de plus en plus consciente des enjeux dans la région, Nathan essaye d’être cohérent, de mettre en ligne ses actes et ses discours. Afin de réduire l’empreinte carbone de son activité, il privilégie le train pour ses déplacements et évite les allers-retours inutiles. Côté équipes, même topo : il préfère prendre des intervenants locaux pour l’épauler dans ses tentatives. « Quand je suis allé au Brésil, j’ai fait travailler des locaux, j’étais le seul étranger, l’équipe était brésilienne », confie-t-il.

 Dans l’absolu, j’aurais envie de ne plus bouger. Mais quand on me propose des choses intéressantes, j’avoue que j’ai encore du mal à dire non pour l’instant. Je fais au mieux. »

S’engager pour son fils de deux ans

Il a le même souci du détail pour ses sponsors qu’il choisit en fonction de leur éco responsabilité. Il donne la primeur aux vêtements fabriqués en France, sans perturbateur et recyclés si possible. Ce sont des contraintes, des sacrifices, mais à ses yeux cette exigence a du sens, notamment pour que son fils puisse profiter des joies de la montagne comme lui.

« Parfois, ce n’est pas facile », reconnaît-il. « Monter un projet avec plein de petits partenaires au lieu de prendre une grosse marque qui a plein d’argent et démarcher plein de petits sponsors locaux prend du temps et de l’énergie. Ce sont des contraintes, mais c’est nécessaire. Quand je mets une highline en montagne, en hauteur, dans un endroit difficile d’accès, j’y vais pour avoir une épreuve, mais une fois surmontées les difficultés, le plaisir est encore plus important. La beauté de l’aventure, du projet vient de là. Si tout vient facilement, cela n’a pas de goût, de saveur. Ce type de challenge donne du goût. De la même manière, je pense que faire les choses en respectant l’environnement, cela les rend plus savoureuses. »

>> Les trois antennes de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes mettent au cœur de leur programmation la protection de la montagne et de ses écosystèmes, beaux mais fragiles.   #PréserveTaMontagne, un sujet d’actualité, une question majeure vu que deux tiers de la région se situe en zone montagne et que la région est à cheval sur les Alpes, le Massif central et le Jura.

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